Pr C. Creuzot-Garcher : DMLA exsudative, OMD : Des traitements plus « faciles à vivre »
Discipline : Ophtalmologie
Date : 08/10/2024
Dans la prise en charge de la dégénérescence maculaire liée à l’âge dans sa forme néovasculaire, comme de l’œdème maculaire diabétique, la nouvelle génération des anti- VEGF améliore la qualité de vie des patients, grâce notamment à la réduction du nombre d’injections permettant plus d’espacement entre les injections intravitréennes, note le Pr Catherine Creuzot-Garcher, chef du service d’Ophtalmologie au CHU de Dijon.
TLM : Existe-t-il de nouvelles stratégies de prise en charge de la DMLA néovasculaire ?
Pr Catherine Creuzot-Garcher : La dégénérescence maculaire liée à l’âge dans sa forme néovasculaire, encore dite « exsudative », bénéficie depuis plus de 20 ans de traitements par des anti-VEGF sous forme d’injections intravitréennes qui ont transformé le pronostic de la maladie. Aujourd’hui, une deuxième vague de médicaments anti-VEGF fait son apparition sur le marché. Ces nouveaux anti-VEGF sont améliorés soit par un couplage avec un autre principe actif, soit parce que modifiés, ou encore parce que plus dosés. Les essais thérapeutiques ont montré que ces nouveaux anti-VEGF avaient une efficacité identique aux médicaments anciens, avec des effets supérieurs sur le plan anatomique. Ils sont plus efficaces pour réduire les fluides et assécher la rétine avec des effets équivalents sur le plan de la stabilisation de l’acuité visuelle. Mais, surtout, ils permettent d’obtenir une durée d’action souvent plus longue.
TLM : Quels est l’intérêt de cette nouvelle classe thérapeutique ?
Pr Catherine Creuzot-Garcher : Sur le plan du mode d’action, ces nouveaux médicaments sont similaires aux anciens. Mais ils permettent de réduire considérablement le nombre annuel d’injections. Un tiers des patients traités par des anti-VEGF pour une DMLA exsudative ont besoin d’injections intravitéennes toutes les six à huit semaines. Ce qui est lourd pour le patient. Avec ces nouveaux traitements, il est possible d’espacer ces injections, par exemple tous les trois mois au lieu de toutes les six semaines. Le temps d’espacement entre deux injections dépend bien sûr de chaque patient. C’est un énorme progrès en ce qui concerne la qualité de vie. Actuellement, trois nouveaux anti-VEGF ont été développés. Deux sont d’ores et déjà remboursés (l’anti-VEGF associé à l’antiangiopoïétine et l’anti-VEGF modifié) et le troisième (dosage de la molécule augmentée) a reçu une autorisation de mise sur le marché. On peut constater un peu plus de phénomènes inflammatoires avec ces nouveaux médicaments, mais cela concerne une petite proportion de patients. Si ces phénomènes inflammatoires surviennent, il est alors possible de passer à un autre anti-VEGF. Les avantages de ces nouveaux anti-VEGF sont supérieurs aux inconvénients et apportent une nouvelle solution thérapeutique pour les patients en échec ou résistants.
TLM : Les patients ainsi traités ont-ils moins de risque de cécité ?
Pr Catherine Creuzot-Garcher : De manière générale, grâce aux traitements par anti-VEGF, le nombre de patients souffrant d’une cécité par DMLA exsudative s’est effondré, même si malgré la prise en charge, on note une lente dégradation de la vision au fil du temps. En effet, dans la DMLA exsudative, il y a presque toujours une part atrophique associée. Mais, grâce aux médicaments, ces processus évolutifs sont beaucoup plus lents. En fait, le traitement ne fait pas régresser les néovaisseaux mais réduit l’exsudation. Ces médicaments parviennent à contrôler la maladie mais ne la guérissent pas.
TLM : Ces nouveaux médicaments vont-ils être désormais prescrits en première intention ?
Pr Catherine Creuzot-Garcher : Quand les patients sont bien équilibrés avec une molécule, bien tolérée, efficace, il n’est pas forcément nécessaire de changer. Mais si le traitement en cours n’est pas suffisamment efficace (persistance d’une activité de la maladie, nécessité d’injections trop fréquentes), il est licite de proposer ces nouveaux médicaments. En réalité, il est possible qu’avec le temps ces nouvelles molécules soient proposées d’emblée aux patients nouvellement diagnostiqués. Les ophtalmologistes doivent se former à l’utilisation de ces nouveaux produits, car le protocole est un peu différent de celui proposé avec les médicaments plus anciens. Nous avions l’habitude de respecter une phase d’induction, avec trois, quatre ou cinq injections à intervalle d’un mois chacune. Il est possible qu’on puisse limiter cette phase d’induction avec ces nouveaux traitements. La surveillance à chaque injection doit en revanche être maintenue surtout au début du traitement pour détecter des réactions inflammatoires. Passée cette première phase, l’intervalle pourra être élargi tous les trois-quatre mois environ avec ces nouveaux produits.
TLM : Le diagnostic de DMLA exsudative est-il désormais posé à temps ?
Pr Catherine Creuzot-Garcher : D’une manière générale, le diagnostic est posé plus tôt qu’il y a quelques années ; la population connait bien la DMLA et les signes qui doivent faire penser au diagnostic : lignes droites apparaissant déformées, baisse de l’acuité visuelle, apparition d’une tache noire au centre de la vision. Cependant, lorsqu’un œil seulement est atteint, l’autre compense et le patient ne se rend pas forcément compte qu’il a un problème visuel. Il faut faire régulièrement des tests en masquant un œil pour évaluer la vision de l’autre œil… Nous insistons pour que les patients à risque de DMLA, c’est-à-dire ayant des antécédens familiaux ou des signes de vieillissement de la rétine, se fassent examiner régulièrement. On recense actuellement 300 000 personnes traitées pour une DMLA néovasculaire avec des médicaments anti-VEGF. On pratique environ 1 million d’injections chaque année toutes indications confondues.
TLM : Ces nouveaux traitements sont-ils adaptés à l’œdème maculaire diabétique (OMD) ?
Pr Catherine Creuzot-Garcher : L’œdème maculaire diabétique est une autre indication de ces nouveaux médicaments. Un tiers des patients qui souffrent d’une rétinopathie diabétique sévère présentent aussi un œdème maculaire qui donne les mêmes symptômes que la DMLA même si leur apparition est plus progressive. Cet œdème est lié à une altération des barrières vasculaires rétiniennes. Ces patients souffrant d’un œdème maculaire diabétique sont également traités par des anti-VEGF et peuvent bénéficier des nouveaux traitements à action prolongée. Les corticoïdes peuvent être utilisés, mais en général en deuxième intention seulement, car même s’ils ont une plus longue durée d’action, ils ont plus d’effets secondaires et, en particulier, ils augmentent la pression intraoculaire et génèrent une cataracte. Avec les nouveaux anti-VEGF, on peut atteindre quasiment la même durée d’action des corticoïdes, mais sans les effets secondaires. Enfin, pour réduire le risque d’œdème maculaire chez le diabétique, les médecins doivent rappeler à leurs patients que l’équilibre de leur diabète (HBA1c<7%) et de leur pression artérielle (TA systolique <13) est primordial.
Propos recueillis
par le Dr Clara Berguig ■