• Pr CLAUDEPIERRE : Les thérapies ciblées confortées par les recommandations de la SFR

Pascal CLAUDEPIERRE

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 11/04/2022


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Les traitements ciblés, au premier rang desquels les biomédicaments, ont révolutionné la prise en charge et le pronostic de la spondyloarthrite, améliorant grandement la qualité de vie des patients. La récente actualisation des recommandations de la Société française de rhumatologie (SFR) ne fait que conforter leur intérêt, comme l’explique le Pr Pascal Claudepierre, rhumatologue au CHU Henri-Mondor de Créteil, qui a contribué à cette actualisation.

 

TLM : La spondyloarthrite recouvre de multiples affections, quelles sont-elles ?

Pr Pascal Claudepierre : Le terme de spondyloarthrite regroupe un ensemble de rhumatismes inflammatoires chroniques, au sein desquels on distingue, en fonction de la présentation phénotypique, les formes axiales d’une part, telles que la spondylarthrite ankylosante, mais aussi les formes axiales non radiographiques (sans signes d’ossification à la radiographie des sacro-iliaques) et, d’autre part, les formes périphériques (articulaires, enthésitiques), avec la possibilité d’association d’atteintes extra-rhumatologiques comme le psoriasis, l’uvéite antérieure ou encore les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Le rhumatisme psoriasique, classiquement d’expression essentiellement périphérique, est ainsi inclus dans la spondyloarthrite dans la plupart de ses présentations.

Ces différentes entités ont été regroupées car elles présentent des manifestions cliniques et radiologiques communes et partagent des mécanismes physiopathologiques et génétiques : associaition à l’antigène HLA B27, formes familiales, possibilité chez un même patient d’exprimer différentes atteintes en fonction du temps.

 

TLM : Quel est l’apport des biomédicaments dans la spondyloarthrite ?

Pr Pascal Claudepierre : L’apparition des premiers anti-TNF a véritablement révolutionné la prise en charge et le pronostic de la spondyloarthrite. Les biomédicaments apparus par la suite (anti-IL17, anti-IL12/23, anti-IL 23), puis les JAK inhibiteurs (JAKi), demeurent aussi tous très efficaces. Toutes ces thérapies ciblées — biomédicaments et JAKi — ont une efficacité qui semble équivalente sur les signes et symptômes cliniques (douleur, raideur, fatigue), les paramètres biologiques (CRP notamment) et les éléments inflammatoires en IRM (rachis et sacro-iliaques). Dans les formes périphériques, susceptibles de détruire et déformer les articulations rapidement, les thérapies ciblées s’avèrent capables de ralentir la progression structurale (lésions radiographiques) et de prévenir l’apparition de nouvelles lésions. Dans les formes axiales, cette efficacité structurale est moins nette mais, année après année, les thérapies ciblées paraissent bien ralentir la progression de l’ankylose. Le pronostic de cette pathologie et la qualité de vie des malades s’en trouvent transformés. C’est l’enrichissement même de la classe des biomédicaments, l’apparition des JAKi et de quelques essais thérapeutiques, en particulier face-face, qui ont justifié l’actualisation des recommandations de la SFR.

 

TLM : Quelle place pour les biomédicaments selon les recommandations 2022 de la SFR ?

Pr Pascal Claudepierre : Les biomédicaments et plus généralement les traitements ciblés, thérapies innovantes à prescription initiale hospitalière, sont réservés aux situations d’échec des anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) qui demeurent le traitement de première ligne, sauf contre-indication ou intolérance.

La corticothérapie n’a pas sa place dans la majorité des cas, sauf en injections locales pour certaines localisations uniques. En cas d’échec ou d’effet insuffisant des AINS — deux ou trois molécules différentes à dose maximale —, la stratégie thérapeutique sera orientée par la présentation phénotypique de la spondyloarthrite. Pour initier une thérapie ciblée, le niveau d’activité de la maladie doit bien sûr être suffisamment élevé (évaluation par des scores spécifiques associés à des arguments d’inflammation biologiques ou d’IRM).

Dans les formes à prédominance axiale, les traitements ciblés trouvent leur place après les AINS chez les patients ayant une maladie active. On privilégiera souvent encore en premier lieu un anti-TNF, dont les biosimilaires moins onéreux disposant de cette AMM, puis les anti-IL17 et les JAKi.

 

TLM : Et dans la spondyloarthrite périphérique ?

Pr Pascal Claudepierre : Dans les formes périphériques articulaires, les traitements ciblés sont également indiqués en seconde ligne en cas d’atteintes structurales, de MICI active, d’uvéite réfractaire ou récidivante.

Dans les autres formes périphériques, ils n’interviendront qu’en troisième ligne, après échec des traitements de fond conventionnels synthétiques (méthotrexate, leflunomide), consacrés par l’usage mais souvent insuffisants. On privilégiera alors un anti-TNF ou un anti-IL17. L’existence d’éventuelles atteintes extra-rhumatologiques permettra d’affiner encore le choix thérapeutique : anti-TNF monoclonaux par exemple en cas de MICI associée, l’étanercept (anti-TNF protéine de fusion) et les anti-IL17 n’étant pas actifs sur les MICI ; anti-TNF monoclonaux encore en cas d’uvéites sévères récidivantes associées ; anti-IL17 en cas de psoriasis cutané sévère associé.

L’objectif est donc de proposer un traitement personnalisé, « sur mesure », adapté aux différentes manifestions de la maladie.

 

TLM : A quoi le généraliste doit-il être attentif ?

Pr Pascal Claudepierre : Le recours au rhumatologue doit se faire sans tarder devant des signes évocateurs de spondyloarthrite : bien sûr en cas de lombalgie avec réveil nocturne, raideur matinale, améliorées dans la journée ; mais encore plus devant des symptômes articulaires périphériques d’horaire inflammatoire, par exemple chez un patient atteint de psoriasis. La prise en charge adaptée doit en effet être la plus précoce possible, particulièrement dans les formes articulaires périphériques où la précocité d’introduction du traitement ciblé est associée à une progression structurale plus faible.

Quant au suivi, il est relativement simple : surveillance conventionnelle en sachant juste qu’il existe un léger surrisque infectieux, participation à l’éducation thérapeutique et renouvellement, le cas échéant, de la kinésithérapie/rééducation.

Propos recueillis

par Marie Christine Tomasso

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