• Pr Bruno Vergès : Même les hypercholestérolémies résistantes peuvent être traitées

Bruno Vergès

Discipline : Cardiologie

Date : 06/07/2023


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L’avènement des anti-PCSK9 permet de traiter les patients dont l’hypercholestérolémie persiste malgré un traitement à base de statines bien conduit, assure le Pr Bruno Vergès, médecin endocrinologue, diabétologue, et spécialiste des Maladies métaboliques au CHU Dijon Bourgogne.

 

TLM : On entend tout et son contraire concernant l’origine de l’hypercholestérolémie : est-elle davantage liée à une mauvaise hygiène de vie ou à des prédispositions familiales ?

Pr Bruno Vergès : Il persiste cette idée reçue selon laquelle l’hypercholestérolémie d’origine génétique serait rare.

C’est faux ! Si l’hypercholestérolémie familiale homozygote l’est effectivement, ce n’est pas le cas de l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote qui est au contraire très fréquente, puisqu’elle touche une personne sur 500.

 

TLM : Comment les distinguer ?

Pr Bruno Vergès : L’hypercholestérolémie familiale homozygote touche les enfants et entraîne des accidents vasculaires cérébraux précoces, tandis que l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote affecte les adultes ; si elle se caractérise par la survenue précoce d’accidents cardiovasculaires (< 50 ans), d’autres signes évocateurs doivent alerter : dépôt de cholestérol sous les paupières ou dans l’arc cornéen, et dépôt de graisses au niveau des tendons (xanthome) pouvant provoquer des pseudo-tendinites. Son diagnostic doit impérativement conduire à un dépistage familial, même et surtout chez les jeunes enfants, pour qu’ils bénéficient d’une prise en charge précoce si nécessaire. Mais, dans la plupart des cas, l’hypercholestérolémie résulte de la combinaison de plusieurs prédispositions génétiques — des anomalies conduisant à un mauvais fonctionnement des protéines sans qu’il y ait de mutations : on parle d’hypercholestérolémie polygénique. Ce type d’hypercholestérolémie est influencé par l’hygiène de vie (sédentarité, obésité, régime alimentaire), et donne des tableaux moins sévères que les formes familiales.

Enfin, il existe ce que l’on appelle des hypercholestérolémies secondaires, dues à certaines maladies (hypothyroïdie, maladies rénales, cholestase, etc.) ou à certains médicaments (notamment les rétinoïdes indiqués dans le traitement des acnés sévères).

 

TLM : En quoi consiste la prise en charge ?

Pr Bruno Vergès : Le but de la prise en charge est d’abaisser le taux sanguin de LDLcholestérol pour diminuer le risque d’événements cardiovasculaires.

Pour cela, on détermine des objectifs thérapeutiques qui vont dépendre du profil de risque des patients. Chez ceux qui ont un risque majeur à la suite d’un accident vasculaire par exemple, l’objectif est d’atteindre un taux de LDL-cholestérol (LDL-c) inférieur à 0,55 g/litre ; si le risque est élevé, il devra être inférieur à 0,7 g/l ; et, en cas de risque intermédiaire, inférieur à 1 g/l. Notez qu’en prévention secondaire, ces objectifs sont parfois difficilement atteignables. Un patient qui présente un excès de cholestérol dans le sang doit avant tout revoir son hygiène de vie, et plus particulièrement son alimentation et son niveau d’activité physique. Les études ont montré que les aliments riches en graisses saturées (fromages, produits laitiers, viandes grasses), lorsqu’ils sont consommés en excès, augmentent le taux de LDL-c, mais que ceux riches en acides gras insaturés (contenus notamment dans les huiles végétales, les oléagineux, l’avocat, les poissons gras) sont favorables à la bonne santé cardiovasculaire. Et si les recommandations préconisent de manger des fruits et des légumes, ce n’est pas pour abaisser le taux de LDL-c mais pour leurs effets antioxydants et anti-inflammatoires protecteurs à l’égard du système cardiovasculaire. Dans les formes mineures, revoir son hygiène de vie peut suffire, mais dans la majorité des cas il est indispensable de mettre en place un traitement, surtout dans les formes familiales ou lorsqu’il existe un risque vasculaire avéré associé aux formes polygéniques. On ajoute alors une statine dont l’efficacité a été largement prouvée. À condition de proposer une statine dont l’intensité correspond à l’objectif à atteindre. Et en cas d’effets secondaires (douleurs, crampes musculaires, mais relativement rares en réalité), ne pas hésiter à changer de molécule. Ce traitement combinant une alimentation équilibrée, une activité physique régulière et un médicament permet de réduire de 30 à 50% le taux de LDL-c. Si l’objectif n’est cependant pas atteint, il faut alors recourir à l’association d’une statine de forte intensité et de l’ézétimibe, une molécule qui réduit l’absorption intestinale du cholestérol.

Dans cette configuration, on peut atteindre 65% de baisse du LDL-C.

 

TLM : Certaines hypercholestérolémies résistent à ces traitements, comment cela s’explique-t-il ?

Pr Bruno Vergès : L’inefficacité thérapeutique s’explique soit par un excès de cholestérol initial extrêmement sévère, soit par l’arrêt des médicaments en raison d’une intolérance des patients à leurs effets secondaires, soit, plus rarement, par une déficience complète des récepteurs aux LDL-cholestérol.

 

TLM : Comment les prendre en charge ?

Pr Bruno Vergès : On ajoute à l’association précédente un inhibiteur de PCSK9 : l’effet est spectaculaire ! Il agit en détruisant la protéine PCSK9 qui dégrade les récepteurs au LDL-cholestérol. C’est un traitement très puissant et très bien toléré qui est disponible depuis deux à trois ans en France —cinq ans dans d’autres pays du monde. Seul bémol, son coût extrêmement élevé qui explique qu’il soit réservé en prévention secondaire aux patients qui présentent un taux de LDL-c supérieur à 0,7 g/l malgré un traitement optimal bien conduit, ou aux personnes intolérantes aux statines. Il peut également être prescrit en prévention primaire, lorsque le taux de LDL- cholestérol dépasse 3 g/l. C’est beaucoup plus léger que la LDL-aphérèse, ce traitement qui consiste à épurer le sang de l’excès de cholestérol selon un principe analogue à celui de la dialyse rénale. Son administration est réalisée par injection sous-cutanée, toutes les deux semaines, via un stylo injecteur. Seuls les endocrinologues, les cardiologues et les internistes peuvent initier ce traitement après accord de l’Assurance maladie à la demande préalable. Cet arsenal thérapeutique permet de soigner la plupart des patients.

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

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