• Pr. BOURDIN : Les nouvelles pistes thérapeutiques dans l’Asthme sévère...

Arnaud BOURDIN

Discipline : Pneumologie

Date : 19/10/2020


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TLM : Comment définit-on l’asthme sévère ?
Pr Arnaud Bourdin :
L’asthme sévère est avant tout défini par la clinique. Le maintien durable du contrôle de la maladie ne peut être obtenu avec le traitement de fond, classiquement une association corticoïde inhalé et β2-agoniste à longue durée d’action. Avant de poser le diagnostic d’asthme sévère, le médecin traitant doit au préalable s’assurer que le diagnostic d’asthme est luimême exact, impérativement objectivé par une spirométrie, que le patient respecte correctement le traitement et les conseils d’hygiène de vie (sevrage tabagique, réduction pondérale, éviction des allergènes...) et que la prise en charge des comorbidités (surpoids, etc.) est adéquate. Il est fondamental que le généraliste évalue également la dose annuelle cumulée de corticoïdes oraux administrés soit en cure courte lors d’exacerbations, soit au long cours.

 

Pourquoi évaluer la dose annuelle cumulée de cortisone orale?

C’est un nouvel indicateur de sévérité de l’asthme, très facile à reconstituer à partir du DMP ou des données de l’Assurance maladie via la carte Vitale. On sous-estime en effet grandement les méfaits de la corticothérapie par voie générale. Or, il est avéré que dès 0,5 g à 1 g de corticoïdes oraux/an — ce qui correspond environ à deux exacerbations annuelles—, le patient est exposé à des effets secondaires notoires à long terme : diabète, obésité, HTA, ostéoporose, cataracte... Dès que le seuil de 0,5 g de cortisone/an est atteint ou lorsque le patient présente trop d’exacerbations itératives malgré une prise en charge optimale, on peut alors poser le diagnostic d’asthme sévère et adresser au spécialiste.

 

Quelle est la prévalence actuelle de l’asthme sévère?

L’asthme, toutes formes confondues, touche 6 à 8 % de la population adulte et, parmi ceux-ci, 5 % présentent une forme sévère, soit 100 000 à 200 000 personnes atteintes d’ashme sévère en France.
 

Que fera le spécialiste?

Devant un asthme sévère confirmé, le pneumologue procède à un « phénotypage », étape qui vise à caractériser le type d’inflammation et les mécanismes physiopathologiques sous-jacents afin de personnaliser et, donc, d’optimiser la prise en charge. On distingue ainsi les asthmatiques présentant une inflammation de type 2, la plus fréquente, et les asthmatiques sans inflammation de type 2. L’inflammation de type 2 est déclenchée par une augmentation de l’activité des cytokines de type 2 [(IL-4, IL-5 et IL-13)]. Elle se caractérise par l’élévation de trois biomarqueurs : éosinophiles sanguins, fraction expirée de monoxyde d’azote (FeNO) et IgE, et par l’existence d’un terrain allergique, éventuellement associés à d’autres caractéristiques comme l’existence d’une polypose naso-sinusienne, un recours très fréquent à la corticothérapie orale... Les asthmatiques sévères porteurs d’une inflammation de type 2 pourront alors bénéficier de traitements innovants, des biothérapies constituées d’anticorps monoclonaux.

 

Quelle est la place et l’efficacité de ces nouvelles biothérapies?
Elles ont une efficacité remarquable et changent réellement la vie des patients. Les biothérapies permettent de réduire jusqu’à 75 % l’intensité des symptômes et le recours à la corticothérapie orale, d’améliorer la fonction respiratoire et de réduire de 50 à 60 %, voire plus, la fréquence des exacerbations bronchiques. L’objectif essentiel de ce traitement, je le répète, est de réduire le recours à la corticothérapie orale. En général, deux semaines après l’initiation d’une biothérapie on peut commencer à diminuer la corticothérapie. C’est une prescription de spécialistes, indiquée uniquement dans l’asthme sévère insuffisamment contrôlé. Aujourd’hui, moins de 15 000 patients en bénéficient, sans doute en raison du coût de ce type de traitement mais également parce que les spécialistes ne sont pas toujours sollicités, notamment quand le seuil d’alerte de la corticothérapie orale est atteint —les effets indésirables de la corticothérapie étant souvent sous-évalués par la communauté.

 

Une étude Ifop/Sanofi sur « Les Français, les asthmatiques et l’asthme sévère »* révèle que la moitié des sondés considèrent l’asthme comme « une maladie banale avec laquelle on peut vivre sans trop de problèmes », alors que les malades concernés estiment que « l’asthme sévère est un réel fardeau ». Qu’en pensez-vous ?

Cela correspond tout à fait à notre ressenti et démontre bien l’ambivalence exprimée face à cette maladie. L’asthme est tout sauf une maladie banale : on enregistre chaque année plus de 1 000 décès en France, et cela continue à être l’une des premières causes d’absentéisme scolaire ou professionnel en France, et l’un des premiers postes de dépense de l’Assurance maladie. Quant à l’impact sur le quotidien des malades, fort heureusement nous disposons désormais d’un arsenal thérapeutique suffisamment large pour les soulager.


En période de Covid, les patients asthmatiques présentent-ils un sur-risque ?
Bien au contraire, les données actuelles montrent qu’en fait l’asthme protégerait des infections sévères, y compris celles à SARS-CoV-2, surtout si la maladie est parfaitement contrôlée. Des indications très surprenantes, et qui restent donc à vérifier !

 

 

* Étude Ifop pour Sanofi Genzyme réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 24 au 27 avril 2020 auprès d’un échantillon de 3045 personnes de la population française âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine (https://bit.ly/3fYrC3o).

Lire les conclusions de cette enquête en page 106.

 

 

 

Propos recueillis par Christine Di Meo

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