• Pr BESSE : Pronostic amélioré dans les cancers bronchiques non à petites cellules

Benjamin BESSE

Discipline : Oncologie, Dépistage

Date : 11/07/2022


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Le Pr Benjamin Besse, oncologue médical, spécialiste de la prise en charge des cancers thoraciques et directeur de la Recherche clinique de Gustave-Roussy, explique comment l’immunothérapie et les thérapies ciblées ont amélioré le pronostic des patients atteints de cancers du poumon non à petites cellules métastatiques.

 

TLM : Les avancées thérapeutiques ont-elles transformé le pronostic des cancers broncho-pulmonaires non à petites cellules métastatiques ?

Pr Benjamin Besse : Il y a eu au cours des 15 dernières années une véritable révolution dans la prise en charge des cancers bronchiques métastatiques. La survie à cinq ans était jusqu’alors inférieure à 5 %. L’immunothérapie et les thérapies ciblées ont transformé ce pronostic. Il faut rappeler que si le cancer du poumon est moins fréquent que celui de la prostate, avec près de 45 000 cas par an, c’est encore la première cause de décès par cancer. Près de 85 % des cancers du poumon sont des cancers broncho-pulmonaires non à petites cellules et plus de 50 % sont déjà métastatiques au moment du diagnostic.

Outre les progrès thérapeutiques qui vont continuer, il faut améliorer le diagnostic précoce. Les premiers symptômes du cancer du poumon ne sont pas spécifiques, toux, hémoptysies, difficultés respiratoires, douleurs osseuses, perte de poids, infections à répétition, signes neurologiques, et ils apparaissent souvent tardivement, quand la maladie est déjà avancée. En plus du conseil d’arrêter de fumer, ce qu’un fumeur doit entendre de son médecin c’est que si sa toux se modifie, il doit consulter.

 

TLM : Quels sont les examens et les marqueurs biomoléculaires qui permettent d’orienter la prise en charge du cancer bronchique métastatique ?

Pr Benjamin Besse : Quand on suspecte un cancer du poumon, le scanner est le premier examen à réaliser, suivi d’une biopsie sous fibroscopie ou d’une ponction sous scanner. Le bilan d’extension, avec le petscan et l’imagerie cérébrale, vise à rechercher les éventuelles métastases. L’arrivée récente de l’immunothérapie et des thérapies ciblées impose désormais d’identifier dans les prélèvements biopsiques différents marqueurs, pour analyser les caractéristiques moléculaires de la tumeur et orienter le traitement. Il s’agit d’évaluer le taux d’expression de la protéine membranaire PD-L1 pour connaître l’impact de l’immunothérapie sur la tumeur. Et de rechercher des gènes mutés dans la tumeur, potentiellement accessibles à des thérapies ciblées. L’analyse biomoléculaire de la tumeur nécessite de disposer de biopsies suffisantes. Souvent les prélèvements sont suffisants pour le diagnostic, mais insuffisants pour identifier les caractéristiques de la tumeur permettant de définir le traitement. Il est désormais possible de pratiquer également des biopsies liquides qui visent à rechercher des fragments d’ADN tumoraux dans le sang circulant pour obtenir les marqueurs biomoléculaires.

 

TLM : Quels sont les patients éligibles à l’immunothérapie ?

Pr Benjamin Besse : Près de 85 % des patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques n’ont pas de mutations accessibles à un traitement ciblé. Le standard de traitement désormais dans ce cas c’est l’immunothérapie, soit seule soit en association avec la chimiothérapie.

Lorsque le taux d’expression ePDL1 est supérieur à 50 % dans les cellules tumorales, l’immunothérapie seule peut être suffisante. Dans le cas contraire, cette immunothérapie est associée à une chimiothérapie.

Le pourcentage d’expression du gène PD-L1 est très prédictif de la réponse du patient à ce traitement.

 

TLM : Quelle proportion de patients peuvent bénéficier de cette immunothérapie ?

Pr Benjamin Besse : Environ 30 % des cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques expriment très fortement ce gène et n’ont pas toujours besoin d’association avec la chimiothérapie. Le traitement est basé sur une perfusion en intraveineuse d’une heure toutes les trois semaines en hôpital de jour pendant deux ans. Grâce à l’immunothérapie seule, 33 % des patients traités sont encore en vie cinq ans après le traitement. C’est colossal. Avant, je le répète, la survie à cinq ans était inférieure à 5 % pour ce type de cancer.

Quand l’immunothérapie doit être associée à la chimiothérapie, la médiane de survie est de 18 mois. En cas de contre-indication à l’immunothérapie, en particulier en cas de maladies autoimmunes, seule la chimiothérapie sera prescrite. Les premiers traitements d’immunothérapie dans les cancers broncho-pulmonaires ont débuté dans les années 2010. Et les résultats à long terme sont vraiment intéressants. Cette immunothérapie est également prescrite aux malades atteints de ce cancer à un stade localisé, après radiothérapie. Les études ont montré que la survie était améliorée avec l’immunothérapie, en complément de la radiothérapie.

 

TLM : Quelle est la place des thérapies ciblées dans les cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques ?

Pr Benjamin Besse : Aujourd’hui 15 % des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules métastatiques sont porteurs d’une mutation accessible à des traitements ciblés pris par voie orale, et bientôt près de 30 %. Ces traitements par voie orale sont une véritable révolution pour les patients qui peuvent en bénéficier. La présence des gènes mutés ou réarrangés, EGFR, ALK, ROS1, BRAF, retrouvés sur les biopsies des tumeurs permet de mettre en place une thérapie ciblée adaptée à la mutation. C’est désormais le standard de traitement pour ces patients. Par exemple, pour les patients porteurs d’une fusion sur le gène ALK, les résultats sont excellents en termes de survie à cinq ans, quelle que soit l’extension du cancer pour les formes métastatiques. Avec ces traitements, les résultats sont rapidement spectaculaires.

 

TLM : Comment améliorer encore la prise en charge ?

Pr Benjamin Besse : Il y a encore beaucoup de recherches thérapeutiques. Mais une des avancées serait de faire le dépistage de ce cancer de manière plus précoce. Actuellement, ce dépistage par scanner low dose chez les fumeurs de plus de 50 ans n’est pas remboursé. Des travaux américains et européens ont montré qu’un tel dépistage permettrait d’améliorer la survie spécifique de 20 %. La Haute Autorité de santé vient d’annoncer une réflexion sur cette question. Les fumeurs qui s’engagent dans un tel dépistage doivent s’engager aussi vers un sevrage tabagique.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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