• Pr Christian-François Roques L’efficacité vérifiée des cures thermales post-cancer du sein

Christian-François Roques

Discipline : Oncologie, Dépistage

Date : 13/10/2022


  • 257_photoParole_129PE_PrRoques.jpg

L’étude PACThe a montré une amélioration significative de la qualité de vie des patientes après la cure, assure le Pr Christian-François Roques, professeur émérite de Médecine physique à l’université Toulouse III, membre titulaire de l’Académie nationale de médecine (secrétaire de la commission Thérapies complémentaires, Thermalisme et Eaux minérales) et président de l’International Society of Medical Hydrology and Climatology.

 

TLM : Dans quel contexte les stations thermales ont-elles été amenées à s’intéresser aux séquelles du cancer ?

Pr Christian-François Roques : La prise en charge thermale des conséquences des cancers du sein ou de leur traitement est une indication classique de cure thermale. Elle concerne essentiellement deux types de pathologies, les lymphœdèmes après chirurgie ou radiothérapie et les troubles cutanés.

Concernant le lymphœdème, les stations à orientation Phlébologie et certaines stations de Dermatologie disposent d’une longue expérience. S’agissant des dermatoses —et tout particulièrement des dermatoses prurigineuses survenant après radiothérapie ou certaines chimiothérapies —, la cure apporte un vrai soulagement. Rappelons que le prurit est dans ces cas souvent extrêmement pénible et rebelle au traitement médicamenteux. Or la cure a un effet antiprurigineux significatif comme cela a été démontré récemment, pour le psoriasis, par le Pr Marie BeylotBarry, présidente de la Société française de dermatologie et chef du service de Dermatologie au CHU de Bordeaux.

Autre aspect intéressant : la rémanence de l’effet. Une étude italienne sur la dermatite atopique a montré qu’à trois mois les curistes avaient une amélioration du prurit plus marquée que celle observée chez les patients traités par topiques corticoïdes.

 

TLM : Certaines cures courtes sont aujourd’hui prises en charge par l’Assurance maladie…

Pr Christian-François Roques : Cette indication, plus récente, est intéressante. Il s’agit de la réadaptation post-cancer du sein. Les femmes touchées par un cancer du sein sont prises en charge de manière remarquable par les oncologues et leurs équipes, puis vient un moment où leur maladie entre en rémission. On leur fixe alors des rendez-vous plus éloignés qui peuvent susciter un certain sentiment d’abandon. Les programmes de réadaptation visent à favoriser leur réinsertion dans une vie aussi proche que possible de leur vie antérieure et à leur fournir les outils pour maintenir un état de santé et une qualité de vie les meilleurs possibles. Il y a une dizaine d’années un programme de réadaptation en milieu thermal accompagné d’une évaluation scientifique de qualité a été lancé en Auvergne. L’étude PACThe a montré une amélioration significative de la qualité de vie des patientes après la cure (voir encadré).

L’intervention serait coût-efficace dès le sixième mois pour les femmes qui reprennent le travail, et dès un an pour celles sans activité. Une moindre consommation de soins médicaux pourrait l’expliquer. Avant la publication de PACThe, une étude conduite par une équipe allemande montrait le bénéfice de la balnéothérapie sur les femmes en post-cancer. En montrant que le marqueur CA-153 n’était pas augmenté (voire discrètement diminué après la cure), elle avait aussi levé les craintes des médecins redoutant que la cure puisse avoir un effet négatif sur la maladie cancéreuse.

 

TLM : En pratique comment fonctionnent ces cures ? Qui les prescrit ? Toutes les femmes peuvent-elles en bénéficier ?

Pr Christian-François Roques : Les cures peuvent être prescrites par l’oncologue ou par le médecin traitant après avis de l’oncologue car il ne faut pas oublier qu’un cancer évolutif est une contre-indication formelle à la cure. Ces cures ne s’adressent donc qu’aux femmes en rémission établie formellement par l’équipe oncologique. Dans le cadre d’une expérimentation, le programme PACThe est pris en charge par l’Assurance maladie. Ce programme de 12 jours est nécessairement adossé à une cure thermale conventionnée. Et dans ce cas-là, la cure thermale peut être d’une durée inférieure à 18 jours pour correspondre à la durée de PACThe. Toute femme devrait pouvoir accéder à cet accompagnement mais l’étude PACThe a montré que la moitié d’entre celles auxquelles la cure était offerte n’ont pas pu la réaliser en raison de contraintes personnelles (famille, travail, etc.). Une quinzaine de stations sont habilitées à réaliser ces cures (la liste est disponible sur le site du CNETH). D’autres cures « post-cancer » sont proposées par les stations mais elles ne sont pas remboursées.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer-Latimier

L’étude PACThe

Financée par l’AFRETh et conduite par le Pr Yves-Jean Bignon (oncogénéticien et directeur scientifique du centre Jean-Perrin à ClermontFerrand), l’étude PACThe a rassemblé 270 femmes en rémission d’un cancer du sein, réparties aléatoirement en deux groupes. Le groupe thermal s’est vu prodiguer 12 jours de soins dans l’une des trois stations participant à l’étude* (éducation thérapeutique, accompagnement nutritionnel, activité physique, soins thermaux, socio-esthétique, kinésithérapie, suivi psychologique…). Le groupe témoin a uniquement bénéficié d’un suivi hygiéno-diététique standard. L’étude conclut que la qualité de vie est significativement meilleure dans le groupe thermal avec notamment une réduction des syndromes dépressifs. La qualité du sommeil reste améliorée trois ans après la cure. La pratique de l’activité physique est supérieure à un an et le contrôle pondéral présente une différence de l’ordre de 5%.

Les résultats ont été publiés en 2013 dans l’European Journal of Cancer.

Un second article paru en 2017 dans le British Journal of Cancer1 montre que le gain est significativement supérieur cinq ans après la cure.

C.B.-L. ■

* Châtel-Guyon, Le Mont-Dore et Vichy

1. British Journal of Cancer, 2017, Tome XXIII, vol. 116, p. 1389

  • Scoop.it