• Pr DRENO : Les infections bactériennes cutanées en pratique courante

Brigitte DRENO

Discipline : Dermatologie

Date : 11/07/2022


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L’impétigo, le furoncle, l’érysipèle, la maladie de Verneuil, l’impétigo ou le purpura sont au nombre des infections bactériennes cutanées le plus souvent rencontrées en pratique courante. Comment les reconnaître et les traiter ? Les précisions du Pr Brigitte Dreno, dermatologue, responsable de l’unité d’Onco-dermatologie du CHU de Nantes, professeur des universités à Nantes, Inserm.

 

TLM : Quelles sont les infections cutanées le plus fréquemment rencontrées en pratique courante ?

Pr Brigitte Dreno : L’impétigo est une des infections les plus fréquentes de la peau. Dans 90 % des cas cette maladie est induite par un staphylocoque. C’est le cas par exemple de l’impétiginisation, c’est-à-dire la surinfection, en général par un staphylocoque, de la peau altérée par une dermatose, comme l’eczéma ou le psoriasis. Les furoncles, les abcès sont aussi des atteintes cutanées infectieuses fréquentes, liées souvent au staphylocoque. Citons aussi la maladie de Verneuil qui, elle, se caractérise par des abcès sous les bras, au niveau de la face interne des cuisses, dans la région sus-pubienne et sous-mammaire. Les prélèvements bactériologiques mettent en évidence là encore le plus souvent la présence de staphylocoques, moins souvent de streptocoques. Enfin, parmi les atteintes infectieuses de la peau, il ne faut pas oublier l’érysipèle, une infection liée surtout au streptocoque, qui se développe essentiellement sur les membres inférieurs. Il faut encore mentionner l’ecthyma, un impétigo nécrotique, qui frappe le plus souvent les personnes immunodéprimées. Citons encore le purpura fulminans, une atteinte cutanée associée à une forme grave de méningite à méningocoque.

 

TLM : Sur quels critères diagnostiquer un impétigo ?

Pr Brigitte Dreno : Le diagnostic est assez facile. L’impétigo touche plus volontiers l’enfant. Celui-ci présente alors sur la peau des bulles, des vésicules, remplies d’une collection jaunâtre. Elles évoluent vers des croûtes jaunâtres, avec un aspect de placards circinés et des bordures périphériques marquées — il faut alors rechercher la présence de ganglions. Le visage chez l’enfant, le pourtour de la bouche en particulier, sont les zones du corps les plus souvent atteintes. Et il n’y a pas de fièvre associée. Cette maladie très contagieuse est due à une infection par le staphylocoque. Dès le diagnostic, il faut isoler l’enfant et réserver pour lui du linge et des serviettes de toilette personnelles, à ne pas partager avec le reste de la famille. Les antibiotiques locaux ne sont plus utilisés pour éviter les résistances. Le traitement repose sur une antibiothérapie par voie orale, essentiellement la pristinamycine, mais aussi les céphalosporines, les macrolides... Attention à bien protéger l’enfant du soleil jusqu’à la cicatrisation et la disparition totale des lésions. L’impétiginisation des lésions cutanées, comme l’eczéma ou le psoriasis, est caractérisée par le fait qu’aux atteintes typiques de ces maladies dermatologiques s’associent en plus des pustules, des bulles de couleur jaunâtre d’origine infectieuse. Le prélèvement permet de retrouver le germe en cause, staphylocoque ou streptocoque.

L’antibiothérapie per os peut être associée à un gel nettoyant de même PH que la peau, éventuellement à un antiseptique local ou un cicatrisant.

Là encore, il faut éviter les antibiotiques topiques.

 

TLM : Que faut-il faire en cas de furoncle ?

Pr Brigitte Dreno : La mauvaise hygiène, le diabète, le fait d’être immunodéprimé ou traité par des anti-inflammatoires non stéroïdiens favorisent le développement des furoncles et de la furonculose. Même si l’on sait que le staphylocoque est le plus souvent en cause, le prélèvement bactérien peut être utile, avec un écouvillon. Si le furoncle n’est pas mûr, il faut mettre en place un traitement antibiotique par voie orale et, si nécessaire, pratiquer dans un deuxième temp une excision. Si l’abcès est mûr, il faut commencer par l’excision associée à une antibiothérapie. En cas de furonculose, il faut inciser les abcès, prescrire des antibiotiques par voie orale, désinfecter le nez avec de la mupirocine. Quant au panaris, il se traite en plongeant le doigt plusieurs fois par jour dans un petit bain d’antiseptique, le dakin par exemple. Il faut y associer un antibiotique systémique pendant 10 jours, a priori pénicilline M ou pyostacine. Attention aux furoncles sur le visage, car il existe un risque de thrombophlébite du sinus caverneux, complication rare, mais grave, autrefois appelée « staphylococcie maligne de la face ». Quant à la maladie de Verneuil, de plus en plus fréquente, caractérisée par des poussées d’abcès au niveau des glandes apocrines, souvent liés à un staphylocoque, elle se développe chez des patients en général obèses ou grands fumeurs. La prise en charge passe par des cures d’antibiotiques répétées, l’excision des lésions si nécessaire. Parfois même, dans les formes sévères, les biothérapies, comme les anti-TNF peuvent être utiles.

 

TLM : Et comment diagnostiquer et traiter l’érysipèle ?

Pr Brigitte Dreno : L’érysipèle est une dermo-épidermite aiguë liée en général au streptocoque A, parfois au staphylocoque. Elle touche le plus souvent l’adulte, aux alentours de 60 ans. Elle se caractérise par des placards cutanés, en général au niveau des membres inférieurs (parfois sur la face), placards, rouges, inflammatoires, douloureux, avec de la fièvre et parfois des adénopathies loco-régionales. Les diagnostics différentiels sont la thrombo-phlébite veineuse profonde des membres inférieurs et la lymphangite. La porte d’entrée de la bactérie est souvent l’intertrigo, l’ulcère de jambe ou encore une petite blessure parfois minime du membre inférieur. L’érysipèle se traite par des antibiotiques, l’amoxicilline est le traitement de référence, par voie orale à la dose de trois à quatregrammes par jour, pendant au moins 10 jours, parfois plus. En cas d’intolérance, la pristinamycine peut être prescrite. Passées les premières 24 heures de traitement, ces lésions ne doivent plus s’étendre mais régresser. Parfois, des bas de contention, des drainages lymphatiques ou encore une prise en charge de l’obésité peuvent être nécessaires. Il faut aussi rechercher une porte d’entrée, intertrigo, plaie... et la traiter. Dans les formes d’érysipèle à répétition, un traitement antibiotique préventif peut être prescrit. L’évolution de l’érysipèle doit être surveillée. La nécrose des lésions est une urgence à traiter chirurgicalement, avec une perfusion d’antibiotiques, à l’hôpital. Cette nécrose peut survenir entre autres lorsque l’érysipèle est traité avec des AINS, totalement contre-indiqués dans cette infection.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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