• Pr. CELLIER : Le régime sans gluten toujours l’unique solution...

Christophe CELLIER

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 24/07/2020


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L’ÉTAT DES CONNAISSANCES NE LAISSE AUCUN DOUTE SUR LA QUESTION : COMME LE CONFIRME LE PR CHRISTOPHE CELLIER, HÉPATOLOGUE ET GASTROENTÉROLOGUE À L’HÔPITAL GEORGES-POMPIDOU (PARIS), MÊME SI DE NOUVELLES PISTES SONT EXPLORÉES POUR LUTTER CONTRE LA MALADIE CŒLIAQUE, LE SEUL REMÈDE DURABLE RESTE L’ALIMENTATION SANS GLUTEN...

 

TLM : Que nous apprennent les plus récentes études sur la prévalence de la maladie cœliaque ?
Pr Christophe Cellier :
Dans les endroits où cela a été étudié, les pays européens, les Etats-Unis, le Brésil, l’Amérique du Sud, l’Inde, 0,5 à 1% population générale sont concernés. En revanche, seuls 10% à 20% sont diagnostiqués. C’est une prévalence estimée sur des échantillons représentatifs, à partir de tests sérologiques.

 

TLM : Quels symptômes doivent alerter ?

Pr Christophe Cellier : La maladie se manifeste soit de façon typique —diarrhées, perte de poids, maux de ventre, anémie, carences, œdèmes des membres inférieurs...—, que l’on trouve plutôt chez les enfants. Il s’agit d'une minorité de cas. Tout se complexifie quand elle prend une forme atypique, sans symptômes, ou mineurs telle une anémie, une alternance de constipationdiarrhée, des aphtes, une déminéralisation osseuse. Cela retarde alors le diagnostic, parfois de plus de dix ans. On parle plutôt d’adultes entre 20 et 40 ans et 20% des cas sont diagnostiqués après 60 ans. La maladie se manifeste de manière sournoise et beaucoup de malades ne présentent pas de symptômes sans que l’on sache bien pourquoi. On les découvre souvent lors de dépistages familiaux.


TLM : Quels signes doivent alerter le généraliste ?
Pr Christophe Cellier :
Comme les manifestations sont variées et parfois anodines — fatigue, douleurs articulaires ou abdominales—, ce n’est pas évident. Il faut surtout

 

investiguer en cas de diarrhées chroniques, de perte de poids, de maux de ventre récurrents, notamment chez les jeunes, et demander un test sérologique pour établire le diagnostic.

TLM : Le test sérologique est-il le seul mode de dépistage ?
Pr Christophe Cellier :
La méthode la plus spécifique, et la seule remboursée par la Sécurité sociale, est le dosage par test sanguin des anticorps anti-transglutaminase. En cas de positivité chez l’adulte, on confirmera par une biopsie duodénale lors d’une gastroscopie, avec recherche d’une atrophie villositaire (destruction de la paroi de l’intestin grêle).

TLM : En l’état des recherches en 2020, existe-t-il un moyen de prévenir la maladie ? Pr Christophe Cellier : Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement préventif. C’est une maladie qui a une prédisposition génétique avec probablement des cofacteurs environnementaux, des virus dans l’enfance... TLM : Comment la traite-t-on ?

Pr Christophe Cellier : L’unique solution reste le régime sans gluten, c’est-à-dire l’exclusion du blé, du seigle, de l’orge de l’alimentation. C’est simple sur le papier, plus complexe à suivre au quotidien car le gluten est présent dans beaucoup de préparations industrielles. Dans certains cas rares (5%), il y a une résistance à ce régime. On utilise alors des traitements différents à base de corticoïdes, ou d’immunosuppresseurs.

TLM : Y a-t-il une mode du sans gluten ? Pr Christophe Cellier : Quand on parle de la maladie cœliaque, une fois diagnostiquée,

le sans gluten est une solution thérapeutique. Pour les autre pathologies —hypersensibilité non cœliaque au gluten, syndrome de l’intestin irritable—, il peut y avoir un effet symptomatique du régime sans gluten. Ce dernier peut améliorer les ballonnements, mais ce n’est pas forcément un traitement à préconiser de façon systématique. Il n’y a pas non plus d’effets scientifiquement démontrés chez les sportifs, ou dans les autres maladies auto-immunes telles la rectocolite hémorragique, l’autisme ou la polyarthrite rhumatoïde...

 

TLM : Le régime sans gluten doit-il être suivi à vie ?

Pr Christophe Cellier : Pour la maladie cœliaque, c’est strict, pour toute la vie, car il n’y a pas de guérison constatée sur le long terme...

 

TLM : Comment évolue la recherche ?
Pr Christophe Cellier :
Elle explore des alternatives, à base d’enzymes qui dégraderaient le gluten dans l’intestin pour empêcher sa toxicité. Mais on est loin d’un traitement. D’autres pistes s’orientent vers l’immunothérapie. On essaie de réinduire une tolérance au gluten. Des travaux avancent en parallèle autour des maladies cœliaques réfractaires.

 

TLM : Les patients sensibles au gluten peuvent-ils basculer dans la maladie cœliaque ?

Pr Christophe Cellier : A priori il n’y a pas de lien entre hypersensibles non cœliaques au gluten, et la maladie cœliaque. Il ne s’agit pas du même phénotype génétique. Le problème reste donc d’établir correctement le diagnostic avant d’introduire le régime sans gluten.
 

TLM : Quel doit être le rôle du généraliste ?

Pr Christophe Cellier : Il est une sentinelle. Il doit repérer le plus de cas possible dans un contexte de sous-diagnostic important. Puis dans le suivi, il doit s’assurer de l’observance à long terme, pour pouvoir alerter, car dans certains cas la maladie cœliaque peut avoir des complications très graves —lymphome, adénocarcinome de l’intestin grêle. Son rôle est donc capital.

 

Propos recueillis par Daniel Achour

 

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