• Pr. CHOUAID : Chimiothérapie cytotoxique: surveiller de près les effets secondaires

Cristos CHOUAID

Discipline : Oncologie, Dépistage

Date : 20/01/2021


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TLM : Quelle est la place de la chimiothérapie conventionnelle face aux nouvelles thérapies anticancéreuses ? Pr Cristos Chouaid : Malgré l’avènement de l’immunothérapie et des thérapies ciblées, la chimiothérapie reste un traitement majeur des tumeurs solides, que ce soit en situation néoadjuvante, avant la chirurgie, en situation adjuvante ou, en option, associée à la radiothérapie dans de nombreuses tumeurs du poumon, du colon, du rectum. La chimiothérapie est l’un des traitements principaux de tous les cancers de stade IV avec métastases.

Quels en sont les principaux effets secondaires et leur prise en charge ? Les effets secondaires sont essentiellement consécutifs à l’action cytotoxique de la chimiothérapie sur les tissus à haut potentiel prolifératif : moelle osseuse, épithéliums digestifs, follicules pileux... La toxicité hématologique est l’une des atteintes les plus fréquentes. Elle expose à la survenue d’anémies, de neutropénies ou de thrombopénies. Les anémies seront prises en charge par des facteurs de croissance, de l’érythropoïétine, de l’EPO. Les neutropénies peuvent être prévenues et traitées par des facteurs de croissance, également. Quant aux thrombopénies, il n’existe pas de traitement prophylactique ou curatif. En cas d’hémorragies, elles nécessiteront une transfusion plaquettaire. Il est donc très important de surveiller l’absence d’éléments hémorragiques chez les patients sous chimiothérapie. Les troubles digestifs, essentiellement à type de nausées, de vomissements, sur viennent quant à eux plus fréquemment chez les femmes, les sujets sans intoxication alcoolique et en cas d’antécédents de troubles digestifs sous chimiothérapie antérieure. Ces effets peuvent être prévenus et sont bien contrôlés par des traitements notamment de la famille des sétrons, puissants antivomitifs. Au-delà des traitements médicamenteux, les conseils hygiéno-diététiques aux patients sont, bien entendu, essentiels : boire régulièrement de petites quantités, éviter les aliments à odeur forte.

Troisième grand type d’effet secondaire : le risque d’insuffisance rénale qui dépend de la chimiothérapie utilisée. Là encore, les conseils hygiéno-diététiques sont importants, en particulier chez les personnes âgées : s’hydrater, boire régulièrement. Des diarrhées sont observées avec certaines chimiothérapies, et les conseils hygiéno-diététiques sont également à privilégier : hydratation, alimentation à base de riz. L’asthénie est bien entendu fréquente et multifactorielle. Elle peut être soustendue par une dépression mais aussi liée à un déconditionnement musculaire : les patients sont moins actifs sous chimiothérapie et, inversement, la chimiothérapie a un effet direct de déconditionnement du muscle.

Enfin, il ne faut pas négliger des effets mineurs sur le plan médical mais très mal vécus par les malades : l’alopécie, par exemple, retrouvée avec la plupart des chimiothérapies, a un fort impact social tant pour les hommes que pour les femmes.

Quels sont les agents cytotoxiques les plus délétères ?
Ce sont les sels de platine et le docétaxel. Mais beaucoup d’agents cytotoxiques induisent des effets indésirables, qui dépendent des classes thérapeutiques, des molécules ainsi que de susceptibilités individuelles. En fonction des agents cytotoxiques utilisés — la polychimiothérapie est souvent de règle — des traitements prophylactiques sont intégrés dans les protocoles de chimiothérapie.

Les effets secondaires peuvent-ils compromettre la chimiothérapie ?
Rarement. Sauf en cas d’effet majeur comme par exemple chez un malade présentant des leuco-neutropénies au décours des cures malgré une diminution des doses. Il faut alors attendre que les leucocytes se normalisent, au bout d’une semaine, parfois bien plus... Dans certains cas, une fatigue intense peut aussi obliger à interrompre la chimiothérapie, certains malades la supportent très mal.

A quoi le généraliste doit-il être particulièrement attentif ?
Lorsque la chimiothérapie est effectuée à l’hôpital, le médecin traitant veillera entre les cures, chaque fois que possible, à ce que le patient ne se déshydrate pas, en raison de vomissements itératifs ou de diarrhées importantes, par exemple. Il surveillera l’apparition de fièvre car un épisode infectieux peut traduire une leuco-neutropénie, voire une aplasie. Il lui faudra également être très vigilant face au risque hémorragique, souvent révélé par des gingivorragies. En cas de thrombopénie, l’hospitalisation sera nécessaire. Si la chimiothérapie est effectuée en HAD, la situation est différente puisque le médecin traitant a alors un rôle clef, à l’interface entre le patient et le médecin coordonnateur. Il gérera les effets indésirables en coordination avec ce dernier.

Dans la prise en charge des effets secondaires, quelle est la place des médicaments biosimilaires ?
Ces médicaments sont par définition similaires aux produits princeps en termes d’efficacité et de tolérance avec l’avantage de bénéficier, avant leur mise sur le marché, d’un recul de plus de huit ans par rapport aux princeps. Les biosimilaires présentent également l’intérêt d’être moins coûteux, ils sont donc encouragés par les pouvoirs publics. Dans notre service, nous en prescrivons beaucoup, sans perte d’efficacité.

Propos recueillis par Marie Christine Tomasso

 

 

 

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