• Pr. COHEN : Améliorer la prévention secondaire des accidents cérébro-cardiovasculaires

Ariel COHEN

Discipline : Cardiologie

Date : 21/07/2020


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UN COMITÉ D’EXPERTS NATIONAL
A FORMULÉ DES PROPOSITIONS POUR MIEUX STRUCTURER LE PARCOURS DE SOINS QUI, ACTUELLEMENT, NE PERMET PAS UNE MAÎTRISE SUFFISANTE DU RISQUE DE RÉCIDIVE DES ÉVÉNEMENTS CÉRÉBRO- CARDIOVASCULAIRES. DEUX POINTS CLÉS : UNE MEILLEURE COORDINATION DES ACTEURS ET L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE. LE PR ARIEL COHEN
EST MEMBRE DE CE COMITÉ RÉUNI
AVEC LE SOUTIEN INSTITUTIONNEL DU LABORATOIRE AMGEN

 

 

TLM : La prise en charge du post-accident cardio-neurovasculaire laisserait-elle ac- tuellement à désirer ?
Pr Ariel Cohen :
Elle est pour le moins perfecti- ble. Aujourd’hui, le risque de présenter une ré- cidive de l’événement cardio-neurovasculaire d’origine athéroscléreuse le plus souvent initial s’élève à 5 à 10 % dès la première année, ce qui est considérable. D’où cette initiative de faire le point et d’émettre des propositions sur l’organisation à la fois logistique et d’accompa- gnement des patients, à la sortie de l’hôpital. Il s’agit de faire appliquer les mesures de préven- tion secondaire émises par les sociétés savantes permettant d’éviter que l’événement initial ne se reproduise. Si l’on sait, dès la sortie de l’hô- pital, optimiser le traitement, la prise en charge du patient, son suivi, on pourra alors di- minuer notablement le risque de récidive ou de complications cérébro-cardio-vasculaires, voire réduire le taux de mortalité.

 

 

TLM : Quelles sont les carences actuelles ? 
Pr Ariel Cohen : Quand le patient sort de l’hô- pital où il a été traité pour un accident cardio- neurovasculaire aigu, il est en phase de vulnéra- bilité et il est bien souvent un peu perdu. Le pa- tient quitte l’hôpital trop fréquemmment sans compte-rendu, lequel n’est en outre pas tou- jours transmis au médecin généraliste ou au spécialiste. Or le patient doit être encadré dès sa sortie, car nous notons une déperdition de l’ob- servance au fil des semaines et des mois qui sui- vent —il respecte de moins en moins bien son traitement, les règles hygiéno-diététiques,

la reprise de l’activité physique, l’arrêt du ta- bac, etc. Quand on revoit en consultation ces patients un an après, entre 30 et 50 % n’ont pas tous leurs facteurs de risque modifiables. Il existe chez le patient un incontestable phéno- mène de déni : il ne se souvient pas ou ne veut pas se souvenir de ce qu’il a vécu. Il veut se considérer comme guéri, alors que l’athéros- clérose sous-jacente peut bien entendu tou- jours évoluer. La première année qui suit l’évé- nement est cruciale : c’est là que le patient ap- prend à corriger ses facteurs de risque et à prendre régulièrement ses médicaments.

 

 

TLM : Quelles voies d’amélioration préco- nisez-vous ?
Pr Ariel Cohen :
Tout d’abord, le patient à sa sortie d’hôpital doit être pris en charge par une coordination de professionnels de santé: le gé- néraliste, le spécialiste —notamment le cardio- logue—, la diététicienne en cas de surpoids ou dyslipidémie, le kinésithérapeute pour la ré- éducation fonctionnelle, le psychologue lorsqu’il y a un problème de prise en charge psychologique, le pharmacien qui dispense les

médicaments sur ordonnance, l’assistante so- ciale. Il faut que l’information circule entre les professionnels de santé et que leur action soit coordonnée, et à cet égard le médecin traitant joue ici un rôle pivot. L’éducation thérapeu- tique (ET) représente un autre levier essentiel. Le patient doit être acteur, et non pas observa- teur, de son état de santé. L’ET a pour objectif que le patient prenne connaissance et conscience du diagnostic initial, de son traite- ment, du rythme de surveillance de la maladie, des contraintes. Il pourra ainsi adhérer aux mo- difications du mode de vie et au traitement. L’éducation thérapeutique doit être dispensée par tous les professionnels de santé, y compris le pharmacien qui, au moment de la remise du traitement, doit expliquer l’importance de l’observance. Le patient peut aussi devenir le témoin de sa maladie, passeur de messages et d’expérience, au travers des associations de pa- tients qui à partir d’une pathologie commune prennent conscience de l’importance de l’in- formation et de sa circulation. Le médecin gé- néraliste a là aussi un rôle capital à jouer. Mal- heureusement il est souvent bien trop sur- chargé pour assumer autant qu’il faudrait cette fonction, d’autant qu’elle reste, malgré les dis- positions existantes, insuffisamment valorisée, notamment au plan pécuniaire —et il reste en- core de gros efforts à faire sur ce plan !

 

8 propositions pour une meilleure prise en charge

1. Etablir et consolider une offre d’accompagnement psychologique, dès la phase aiguë.

2. Lancer une ligne d’appel 24h/24 et 7j/7, en exploitant les possibilités offertes par l’intelligence artificielle, pour renforcer l’information auprès du patient et l’orienter vers les professionnels dé- diés à sa prise en charge.

3. Généraliser des entretiens réguliers avec un professionnel de santé, dédiés à l’adaptation du mode de vie du patient.

4. Promouvoir la communication des associa- tions de patients auprès des patients et des aidants par la mise en place de séances d’informa- tion et de formation régulières, dès la phase aiguë et tout au long du parcours.

5. Élaborer un parcours de soins standardisé suite à un événement cardiovasculaire.

6. Instaurer autour du pa- tient un point de contact unique en charge de coordonner le parcours de soins post-hospitalisa- tion sur le long cours, d’assurer la traçabilité des décisions au sein d’un carnet de suivi et d’informer les acteurs de la chaîne de soins.

7. Former les professionnels de santé aux enjeux de l’activité physique adaptée aux pathologies cardio-neurovasculaires.

8. Intégrer à la nomenclature des actes des interventions prises en charge d’ergothérapie et de psychomotricité en libéral ou à domicile.

 

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