• Pr CORTET : Ostéoporose, quelle prise en charge ?

Bernard CORTET

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 11/07/2022


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Selon les dernières recommandations du GRIO, trois situations nécessitent la mise en œuvre d’emblée d’un traitement anti-ostéoporotique. Le Pr Bernard Cortet, chef du service de Rhumatologie au CHU de Lille et président du GRIO*, nous les détaille et revient, plus globalement, sur la prise en charge des femmes qui souffrent d’ostéoporose.

 

TLM : Les recommandations relatives à la prise en charge de l’ostéoporose ont été revues en 2018. Pour quelle raison ?

Pr Bernard Cortet : Les précédentes recommandations dataient de 2012 et l’arrivée du dénosumab, entre 2012 et 2018, a quelque peu modifié la prise en charge. De plus, d’autres données concernant la tolérance des traitements de l’ostéoporose au long cours ont été publiées durant cette période. Les recommandations n’ont cependant pas fondamentalement changé. L’idée de ces nouvelles recommandations était de simplifier et de définir un certain nombre de situations où un traitement anti-ostéoporotique doit être mise en œuvre d’emblée.

 

TLM : Quelles sont ces situations ?

Pr Bernard Cortet : On en distingue trois :

• les femmes qui ont déjà fait une fracture sévère (hanche, vertèbre, pelvis, humérus, extrémité inférieure du fémur et extrémité supérieure du tibia, ou qui présentent trois fractures costales concomitantes), et pour lesquelles la mesure de la densité minérale osseuse (DMO) indique un T-score ≤1 sur l’un des sites de mesure ;

• les femmes qui ont déjà fait une fracture non sévère (poignet, une seule côte, métatarse...) et dont le T-score est ≤ 2 ;

• les femmes, avec ou sans fracture, dont le T-score ≤ 3 traduisant une DMO substantiellement abaissée.

 

TLM : Comment débuter la consultation ?

Pr Bernard Cortet : Avant tout, le médecin doit s’assurer que sa patiente souffre effectivement d’ostéoporose ; cela nécessite de lui prescrire, a minima, une mesure de la calcémie, de la phosphatémie, et une évaluation de la fonction rénale. Connaître le taux de vitamine D sérique est également important : l’effet d’un traitement par bisphosphonates étant moindre lorsque ce taux est très bas, une recharge préalable en vitamine D est alors nécessaire. Bien que modéré, l’effet anti-fracturaire de cette vitamine, en particulier chez les personnes âgées avec un taux très bas (notamment celles vivant en institution), complète celui du traitement anti-ostéoporotique.

Bien qu’il n’existe pas de consensus, le médecin peut aussi demander un dosage du taux de parathormone et de la calciurie des 24 heures. Il n’est, en revanche, pas nécessaire de réaliser un bilan large en l’absence de signe évocateur d’une ostéoporose secondaire.

 

TLM : Quelles sont les modalités thérapeutiques recommandées ?

Pr Bernard Cortet : Les bisphosphonates constituent la pierre angulaire du traitement. Indiqués en première intention, ils peuvent être pris par voie orale ou par voie parentérale, ces deux voies d’administration ayant fait la preuve de leur intérêt pour prévenir les fractures de hanche et de vertèbre mais aussi non vertébrales. Les formulations per os, comme l’alendronate et le risédronate, existent sous différentes formes galéniques dont la plupart nécessitent une prise au moins une demi-heure avant le petit-déjeuner.

Sauf l’Actonel gastro-resistant® qui doit être pris après. Une différence loin d’être anecdotique pour les patientes, nombreuses à préférer commencer leur journée en avalant un petit-déjeuner plutôt qu’un médicament ! L’alternative, assez plébiscitée par les personnes les plus âgées et polymédiquées, est l’utilisation d’un bisphosphonate par voie injectable, à raison d’une perfusion d’acide zolédronique 5 mg une fois par an.

 

TLM : Quelle est la durée de traitement par bisphosphonates ?

Pr Bernard Cortet : La prescription des bisphosphonates se fait selon des cycles thérapeutiques de trois ans pour la voie injectable et de cinq ans pour la prise per os ; dans ce cas, la mesure de la densité minérale osseuse doit être réévaluée à mi-parcours puis à cinq ans pour vérifier l’absence de perte osseuse (traitement per os). Ce résultat, associé à la survenue ou non de nouvelles fractures et de nouveaux facteurs de risque, sera décisif quant à la poursuite, la suspension ou le changement de traitement en faveur du denosumab.

 

TLM : Le traitement hormonal de la ménopause et le raloxifène ont-ils leur place dans la prise en charge des femmes ostéoporotiques ?

Pr Bernard Cortet : Ces deux médicaments freinent la résorption osseuse et ont donc un intérêt dans le traitement de l’ostéoporose, mais leur utilisation se limite à certaines situations : le THM peut être proposé aux femmes ostéoporotiques récemment ménopausées ; quant au raloxifène, un modulateur sélectif des récepteurs aux œstrogènes, sa prescription est limitée aux femmes de moins de 70 ans qui présentent une ostéoporose et un T-score subnormal ou modérément abaissé au niveau de la hanche — ce traitement n’est, en revanche, pas indiqué chez les femmes plus âgées ou ayant déjà présenté des fractures périphériques (hanche, notamment). Pour les formes sévères d’ostéoporose, on peut aussi recourir au tériparatide, un médicament qui stimule la formation osseuse et réduit le risque de fractures vertébrales ou d’autres localisations, mais pas de la hanche. Administré par injections sous-cutanées quotidiennes, ce médicament dispose d’une AMM de deux ans et bénéficie d’un remboursement pendant 18 mois, il doit être relayé par un bisphosphonate pour que ses effets soient maintenus voire améliorés.

 

TLM : En cas d’échec des bisphosphonates, quels sont les médicaments de seconde intention ?

Pr Bernard Cortet : Le dénosumab, en injections sous-cutanées tous les six mois, est le principal traitement de seconde intention. Il est prescrit pour une durée plus ou moins longue, en fonction de l’importance de l’abaissement initial de la DMO. Très efficace, sa prescription impose néanmoins quelques mises en garde, notamment à l’égard du risque de fractures vertébrales qu’entraîne son interruption subite sans relais. Il est important d’expliquer que seul le médecin peut décider de sa suspension, une fois la DMO nettement améliorée et sous réserve qu’un traitement de relais par un bisphosphonate soit prescrit.

 

TLM : La prise en charge des patients ostéoporotiques se limite-t-elle aux médicaments ?

Pr Bernard Cortet : Non, elle comporte aussi des conseils hygiéno-diététiques. L’alimentation doit permettre de compenser les pertes quotidiennes de calcium dans les urines et fournir les apports protéiques nécessaires pour couvrir les besoins. Toutes les activités physiques, et plus particulièrement celles en charge, celles qui améliorent la posture et font travailler l’équilibre et la coordination présentent également un intérêt en cas d’ostéoporose.

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

* Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses

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