Pr DARMON :Quelles options après la metformine chez un patient avec un DT2 non équilibré ?
Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition
Date : 10/10/2021
Quand la metformine administrée en monothérapie à la dose maximale ne suffit plus, que proposer ? Quelles bithérapies pour quels patients ? Le point avec le Pr Patrice Darmon, endocrinologue-diabétologue au CHU de la Conception à Marseille.
TLM : Quels indicateurs pour juger qu’un patient diabétique de type 2 n’est pas équilibré par la metformine ?
Pr Patrice Darmon : Tout d’abord, il faut s’assurer que les règles hygiénodiététiques sont bien suivies, que l’observance thérapeutique est satisfaisante et que la metformine est prescrite à la dose maximale tolérée (idéalement entre 2 et 3 grammes/j). La metformine doit être introduite progressivement, en raison des effets secondaires digestifs qui sont relativement fréquents, et fractionnée en deux ou trois prises par jour au moment des repas. Et une fois que la dose aura été augmentée jusqu’à la dose maximale tolérée, il faudra surveiller l’hémoglobine glyquée (HbA1c), critère principal pour statuer qu’un patient se trouve ou non en échec thérapeutique. Chez la plupart des patients diabétiques de type 2, la règle consiste à obtenir une HbA1c inférieure à 7 %. Cependant, s’agissant des diabètes récents, de personnes jeunes, sans comorbidités, viser une HbA1c inférieure à 6,5 % est l’idéal. On peut aussi proposer une cible à 8 % chez les patients avec comorbidités sévères et/ou espérance de vie limitée. On parlera d’échec du traitement quand l’HbA1c est au-dessus des objectifs alors que la dose maximale tolérée par le patient a été atteinte.
TLM : Que faire si l’objectif n’est pas atteint ?
Pr Patrice Darmon : Avant d’adopter une quelconque décision, il faut évaluer l’adhésion du patient aux modifications du mode de vie et son observance thérapeutique. Si l’on juge que le patient peut faire mieux, on peut se donner quelques semaines avant d’intensifier le traitement. Dans le cas contraire, on passera d’emblée à une bithérapie adaptée. Le choix de la bithérapie se fera en concertation avec lui, en l’informant des bénéfices attendus, des effets secondaires, de la galénique, etc., dans le cadre de la décision médicale partagée.
TLM : Quelles sont alors les options disponibles pour parvenir à l’objectif ?
Pr Patrice Darmon : Nous disposons de quatre solutions si la metformine seule ne suffit plus. Je précise que quelle que soit la solution choisie, il s’agira de bithérapies incluant toujours la metformine.
• Première option : ajouter un inhibiteur de la DPP4 (ou gliptine). Très faciles à manipuler, disponibles en combinaison dans un même comprimé avec la metformine, ces médicaments améliorent l’HbA1c sans induire d’hypoglycémie, n’ont pas d’impact sur le poids et ont très peu d’effets secondaires. Toutefois, ils n’ont pas démontré de bénéfice spécifique sur le plan cardiovasculaire.
• Deuxième choix possible : ajouter un inhibiteur de SGLT2 (ou gliflozine). Deux molécules sont actuellement disponibles en France. Il existe là aussi des formes combinées avec metformine. Les inhibiteurs de SGLT2 améliorent l’HbA1c sans provoquer d’hypoglycémie et font perdre du poids—deux à quatre kilos en moyenne. Chez certains patients DT2 à haut ou à très haut risque cardiovasculaire, ces traitements ont, en outre, montré un bénéfice sur le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et sur la progression de la maladie rénale. Ces médicaments présentent quelques effets secondaires, en particulier un risque d’infections génitales —le plus souvent bénignes et non récidivantes— et une petite baisse de la pression artérielle à la suite d’une perte de sel dont il faudra se méfier chez certains patients fragiles ou âgés déjà traités par diurétiques. En outre, un risque rare d’acidocétose existe dans des situations particulières —acte chirurgical, infection sévère...— qui doivent conduire à suspendre le traitement. Il faut déplorer qu’à ce jour les médecins généralistes ne peuvent pas initier ces produits mais seulement en renouveler la prescription, mais on peut espérer qu’une telle restriction sera levée rapidement.
• Troisième possibilité, cette fois-ci sous forme injectable : les agonistes des récepteurs du GLP-1. Administrés une fois par jour pour certains ou une fois par semaine pour d’autres, ces médicaments sont plus puissants que les deux précédents sur l’HbA1c, sans induire d’hypoglycémie, et s’accompagnent en outre d’une perte de poids de deux à quatre kilos en moyenne. Ils offrent, par ailleurs, une protection cardiovasculaire chez les patients diabétiques à haut risque ou très haut risque cardiovasculaire. Pour les patients sous metformine qui ont un diabète récent, s’injecter un produit peut parfois être mal vécu mais les formes hebdomadaires sont généralement bien acceptées. Autres inconvénients de la classe : des effets secondaires digestifs (nausées, vomissements..., s’estompant le plus souvent avec le temps) et, chez certains patients, une non-réponse à ces traitements.
• Dernier choix possible, mais qui ne sera plus privilégié aujourd’hui : ajouter un sulfamide hypoglycémiant. Ces vieux médicaments, peu coûteux, sont efficaces sur l’HbA1c, mais peuvent néanmoins entraîner des hypoglycémies et une prise de poids. Ces produits, qui n’ont pas de bénéfice cardiovasculaire spécifique, sont encore très prescrits suivant les recommandations de la Haute Autorité de santé, dont je souligne à cet égard qu’elles n’ont pas été réactualisées depuis 2013.
TLM : Quelles sont les indications spécifiques de l’association sitagliptine/ metformine et son efficacité ?
Pr Patrice Darmon : Même si elle n’a pas montré de bénéfice particulier sur le plan cardiovasculaire, cette association est efficace et très bien tolérée. La surveillance en est donc aisée, et ce d’autant plus lorsque le patient a bien toléré la metformine. Deux contre-indications néanmoins : l’insuffisance rénale sévère —débit de filtration glomérulaire < 30 ml/min/1,73 m2— et l’existence d’une maladie pancréatique en raison d’une possible petite augmentation du risque de pancréatite aiguë sous inhibiteurs de la DPP4. En l’absence de contre-indication, l’association sitagliptine/metformine s’avère très pratique, notamment chez les sujets de plus de 75 ans chez qui cette bithérapie n’entraîne ni hypoglycémie ni perte de poids, souvent délétère à ces âges.
TLM : Quel rôle peut jouer le médecin traitant ?
Pr Patrice Darmon : Son rôle est capital car les patients présentant un DT2 traité par metformine seule sont suivis très majoritairement par les médecins généralistes. En cas d’échec de la metformine, ces praticiens doivent savoir choisir et manipuler la bithérapie qui sera la plus adaptée au patient.
Propos recueillis
par Marie Beaurenaud ■