• Pr. CARIOU : Hypoglycémie et insulinothérapie: savoir lever les résistances

Bertrand CARIOU

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 20/01/2021


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TLM : Quels patients diabétiques doivent suivre un traitement à l’insuline ? 

Pr Bertrand Cariou : Après des années d’évolution de la maladie, les diabétiques de type 2 devront être traités sous insuline, notamment basale. La majorité de ces patients sont de type 2, avec une prévalence qui augmente avec l’âge. Au début de l’insulinothérapie, l’insuline basale (ou lente) permet d’éviter une élévation de la glycémie produite par le foie et donc les hyperglycémies à jeun le matin. S’agissant des diabétiques de type 1, l’insuline lente comble en plus leurs besoins entre les repas et entre chaque injection d’insuline rapide. Plusieurs analogues lents de l’insuline ont été mis sur le marché. Leurs avantages : les hypoglycémies nocturnes sont moins fréquentes, en comparaison avec la première insuline lente, et ces analogues sont reproductibles, en terme d’efficacité pour une dose donnée, d’un jour à l’autre, avec moins de risque de surdosage d’insuline et donc moins de risques d’hypoglycémie.

Quels en sont les effets indésirables ?
A part l’hypoglycémie, le passage à l’insuline pour un diabétique de type 2 ne présente aucun effet indésirable ni douleur. Les allergies sont très rares.

Quelles sont les précautions à prendre à l’initiation de ce traitement ?
Lors du passage à l’insuline, il est essentiel de trouver la bonne dose et de la réadapter pour un meilleur contrôle de la glycémie. Une formation peut être donnée aux patients en ambulatoire lors d’une consultation plus longue pour qu’ils puissent prévenir les hypoglycémies et être autonome vis-à-vis de la titration de la dose d’insuline. Avoir recours à une insuline basale permet d’anticiper, en complément de la mise en place d’une surveillance glycémique, avec un objectif à jeun compris entre 0,70 et 1,20 gr/l. Dans le diabète de type 2, la dose initiale d’insuline basale est fonction du poids, en moyenne 0,2 unité par kilogramme. Si la glycémie est trop haute, la dose devra être augmentée de deux unités par semaine (ou tous les 3-4 jours au début) et, si elle est trop basse, elle devra être abaissée d’autant mais immédiatement pour prévenir le risque d’hypoglycémie. Ce qui nécessite une éducation thérapeutique et une nouvelle consultation très vite après l’initiation de l’insulinothérapie, pour vérifier la bonne assimilation des messages. S’agissant des personnes âgées non autonomes plus particulièrement, le passage d’une infirmière à domicile est recommandé pour les injections d’insuline lente, en général le matin, après le contrôle de la glycémie.

Comment amener le patient à surmonter ses réticences et craintes lors du passage à l’insuline ?
uAnticiper est le maître mot. Lors du suivi d’un diabétique de type 2, on fixera un objectif glycémique personnalisé en terme d’HbA1C qui reste pour l’instant la norme autour de laquelle se situera le patient. Pour une personne âgée et/ou avec des complications, le taux de référence se situera autour de 7,5 % voire 8,0 % d’HbA1C, alors que pour un diabétique de type 2 sans complications, l’objectif d’HbA1C sera de 7,0 %. Lorsque les traitements oraux ne permettent plus d’équilibrer le diabète, certains patients passent sous GLP-1 injectables, ce qui présente l’intérêt de les familiariser avec les injections. Si pour eux, le passage à l’insuline est plus facile, leur donner des explications sur le mécanisme de l’hypoglycémie s’avère indispensable pour prévenir ce risque, et pour leur faire prendre conscience de l’intérêt de l’auto-surveillance glycémique.

Souvent, l’insuline fait peur car elle est associée aux complications essentiellement en raison de son utilisation dans le diabète de type 2 plutôt à la fin de l’évolution de la maladie. Ce qui est ressenti par les patients comme une bascule dans l’évolution de leur diabète. Autre frein à ce passage : la prise de poids. Les conséquences d’un diabète déséquilibré sont un poids artificiellement plus bas, en raison d’une fuite de glucose dans les urines (glycosurie) et d’une perte obligatoire de calories. Rééquilibrer son diabète peut se traduire par une prise de poids de 1 à 2 kilos. Le dialogue avec le patient reste donc toujours nécessaire.

Existe-t-il des outils pour aider le patient, pour le rassurer ?
Des applications sur smartphone permettent d’établir des moyennes glycémiques pour ajuster les doses d’insuline. Via la télésurveillance, récupérer les données du patient nous permet de prévenir le risque d’hypoglycémie tout en équilibrant la glycémie par l’ajustement de son traitement, ce qui permet de réduire le risque. Pour être efficace, un passage à l’insuline doit être surveillé.

Quel est le rôle du médecin traitant ?
uSon relais est primordial pour envisager l’adhésion du patient au traitement, et adapter les doses d’insuline, voire rééduquer le patient au risque d’hypoglycémie si besoin. A noter encore que, à l’occasion du passage à l’insuline, se renforcent les liens dans le couple médecin généraliste/diabétologue.

Vous êtes l’un des investigateurs de l’étude CORONADO. Quels en ont été les résultats ?
Cette étude a été menée sur 2 900 patients recrutés dans 68 centres en France et suivis pendant 28 jours, lesquels présentaient les formes les plus sévères de la Covid-19 des diabétiques hospitalisés. En ce début janvier, les données complètes viennent d’être publiées : 1 patient sur 5 est décédé à 28 jours mais la moitié des patients sont rentrés à domicile. Les diabétiques traités pour Covid en France avaient en moyenne 70 ans, des hommes aux deux tiers et très majoritairement de type 2. Cette étude va permettre de personnaliser la prise en charge et la prévention notamment chez les patients diabétiques âgés avec complications et sous insuline. Les risques ont été, en revanche, très faibles chez les diabétiques de type 1, de moins de 65 ans. CORONADO se poursuit avec la prise en compte du diabète dans la sévérité de la Covid au-delà de l’âge et des autres comorbidités. Pour chaque patient diabétique, une personne de même âge et du même sexe a été recrutée. 2 400 patients sont appariés aux patients diabétiques de CORONADO, pour analyser quel est le surrisque du diabète eu égard à l’âge.

Propos recueillis par Marie Beaurenaud 

 

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