• Pr DE LEDINGHEN : L’élimination de l’hépatite C est à notre portée...

Victor DE LEDINGHEN

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 09/07/2020


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DÉPISTAGE ET TRAITEMENTS AUSSI SIMPLES QU’EFFICACES, LA FRANCE DISPOSE DES ARMES NÉCESSAIRES À L’ÉLIMINATION DE L’HÉPATITE C, TRANCHE LE PR VICTOR DE LÉDINGHEN, CHEF DU SERVICE D’HÉPATO-GASTRO- ENTÉROLOGIE ET D’ONCOLOGIE DIGESTIVE AU CHU DE BORDEAUX. IL NE TIENT QU’À NOUS D’EN FINIR AVEC CE FLÉAU...

 

TLM: Quels sont les enjeux de l’hépatite C aujourd’hui en France ?


Pr Victor de Lédinghen : En France, comme dans le reste du monde, l’hépatite C est une pathologie qui peut, et doit, être éli- minée. L’Organisation mondiale de la santé s’est d’ailleurs prononcée en ce sens, visant son élimination d’ici 2030. Cet ob- jectif est tout à fait atteignable grâce aux outils diagnostiques et thérapeutiques dont nous disposons.

 

TLM: Où en est-on au plan épidémiolo- gique ?


Pr Victor de Lédinghen : La France compte aujourd’hui environ 30 000 patients diag- nostiqués et non traités. Il s’agit principa- lement de sujets bien identifiés comme à risque, des usagers de stupéfiants par exemple. On estime par ailleurs le nombre de sujets infectés mais non diagnostiqués à près de 70 000. Cette seconde popula- tion est en revanche nettement plus hété- rogène. Elle est notamment

constituée de personnes ayant été infectées dans le cadre d’interventions chirur- gicales (petite chirurgie, obs- tétrique...) ayant nécessité une transfusion, avant même la découverte du virus, dans les années 90. Selon la pro- cédure de l’époque, les transfusions n’ont même pas été mentionnées dans le dossier. La majorité des por- teurs a donc aujourd’hui plus de 50 ans et n’a pas cons- cience de sa contamination.

 

TLM : Quelle est la politique de dépistage préconisée ?


Pr Victor de Lédinghen : Le dépistage systé- matique n’a pas été retenu par la Haute Au- torité de santé. Les recommandations fran- çaises, datant de septembre 2019, propo- sent un dépistage ciblé à partir d’une liste de sujets à risque : personnes ayant bénéfi- cié d’une transfusion avant 1992, hémodia- lysées, sujets porteurs d’un tatouage ou d’un piercing, ayant été traités par mésothé- rapie ou par l’acupuncture, réalisées en l’ab- sence de matériel à usage unique ou per- sonnel, personnes ayant eu des rapports sexuels à risque, personnes incarcérées ou l’ayant été, etc. Quelle que soit la démarche, il demeure essentiel qu’un dépistage le plus large possible soit réalisé pour tenir l’objec- tif fixé par l’OMS ; d’autant qu’il repose sur une simple prise de sang réalisable dans n’importe quel laboratoire.

 

TLM : La prise en charge thérapeutique est-elle réellement aussi simple que cela ?

 

Pr Victor de Lédinghen : Nous disposons de deux traitements efficaces, bien tolérés et effectivement très simples à utiliser. Ils se présentent sous la forme de comprimés à prendre une fois par jour pendant 8 ou 12 semaines, selon la spécialité retenue. Il faudra s’assurer, avant d’initier le traite- ment, de l’absence d’interactions médica- menteuses avec un traitement en cours ; on se renseignera sur une éventuelle auto-

médication, en se focalisant notamment sur la naturopathie. Il n’est pas inutile en- fin de rappeler au patient l’importance d’une observance optimale du traitement. Une nouvelle recherche de l’ARN du virus permettra de vérifier l’efficacité du traite- ment 12 semaines après l’arrêt de ce der- nier. S’il est indétectable, ce qui est le cas dans plus de 99% des cas, le patient est guéri ! Je souligne que la prescription de ces médicaments a été étendue aux méde- cins non spécialistes afin qu’ils puissent contribuer massivement à la disparition de l’hépatite.

 

 

TLM : Les médecins généralistes ont-ils été suffisamment formés pour dépister et trai- ter l’hépatite C ?


Pr Victor de Lédinghen : La simplicité de la démarche n’impose pas de justifier des com- pétences d’un spécialiste. Mais le généraliste, déjà accaparé par l’ensemble de ses tâches, n’a pas toujours la disponibilité nécessaire pour proposer un dépistage à ses patients. Il doit en effet prendre le temps d’en expliquer l’utilité puis le principe dans un laps de temps de plus en plus réduit. Le problème est donc plus organisationnel que technique. Notons qu’il existe un système de rappel à in- tégrer au logiciel de suivi de patientèle. Un pop-up s’affiche à chaque ouverture de dos- sier tant qu’il n’a pas été notifié que le pa- tient a bénéficié d’une sérologie.

 

TLM : Quels sont les messages importants à faire passer ?


Pr Victor de Lédinghen : Il faut bien com- prendre que proposer à son patient le dépis- tage d’une hépatite C, c’est aller systémati- quement au-devant d’une bonne nouvelle. Si le patient est négatif, le patient comme le praticien sont rassurés. S’il est positif, le trai- tement, aussi simple qu’efficace, le guérira en deux à trois mois. Sachant que le dépis- tage comme le traitement sont intégrale- ment remboursés, il n’y a aucune raison technique pour nous empêcher de suivre l’Islande et devenir ainsi le deuxième pays au monde à avoir éliminé l’hépatite C...

 

Propos recueillis par Aëlys Thyt

 

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