• Pr DE LA TAILLE : HBP : L’EAU recommande désormais l’extrait d’hexane de Serenoa repens

Alexandre DE LA TAILLE

Discipline : Uro-Néphrologie

Date : 10/01/2022


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L’extrait d’hexane de Serenoa repens doit être proposé en priorité aux patients souffrant des symptômes urinaires liés à une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP). C’est ce que vient de recommander récemment l’Association européenne d’urologie (EAU). Commentaires du Pr Alexandre de La Taille, chef du service d’Urologie au Centre hospitalier universitaire Henri-Mondor (Créteil).

 

TLM : Quels sont les traitements contre l’hypertrophie bénigne de la prostate ?

Pr Alexandre de La Taille : Tout dépend du tableau clinique présenté par le patient. Si son adénome prostatique n’est pas compliqué et qu’il ne ressent aucune gêne dans sa vie quotidienne, l’urologue lui conseillera une simple surveillance une fois par an pour s’assurer que ni sa prostate et ni ses symptômes n’évoluent. Il pourra assortir sa recommandation de conseils d’hygiène comme celui d’éviter de boire après le dîner afin de ne pas avoir à se lever la nuit pour uriner, et de diminuer sa consommation de caféine et d’alcool. Pour les hommes qui sont gênés par la survenue de troubles urinaires consécutive à l’hypertrophie de leur prostate, il existe en France trois classes de médicaments qui peuvent être prescrites seules ou en associations, et remboursées par l’Assurance maladie : les alpha-bloquants, les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase et les extraits de plantes (Serenoa repens, une espèce de palmier nain également connu sous l’appellation de palmier de Floride, et Pygeum africanum ou prunier d’Afrique).

 

TLM : Comment agissent ces différents médicaments ?

Pr Alexandre de La Taille : Les alpha-bloquants contribuent au relâchement des muscles de la vessie, de l’urètre et de la prostate, et facilitent ainsi la miction. Comme la vidange de la vessie se fait mieux, les envies d’uriner deviennent moins fréquentes. L’intérêt de ces médicaments est qu’ils agissent rapidement, après seulement un ou deux jours de traitement ; leur principal inconvénient est qu’ils entraînent chez certains patients des hypotensions orthostatiques et des troubles de l’éjaculation. Également recommandés en première intention, les médicaments de phytothérapie contenant des extraits hexaniques de Serenoa repens et de Pygeum africanum sont depuis longtemps reconnus en France pour leurs vertus contre les troubles urinaires liés à un adénome de la prostate. Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase visent, quant à eux, à réduire le volume de la glande prostatique en bloquant la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone. Néanmoins, l’efficacité de ces médicaments est lente à apparaître (entre trois et six mois après l’instauration du traitement) avec une réduction du volume de la prostate de 25 à 30 %. Mais la principale critique attribuée à ces médicaments est qu’ils occasionnent des troubles sexuels (baisse de libido, troubles de l’érection, troubles de l’éjaculation) chez une proportion non négligeable de patients mais réversibles à l’arrêt du traitement. Ils sont donc prescrits en seconde intention, en cas d’échec des traitements par alpha-bloquants ou par phytothérapie.

 

TLM : L’Association européenne d’urologie (EAU) a récemment modifié ses recommandations en matière de prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Quelles sont ses nouvelles recommandations ?

Pr Alexandre de La Taille : L’Association européenne d’urologie, une société savante qui regroupe des urologues exerçant dans l’ensemble des pays d’Europe, reconnaît enfin les vertus de l’extrait hexanique de Serenoa repens (HERs) et recommande ce traitement phytothérapeutique en première intention.

 

TLM : Un traitement utilisé de longue date pourtant par les urologues français...

Pr Alexandre de La Taille : Il est en effet très utilisé en France. Le laboratoire français qui le fabrique a mené d’importantes études prospectives et randomisées afin de mettre en évidence l’intérêt de l’extrait hexanique de Serenoa repens par rapport aux autres traitements. Il a notamment montré qu’il améliorait les symptômes urinaires dans les mêmes proportions que le traitement par alpha-bloquants. En revanche, l’EAU ne faisait pas la différence entre cet extrait hexanique de Serenoa repens et les autres Serenoa repens présents dans beaucoup de traitements de phytothérapie. L’EAU a revu l’ensemble des études sur l’extrait hexanique de Serenoa repens, et abouti aux mêmes conclusions : cette plante, lorsqu’elle est extraite selon un certain procédé, améliore à la fois le débit urinaire mais aussi les symptômes urinaires. Surtout, les effets secondaires sont très peu fréquents sans impact sur la sexualité.

 

TLM : Quel est ce procédé d’extraction que vous évoquez ?

Pr Alexandre de La Taille : Il existe plusieurs procédés d’extraction de Serenoa repens : l’extraction éthanolique, hexanique ou au CO2 supercritique. L’EAU ne recommande que l’extrait hexanique, dont la supériorité par rapport aux extraits non-hexaniques a été démontrée dans les travaux scientifiques examinés par l’association. En intégrant cette plante dans ses recommandations de bonne pratique pour la prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate, l’EAU reconnaît enfin sa valeur. Rappelons que l’Agence européenne des médicaments l’avait reconnue depuis 2016 !

 

TLM : À qui s’adresse en priorité l’extrait hexanique de Serenoa repens ?

Pr Alexandre de La Taille : La recommandation est de le proposer en priorité aux patients qui souffrent des symptômes urinaires liés à une hypertrophie bénigne de la prostate et qui en sont gênés. Les patients refusant les effets secondaires sur leur sexualité y trouveront un avantage : même efficacité qu’un alpha-bloquant ou un inhibiteur de la 5-alpha-réductase sans aucune atteinte sur la sexualité. En pratique, les urologues le prescrivent à leurs patients âgés dont les symptômes urinaires sont modérés et gênants. La durée de traitement est d’au moins six mois, renouvelable plusieurs fois ; les premiers signes d’amélioration apparaissent entre la première et la deuxième semaine. Beaucoup de patients parviennent à s’équilibrer grâce à ce traitement ; chez ceux dont la prostate continue de s’hypertrophier ou dont les symptômes s’aggravent, un traitement de seconde intention associant des alpha-bloquants aux inhibiteurs de l’alpha-réductase prend le relais.

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

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