• Pr CHARLEY-M. : Prendre en charge les troubles du sommeil en période de confinement

Christelle CHARLEY-MONACA

Discipline : Neurologie

Date : 09/07/2020


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LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RECHERCHE
ET MÉDECINE DU SOMMEIL A PUBLIÉ SES « PROPOSITIONS POUR LA PRISE EN CHARGE DES TROUBLES DU SOMMEIL ET DE LA VIGILANCE EN PÉRIODE ÉPIDÉMIQUE COVID-19 ». ENTRETIEN AVEC LE PR CHRISTELLE CHARLEYMONACA, NEUROLOGUE AU CHU DE LILLE ET VICE-PRÉSIDENTE DE LA SFRMS

 

TLM : Observe-t-on une augmentation des troubles du sommeil liée à l’épidémie de Covid-19 ?


Pr Christelle Charley-Monaca : Il est clair que le confinement induit des troubles du sommeil, même s’il est difficile d’avoir des chiffres précis. Les patients que nous suivons en téléconsultation témoignent de difficultés. Rappelons que l’on distingue l’insomnie transitoire, causée par un stress passager, de l’insomnie chronique définie par des symptômes nocturnes et diurnes (fatigue, retentissement sur le plan cognitif et intellectuel) présents 5 jours sur 7 pendant plus de trois mois.

 

TLM: Quelle est l’origine des troubles du sommeil en période de confinement?


Pr Christelle Charley-Monaca : Les personnes âgées, notamment isolées, auront tendance à se coucher plus tôt que d’habitude et risquent de souffrir d’insomnie en fin de nuit. A l’inverse, les enfants et les adolescents, souvent décalés, s’exposent à un retard de phase, voire une inversion du rythme, a fortiori si les parents n’imposent pas d’horaires. Les personnes isolées qui ne travaillent pas sont également à risque de décalage, surtout si elles passent beaucoup de temps sur des jeux en ligne. Pour les adultes actifs avec une famille, les troubles du sommeil seront plutôt d’origine anxieuse. Si l’horloge biologique est déphasée, le retour à un rythme normal peut s’avérer difficile et nécessiter l’aide d’une chronothérapie ou d’une photothérapie.

 

TLM : Quels conseils donner pour améliorer la qualité de son sommeil ?

 

Pr Christelle Charley-Monaca : Le premier facteur de synchronisation de notre horloge interne, c’est l’alternance lumière/obscurité. Les autres synchroniseurs sont le rythme de travail et le rythme des repas. De manière générale, il est donc important de garder un rythme régulier dans la semaine, de s’exposer à la lumière extérieure en particulier le matin (même si c’est à travers une fenêtre), d’éviter la sieste et de pratiquer une activité physique. On conseille aussi les applications de relaxation et de méditation pour réduire le niveau d’anxiété, en particulier avant le coucher. Il faut enfin veiller à limiter le temps passé sur les écrans ainsi que la consommation de café et de boissons cola.

 

 TLM: La SFRMS a présenté une conférence de consensus « Insomnies à tous les âges de la vie ». Quelles sont ses recommandations ?

 

Pr Christelle Charley-Monaca : La priorité est de fournir des conseils sur l’hygiène veille/sommeil. Les thérapies cognitivocomportementales (TTC) sont aussi très

efficaces mais restent difficiles d’accès. En cas d’échec ou d’infaisabilité des traitements non médicamenteux, on pourra prescrire des médicaments (hypnotiques GABAergiques à demi-vie courte, doxépine, mélatonine), mais de façon ponctuelle. Les antihistaminiques, les antidépresseurs et les antipsychotiques ne sont pas recommandés.

 

TLM : La SFRMS recommande la mélatonine à libération prolongée (LP) pour traiter l’insomnie chronique après 55 ans. Quel est l’effet de ce traitement ?

 

Pr Christelle Charley-Monaca : La mélatonine à LP (2 mg) a démontré une amélioration de la qualité du sommeil et de la vigilance matinale chez les patients de plus de 55 ans chez qui la production de la mélatonine endogène est souvent diminuée. Cette molécule est un régulateur du rythme veille/sommeil qui va favoriser l’endormissement par le biais d’une resynchronisation de l’horloge interne. La forme à libération prolongée permettrait d’approcher les niveaux physiologiques nécessaires pour un sommeil de qualité. Il n’y a en revanche pas d’indication pour la mélatonine à libération immédiate. Chez les personnes âgées, la mélatonine est à privilégier devant les hypnotiques qui présentent un rapport bénéfice/risque défavorable.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge de l’insomnie ?

 

Pr Christelle Charley-Monaca : Son rôle est essentiel. La priorité est d’identifier les causes de l’insomnie, telles que l’anxiété. Je recommande d’utiliser l’agenda du sommeil, une grille que le patient doit remplir durant 15 jours avec ses phases de sommeil et d’éveil. Puis, lors d’une consultation dédiée, le médecin s’appuiera sur cet agenda pour délivrer des conseils d’hygiène de vie. Si le patient joue le jeu, cela fonctionne très bien. En cas d’échec, il est possible de prescrire un hypnotique, en précisant que ce sera temporaire, ou de la mélatonine à LP chez les plus de 55 ans. Nous déconseillons les traitements au long cours.

 

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