• Pr. BILLEAUD : Pourquoi l’allaitement maternel ?

Claude BILLEAUD

Discipline : Pédiatrie

Date : 15/10/2020


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Jusqu'à quel âge l’enfant doit-il être allaité?

L’OMS, après avoir recommandé l’allaitement jusqu’à l’âge de six mois, le préconise maintenant jusqu'à deux ans, les aliments solides pouvant être introduits dès six mois. Jusqu'à six mois c'est déjà très bien. Les prématurés, qui ont besoin d'un fort apport en protéines, devront avoir de surcroît des suppléments ou « fortifiants » du lait maternel.

 

Quelles sont les contre-indications?

Les psychoses puerpérales, la galactosémie, certains traitements comme les antivitamines K, les anti-thyroïdiens de synthèse. L'infection par le virus VIH contre-indique l'allaitement dans nos régions parce que le virus est transmis par le lait. Dans des contrées comme l'Afrique l’allaitement est souvent le seul moyen d’éviter la dénutrition du nourrisson, sachant que l'infection par VIH ne concerne que 1 % des cas.

 

Quelles sont les règles à suivre lors de l’allaitement ?

Concernant le rythme des tétées, on suivra celui du bébé : il faut donner le sein quand il le réclame, toutes les deux à trois heures. Cela dit, il n'est pas question de laisser l'anarchie s'installer. L'allaitement peut-être quasiment continu le premier jour pour favoriser la montée laiteuse qui intervient à partir du troisième jour. Il doit se poursuivre pendant 20 minutes, et alterner les deux seins pour une même tétée. Autre élément capital, la position au sein : le bébé doit englober de sa bouche toute l'extrémité du mamelon, et non pas être positionné sur le côté car alors il ne tirerait pas assez, et entraîne un risque de crevasses. Après chaque tétée la mère doit rincer les extrémités des seins et bien les sécher pour qu'il n'y ait pas d'irritation. La mère doit s’hydrater correctement, à raison de deux litres par jour. Au début de l'allaitement apparaît le colostrum qui est très riche en immunoglobulines, en longues chaînes d'acides oméga-3 et oméga-6 qui sont nécessaires au développement cérébral et de la vision. Si on donne d’emblée le biberon on se prive de tout l'apport du colostrum. Il faut du personnel de maternité ou des consultantes en lactation pour pérenniser la lactation.

L’alimentation de la mère est fondamentale car elle condition en grande partie la composition de son lait. Les études diététiques montrent que l’apport protéique est suffisant, par contre l’apport énergétique doit être suffisant 2200 Kcal/j ce qui n’est pas toujours le cas, si l’apport en lipides est légèrement plus abondant (40% de l’apport énergétique total), l’apport en sucres complexes (pomme de terre, riz, pâtes) est nettement bas avec un excès de sucres simples (jus de fruits, gâteaux, confitures, sucre). Si l’alimentation en macronutriments peut être rectifié par les conseils d’une diététicienne en maternité ou en ville ou par son médecin, il existe souvent un déséquilibre en acides gras essentiels oméga-3 et oméga-6. La consommation d’huile d’olive répandue largement est complètement dépourvue d’oméga-3, il faut préférer l’huile de colza moins chère et qui apporte de façon équilibrée les acides gras oméga-3 et oméga-6. En ce qui concerne les oméga-3 à longue chaîne (le DHA), ils sont apportés exclusivement par la consommation de 170 g de poisson gras deux fois par semaine qui fournira plus de 250mg/jour de DHA. L’alimentation habituelle des femmes allaitantes (de même que l’alimentation de tout un chacun) est déficitaire en oligoéléments (calcium, magnésium, zinc, iode) et vitamines (A, D, E et Folate+++). Il convient donc de recommander des comportements alimentaires appropriés, mais cela ne dispense pas de prescrire des suppléments en oligoéléments et vitamines et, si la maman ne consomme pas de poisson, des gélules d’huiles de poisson ou d’algues riches en oméga-3 pour les végétariennes qui doivent impérativement prendre en outre de la vitamine B12.

 

Quel est le rôle du médecin généraliste?

Dès la fin de l’accouchement le médecin généraliste doit encourager l’allaitement et, comme nous l’avons rappelé plus haut, veiller à un bon équilibre alimentaire. Puis il prendra en charge les éventuelles complications de l'allaitement. Ces dernières procèdent d'une inflammation progressive : une crevasse du mamelon fait que le sein ne se vide pas correctement, ce qui crée un engorgement mammaire qui peut déboucher sur une lymphangite, laquelle non traitée peut provoquer une mastite infectieuse puis un abcès du sein qui peut constituer une indication chirurgicale. Ces complications font que de nombreux échecs apparaissent dans les 15 premiers jours, faisant obstacle à la lactation.

 

TLM : Quand utiliser un tire-lait ?

Ils seront utilisés lorsque l'allaitement est difficile ou que la mère n'a pas suffisamment de lait, notamment au début. Il faut alors tirer le lait très régulièrement, toutes les deux heures, et le mettre au congélateur pour le redonner au bébé.

 

 

TLM : Comment l’épidémie de Covid interfère-t-elle avec l’allaitement ?

Le virus ne passe que très exceptionnellement. En outre, le nourrisson est dépourvu de récepteurs ACE2 grâce auxquels le virus se fixe sur les cellules et les infecte. L’allaitement est encouragé puisqu’il apporte au nouveau-né les agents de défenses immunitaires humorale et cellulaire.

 

 

Propos recueillis par le Dr Bernard Maruani

 

 

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