• Pr. CORTET : Ostéoporose et Covid-19: pas de lien direct

Bernard CORTET

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 20/01/2021


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TLM : L’infection par le SARS-CoV-2 peut-elle constituer un facteur de risque et/ou d’aggravation de l’ostéoporose ?

Pr Bernard Cortet : On l’ignore, mais cette hypothèse semble peu probable. Néanmoins, cette question a été soulevée par certains scientifiques qui ont décidé de conduire une étude. D’autre part l’ostéoporose touche préférentiellement des sujets âgés et on connaît le rôle de l’âge en tant que facteur de mauvais pronostic en cas d’infection par le SARS-CoV-2.

A-t-on une idée de l’impact du confinement sur l’ostéoporose ?
Il sera certainement très important. On sait que le manque d’activité physique associé à une alimentation moins équilibrée favorise les chutes. Deux phénomènes qui se sont aggravés chez les personnes âgées pendant les deux épisodes de confinement : le premier en raison de l’obligation de rester chez soi, le second par la perte d’envie de bien s’alimenter liée probablement à des troubles thymiques. Le manque d’exposition à la lumière, en revanche, ne devrait que jouer. Mais la vraie question reste à savoir si la prévalence des fractures va augmenter. La Société française de rhumatologie va examiner cette question au travers d’une étude comparant les taux de fractures de hanche avant, pendant et après les deux épisodes de confinement (Etude COVIDOS pilotée par le Pr K. Briot, Paris, hôpital Cochin).

Y a-t-il eu des reports d’examens préjudiciables ?

Les mesures de la densité minérale osseuse par ostéodensitométrie, non prioritaires, n’ont pas pu être réalisées au cours des périodes de confinement, en particulier lors du premier. À terme, on peut donc penser que l’annulation ou le report de ces examens auront des répercussions sur la bonne prise en charge des patients.

Les confinements ont-ils mis un coup d’arrêt à certains traitements ? Et avec quelles conséquences ?
Pour garantir la poursuite des traitements chez les patients atteints de maladie chronique, le gouvernement a mis en place un dispositif autorisant les pharmaciens à les délivrer pour une durée d’un mois au-delà de la validité de l’ordonnance renouvelable. Globalement, ce dispositif a bien fonctionné. Néanmoins, pour nuancer mon propos, il faut distinguer les deux principaux traitements de l’ostéoporose parmi ceux qui agissent en inhibant la résorption osseuse : les biphosphonates d’une part, dont l’efficacité est suffisamment durable pour qu’une interruption thérapeutique n’entraîne pas de risque chez les patients du fait de leur effet rémanent, et le dénosumab, un anticorps monoclonal inhibiteur des ostéoclastes qui nécessite des injections tous les six mois. Comme il ne s’incorpore pas dans la matrice osseuse, il est indispensable de respecter ce calendrier et de ne pas dépasser un retard de plus d’un mois, d’autant que la perte osseuse est rapide à l’arrêt de ce traitement. Nous avons donc informé de ce risque les patients qui devaient recevoir une injection au cours du confinement afin qu’ils consultent leur médecin et décident avec eux de la conduite à tenir.

La vitamine D pourrait avoir des effets bénéfiques contre les formes graves de la Covid-19. Qu’en est-il exactement ?
Il existe en effet quelques données soutenant cette hypothèse, mais elles méritent confirmation. Les premières sont issues d’une étude espagnole publiée le 27 octobre dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism* : elles montrent que la prévalence de la carence en vitamine D chez les patients hospitalisés pour une forme grave de Covid-19 est deux fois plus élevée que dans la population générale ; or les malades étaient pour la plupart âgés et en surpoids, deux facteurs de risque de carence en vitamine D. En outre, l’étude ne parvient pas à établir de lien entre le taux de vitamine D circulante et la sévérité de l’infection au SARS-CoV-2. Une autre étude plus récente, menée par une équipe de gériatres du CHU d’Angers**, a quant à elle établi une corrélation entre les formes graves de Covid-19 et un faible taux de vitamine D, suggérant un effet protecteur de cette dernière, qui serait lié à son effet immunologique. Les auteurs ont par ailleurs observé qu’une supplémentation en vitamine D est associée à des formes moins sévères de l’infection et à une augmentation de la survie chez les patients âgés fragiles. Ce sont des résultats intéressants mais qui portent sur un nombre limité de patients ; ils doivent être confirmés dans des études plus robustes pour que l’on puisse en tirer des conclusions susceptibles de modifier les pratiques thé rapeutiques en matière de prévention des formes graves de Covid-19.

Estimez-vous que l’ostéoporose bénéficie d’une bonne prise en charge ?

Non, elle est largement insuffisante. Selon une étude de la Caisse nationale d’assurance maladie portant sur les prescriptions de médicaments indiqués dans le traitement de l’ostéoporose, seuls 15 % des patients pourtant éligibles ont été traités.

Propos recueillis par Mathilde Raphaël

* José L. Hernandez et al. Vitamin D Status in Hospitalized Patients with SARS-CoV-2 Infection. The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, dgaa733. https://doi.org/10.1210/clinem/dgaa733
** Annweiler, G.; Corvaisier, M.; Gautier, J.; Dubée, V.; Legrand, E.; Sacco, G.; Annweiler, C., on behalf of the GERIA-COVID study group. Vitamin D Supplementation Associated to Better Survival in Hospitalized Frail Elderly COVID-19 Patients: The GERIA-COVID Quasi-Experimental Study. Nutrients 2020, 12, 3377.

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