• Pr Cortet : Recommandations dans la prise en charge de l’ostéoporose : Quoi de neuf ?

Bernard Cortet

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 18/04/2023


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La mise à jour de la fiche concernant le bon usage des traitements de l’ostéoporose par la Haute Autorité de santé ne contient que peu de nouveauté, constate le Pr Bernard Cortet, rhumatologue au CHU de Lille, président du GRIO (Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses). Il salue néanmoins cette initiative qui met en lumière une maladie encore trop souvent perçue comme une fatalité liée au vieillissement et pas assez prise en charge.

 

TLM : Pourquoi la Haute Autorité de santé a-t-elle décidé de mettre à jour ses recommandations relatives au traitement de l’ostéoporose alors qu’elles ne dataient que de 2019 ?

Pr Bernard Cortet : Pour être tout à fait honnête, je l’ignore ! Cela dit, c’est plutôt une bonne idée dans la mesure où la prise en charge de l’ostéoporose reste déficitaire tandis que l’épidémiologie de cette pathologie s’aggrave et que le nombre de fractures augmente.

Selon les estimations, environ 4 millions de personnes souffrent d’ostéoporose en France, parmi lesquelles 3 millions de femmes. Et 400 000 vont faire une fracture (dont 75 000 de la hanche), qui conduira à une hospitalisation dans la moitié des cas. Or on sait qu’une hospitalisation après une fracture est un facteur de risque de surmortalité : 25% des patients décèdent dans l’année qui suit leur séjour à l’hôpital suite à une fracture de hanche. L’ostéoporose est encore trop souvent perçue comme une fatalité liée au vieillissement, il est temps que cela change. Et si cette mise à jour du bon usage des médicaments antiostéoporotiques peut y contribuer, tant mieux !

 

TLM : Quelles sont les nouveautés préconisées dans la prise en charge de l’ostéoporose ?

Pr Bernard Cortet : Concernant l’ostéoporose post-ménopausique, aucune évolution n’apparaît.

Les recommandations de la HAS s’inspirent largement de celles de la Société française de rhumatologie (SFR) et du Groupe de recherche international sur l’ostéoporose (GRIO), mais c’était déjà le cas des précédentes. Parmi les points positifs à souligner, le fait que les auteurs insistent sur l’importance de traiter, d’emblée, avec un anti-ostéoporotique les personnes victimes d’une fracture sévère (fractures de l’extrémité supérieure du fémur, de l’extrémité supérieure de l’humérus, des vertèbres, du bassin et pelvis, du fémur distal, de trois côtes simultanées et du tibia proximal) par fragilité osseuse. Un traitement est également pleinement justifié chez les femmes qui présentent un risque élevé de fracture en raison d’une diminution importante de leur densité osseuse (T score < -3) ou chez celles dont la diminution est moins importante (T score < -2,5) mais qui présentent par ailleurs d’autres facteurs de risque tels que l’âge (>60 ans), une corticothérapie systémique ancienne ou actuelle à une posologie supérieure ou égale à 7,5 mg/jour d’équivalent prednisone, un indice de masse corporelle < 19kg/m2, une ménopause précoce (<40 ans) ou encore un antécédent maternel de fracture de l’extrémité du col du fémur.

L’élément nouveau réside dans l’incitation des médecins généralistes à utiliser le FRAX (pour « Fracture Risk Assessment Tool ») dans toutes les situations de fractures non sévères, lorsque la densité minérale osseuse est basse (entre -2 et -3). Pour mémoire, le FRAX est un outil développé par l’OMS qui permet de quantifier le risque individuel de fracture sous forme d’une probabilité à 10 ans. Il s’appuie sur 11 facteurs de risque (âge, sexe, tabagisme, poids, taille, antécédents personnels et familiaux de fracture, corticothérapie, polyarthrite rhumatoïde, ménopause précoce, et résultat de la densitométrie osseuse de l’extrémité supérieure du fémur). Ce résultat est ensuite comparé au seuil théorique d’intervention thérapeutique afin de déterminer si un traitement doit être engagé. Contrairement aux pays anglosaxons où les médecins s’en sont massivement emparés, il reste peu utilisé en France. C’est pourquoi les recommandations françaises de prise en charge de l’ostéoporose post-ménopausique émanant du GRIO et de la SFR reposent essentiellement sur les antécédents fracturaires et l’importance de l’abaissement de la densité osseuse.

 

TLM : Pour quelle raison ?

Pr Bernard Cortet : Le FRAX a été introduit il y a une dizaine d’années, mais force est de constater qu’il n’a pas amélioré la prise en charge de l’ostéoporose. À part les fractures sévères qui peuvent être facilement diagnostiquées et prises en charge par les médecins généralistes, les situations plus complexes relèvent plutôt des rhumatologues. Le FRAX peut sembler, par conséquent, plutôt destiné à ces spécialistes. Peut-être cette mise à jour des recommandations va-t-elle inciter les praticiens à davantage s’en servir.

 

TLM : La mise à jour de la fiche relative au traitement de l’ostéoporose comportet-elle, à vos yeux, des points négatifs ?

Pr Bernard Cortet : La HAS exclut le remboursement du tériparatide chez les patients souffrant d’une seule fracture vertébrale et le réserve à ceux qui en ont au moins deux.

Mais le plus étonnant c’est l’introduction d’un nouveau médicament, le romosozumab, un anticorps monoclonal humanise (IgG2) qui augmente la formation osseuse et diminue la résorption osseuse, ce qui, in fine, augmente la masse osseuse, améliore la structure de l’os et sa résistance : or ce traitement n’est pas remboursé en France ! L’autre élément singulier dans cette mise à jour des recommandations de bon usage des médicaments anti-ostéoporotiques c’est que la HAS positionne ce puissant anabolique osseux dans son arbre décisionnel dans la prise en charge des femmes ayant eu une fracture, ce qui correspond à l’AMM de ce médicament, mais également chez celles qui n’ont pas fait de fracture, donc hors du périmètre d’indications que la HAS a elle-même validé ! Tout cela apparaît pour le moins surprenant.

 

TLM : La mise à jour du BUM aborde-t-elle l’ostéoporose cortico-induite ?

Pr Bernard Cortet : Oui, et c’était d’autant plus nécessaire que les précédentes fiches BUM (bon usage du médicament) sur cette thématique reposaient sur des recommandations datant de 2003, ce qui n’était pas approprié. En France, environ 200 000 personnes sont traitées par corticothérapie au long cours. Les nouvelles recommandations sont un copier-coller de celles édictées par la SFR et le GRIO en 2014 (et qui sont toujours d’actualité), ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Elles préconisent de mesurer la DMO avant d’initier une corticothérapie au long cours et rappelle les quatre situations pour lesquelles il est indispensable de proposer un traitement par biphosphonates : une dose de prednisone ou équivalent > 7,5 mg/j, des antécédents de fracture sans traumatismes majeurs, un T score ≤5, une dose de prednisone ou équivalent < 7,5 mg/j chez un patient âgé de plus de 70 ans.

Propos recueillis

par Charlotte Montaret

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