• Pr COFFIN : Promouvoir les traitements dans le Syndrome de l’intestin irritable

Benoît COFFIN

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 09/07/2020


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PATHOLOGIE MULTIFACTORIELLE AFFECTANT FORTEMENT LA QUALITÉ DE VIE, LE SYNDROME DE L’INTESTIN IRRITABLE (SII) CONCERNERAIT PRÈS D’UN QUART DES FRANÇAIS.
LE PR BENOIT COFFIN, GASTRO-ENTÉROLOGUE ET HÉPATOLOGUE À L’HÔPITAL LOUIS-MOURIER DE COLOMBES (92) INCITE À RENFORCER LA PRESCRIPTION DES TRAITEMENTS DE DEUXIÈME LIGNE QUE SONT LES RÉGIMES, CERTAINS PROBIOTIQUES OU L’HYPNOSE

 

TLM : Quelle est la prévalence du SII en France ?


Pr Benoît Coffin : Entre 10 et 13% de patients répondent aux critères stricts. Mais 20 à 25% des Français auraient des symptômes compatibles avec un SII. Les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes. Ce syndrome représente 25 à 30% des consultations chez les gastroentérologues et 5 à 7% chez les généralistes.

 

TLM : Quels sont les critères de diagnostic ?

 

Pr Benoît Coffin : Ces critères, dits de « Rome IV », sont la présence d’une douleur abdominale au moins trois fois par mois, depuis au moins six mois, et surtout au cours des trois derniers mois, une majoration ou un soulagement partiel de la douleur lors de l’émission des selles et des troubles du transit (diarrhée, constipation ou les deux en alternance) évalués par l’échelle de Bristol. Bien que souvent présents, les ballonnements ne font pas partie des critères de diagnostic.

 

TLM : Que sait-on des facteurs en cause dans cette maladie ?


Pr Benoît Coffin : C’est un syndrome multifactoriel où interviennent une contraction digestive, une hypersensibilité du tube digestif et des anomalies de l’intégration de la douleur au niveau du système nerveux central. Le rôle de l’alimentation et celui du microbiote commencent à être mis au jour. Une dysbiose, c’est-à-dire des anomalies dans la répartition du microbiote fécal chez les patients atteints de SII, a de fait été démontrée. Des formes de malabsorption des sels biliaires ainsi qu’une inflammation de bas grade, quand la maladie apparaît après une infection digestive, ont aussi été mises en évidence.

 

TLM : Quels sont les impacts psychologiques de la maladie ?


Pr Benoît Coffin : Dans les formes sévères et chroniques, les patients ont souvent des idées suicidaires. Cette maladie altère autant la qualité de vie des patients qu’un diabète insulino-dépendant ou une insuffisance rénale terminale. Le taux d’absentéisme au travail n’est pas non plus négligeable. L’anxiété et/ou la dépression sont des facteurs associés dans les formes sévères mais ils ne sont pas la cause de la maladie.

 

TLM : Comment établir le diagnostic ?


Pr Benoît Coffin : Il faut se baser sur les critères de Rome. Les signes d’alarme — apparition du syndrome après 50 ans, affaiblissement général et perte de poids, présence de sang dans les selles, diarrhée — invitent à rechercher une pathologie organique sous-jacente. L’intensité de la douleur n’est pas un signe d’alarme. En fonction de l’âge, des antécédents personnels et familiaux, un bilan

biologique est alors nécessaire. Chez les patients diarrhéiques, un dosage d’anticorps anti-transglutaminase est préconisé pour rechercher une éventuelle forme de maladie cœliaque. La coloscopie n’est pas indispensable chez la plupart des patients. L’échographie est réservée aux suspicions d’origine biliaire ou gynécologique. De manière générale, il faut limiter les examens et il est inutile de les répéter.

 

TLM : Quels sont les principaux traitements utilisés ?


Pr Benoît Coffin : Les traitements de première ligne sont les régulateurs du transit et les antispasmodiques, efficaces pour soigner la douleur dans les formes légères. Pour les formes plus sévères, les antidépresseurs à faibles doses sont efficaces pour traiter la douleur chronique. L’hypnose est bénéfique en particulier chez les patients jeunes ayant une pathologie liée à l’anxiété. Le yoga pourrait aussi être efficace. L’ostéopathie aurait un effet positif mais nécessiterait des séances répétées. En revanche l’acupuncture n’a pas montré de bénéfice.

 

TLM : Quid des traitements émergents ?

 

Pr Benoît Coffin : Les régimes pauvres en sucres fermentescibles (FODMAPs) et pauvres en gluten améliorent les ballonnements et les symptômes. Cinq ou six probiotiques ont également montré une efficacité dans des essais randomisés. Les résultats des études menées sur la transplantation fécale sont contradictoires et il n’y pas de preuve d’efficacité à ce jour.


TLM : La prise en charge par le médecin généraliste vous paraît-elle satisfaisante ?

 

Pr Benoît Coffin : Elle évolue dans le bon sens. Les examens complémentaires, comme la coloscopie, ne sont plus systématiquement prescrits. Néanmoins, il reste des progrès à faire dans la prescription des traitements de deuxième ligne, tels les régimes, l’hypnose ou les probiotiques qui nécessitent des réponses standardisées et bien ciblées.

 

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