• Pr. DEMOLY : Allergie aux acariens: un impact sur le sommeil sous-estimé

Pascal DEMOLY

Discipline : Pneumologie

Date : 25/04/2021


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TLM : La rhinite allergique aux acariens est-elle une maladie fréquente ?

Pr Pascal Demoly : La rhinite allergique est le phénotype le plus fréquent et le plus connu de l’allergie. On recense environ 20 % d’individus allergiques dans le monde, dont la moitié le sont aux acariens. Mais parmi ces derniers, la très grande majorité (80 %) sont polysensibilisés, autrement dit sensibles à d’autres allergènes.

Pourquoi une telle prévalence ?

Les allergènes à l’origine de la rhinite allergique aux acariens sont présents dans les déjections et les carapaces de ces animaux. Ce sont des arthropodes saprophytes microscopiques qui adorent les environnements chauds et humides, et qui se nourrissent des microparticules de peau et des cheveux que l’on perd chaque jour et chaque nuit. Autant dire que notre lit est une aubaine pour eux !

Il s’agit donc d’une allergie chronique/perannuelle...

L’allergie aux acariens est en effet considérée comme une maladie persistante/perannuelle, mais on observe néanmoins des pics saisonniers dans certaines régions françaises du bassin méditerranéen, où les hivers secs ne favorisent pas la multiplication de ces petites bêtes, ainsi qu’à l’automne, lors de la rentrée scolaire.

Quels sont les signes cliniques de cette allergie ?

L’allergie aux acariens provoque une rhinite, autrement dit une irritation et une inflammation des muqueuses de la cavité nasale, qui se manifeste principalement par des symptômes au niveau du nez : rhinorrhée, congestion nasale conduisant la plupart du temps à son obstruction, démangeaisons. Ces symptômes peuvent s’accompagner d’une conjonctivite, mais c’est loin d’être systématique.

Quelles peuvent être les conséquences de ces symptômes ?

La principale conséquence est qu’elle déstructure le sommeil. L’obturation nasale et la rhinorrhée provoquent des microréveils nocturnes qui entraînent une baisse de la récupération et, in fine, une diminution des performances au travail ou à l’école. C’est un phénomène assez insidieux et largement sous-estimé, qui a pourtant été objectivé dans de nombreux travaux ; une étude anglaise a même mesuré cette perte de chances, et évalué qu’à l’âge de ce qui correspond à notre baccalauréat, les adolescents affectés accusaient un retard scolaire d’un an ! D’autres travaux ont par ailleurs mis en évidence un risque accru de somnolence et d’accident de la route dans les formes les plus sévères de la maladie.

Quels sont les critères permettant de classer sa gravité ?

Pour déterminer le degré de sévérité d’une allergie, le médecin doit poser trois questions à son patient : quel est l’impact de l’allergie sur votre travail ? Quel est l’impact de l’allergie sur votre sommeil ? Vos symptômes sont-ils très gênants ? Si le patient interrogé répond positivement à une seule de ces trois questions, on considèrera qu’il souffre d’une forme sévère de la maladie ; s’il répond par la négative à l’ensemble de ces trois questions, son allergie sera alors diagnostiquée comme légère ou modérée.

Le diagnostic de l’allergie aux acariens repose donc essentiellement sur ses signes cliniques ?
Un interrogatoire minutieux associé à un examen médical permettent en effet de poser le diagnostic d’une allergie aux acariens. Mais le médecin doit procéder à un diagnostic différentiel et rechercher la présence de signes atypiques, anormaux : l’unilatéralité des symptômes, un saignement de nez, une suppuration, des douleurs ou encore une résistance aux traitements doivent l’amener à envisager d’autres pathologies. Il est alors conseillé d’adresser le patient à un confrère ORL ou allergologue. La recherche de comorbidités, en particulier d’un asthme, doit également être systématique. Le médecin doit aussi écarter l’hypothèse d’une rhinite non allergique, liée par exemple à une déviation de la cloison nasale, une rhinosinusite avec ou sans polypose nasale. Si le diagnostic d’une allergie aux acariens est le plus probable, un test cutané (ou Prick-test) sera réalisé pour le confirmer ; fiable à 100 %, indolore, il peut être réalisé à tout âge. Un dosage sanguin peut le remplacer, il sera alors unitaire alors que les prick de l’allergologue exploreront la sensibilité à une batterie d’allergènes de l’environnement intérieur et extérieur.

La prise en charge des patients allergiques aux acariens est-elle la même que pour toute allergie ?
 

Oui, elle repose à la fois sur l’éviction précoce et complète des allergènes, en l’occurrence des acariens si l’on a pu prouver qu’ils jouent un rôle majeur dans l’allergie, et sur un traitement médicamenteux. On conseille d’aérer quotidiennement son logement, et plus particulièrement sa chambre à coucher, afin de réduire l’humidité et de maintenir une température inférieure à 25°C ; il est également important de laver ses draps à 60°C une fois par semaine, et de nettoyer la housse du matelas au moins une fois par mois. Des mesures contraignantes et parfois vaines dans la mesure où les acariens peuvent être introduits par des personnes extérieures au foyer... Sur le plan thérapeutique, les antihistaminiques constituent la première ligne de traitement, suivis des corticoïdes locaux en seconde ligne ; les deux peuvent être associés, parfois au sein d’un seul médicament ; enfin, si aucune de ces stratégies thérapeutiques ne fonctionne, une désensibilisation par immunothérapie allergénique peut être proposée : le traitement, vendu sous forme de gouttes (dès l’âge de 5 ans) ou en comprimés administrés en sublingual (désormais remboursés dès l’âge de 12 ans), a l’avantage de prévenir le risque d’asthme qui est associé dans 30 à 40 % des cas. Le patient doit être informé que des symptômes locaux, mais transitoires, surviennent fréquemment lors de sa mise en route. En cas d’inefficacité, le médecin ne doit pas hésiter à l’interrompre et à proposer une alternative thérapeutique. Attention toutefois aux cures de corticoïdes systémiques, même de courte durée, vers lesquelles il est tentant de se tourner : des études de plus en plus nombreuses mettent en garde contre leur toxicité qui s’accumule au cours de la vie et expose à un risque accru de diabète, de cataracte, d’ostéoporose, d’infections ou, plus globalement, de mortalité.

Propos recueillis par Mathilde Raphaël

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