• Pr BERGMANN : Le paracétamol, antalgique de référence

Jean-François BERGMANN

Discipline : Algologie

Date : 09/07/2020


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TRÈS BIEN TOLÉRÉ, LE PARACÉTAMOL EST L’ANTALGIQUE DE PALIER 1 QUI OFFRE LE MEILLEUR RAPPORT BÉNÉFICES/RISQUES, RAPPELLE LE PR JEAN-FRANÇOIS BERGMANN, ANCIEN CHEF DE SERVICE DE MÉDECINE INTERNE DE L’HÔPITAL LARIBOISIÈRE À PARIS

 

TLM : Comment mesure-t-on la douleur ?

 

 Pr Jean-François Bergmann : La douleur correspond à tout ce qui nous éloigne du bien-être, lui-même défini par l’harmonie physique et psychique. On mesure son importance ainsi que son évolution à l’aide d’un outil d’auto-évaluation, l’échelle visuelle analogique (EVA) en 10 niveaux. Mais il existe d’autres types d’échelles, qui permettent d’évaluer différents paramètres : le délai avant que la douleur ne se calme, son impact sur la qualité de vie, la durée d’efficacité de l’antalgique...

 


TLM : Quel est l’objectif d’un antalgique ?

 

 Pr Jean-François Bergmann : On attend d’un antalgique qu’il soulage la douleur. Mais avec un degré d’exigence variable selon le type de douleur : pour une migraine, on estime qu’un antalgique remplit son rôle lorsqu’il fait disparaître les symptômes en deux heures ; en rhumatologie, on ne vise jamais une disparition totale de la douleur. Par conséquent, la question à poser à un patient est : « Est-ce que vous vous sentez soulagé de façon adéquate ? » Si la réponse est « oui », l’objectif est atteint.

 


TLM : D’après une enquête*, 46% des Français ne bénéficient pas d’une prise en charge adaptée de leur douleur...


Pr Jean-François Bergmann : Le problème avec les antalgiques, c’est que notre arsenal thérapeutique est assez pauvre : nous avons ceux du palier I, parmi lesquels le paracétamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et l’aspirine ; les opioïdes faibles en palier II ; et les morphiniques forts en palier III. Or, en dehors du paracétamol qui est bien supporté au quotidien, tous les autres antalgiques s’accompagnent d’effets indésirables plus ou moins importants.

 

TLM : Diriez-vous que la consommation de paracétamol s’est banalisée ?


Pr Jean-François Bergmann : Oui et non. En France, on reste très raisonnable par rapport aux États-Unis ! Et le paracétamol reste plus un médicament de prescription que d’automédication. Par contre, ce qui est vrai, c’est que l’on ne supporte plus d’avoir mal et que l’on cherche immédiatement à soulager sa douleur en piochant dans son armoire à pharmacie. Le discours du médecin invitant son patient à attendre de voir comment les choses évoluent n’est plus audible.

 

TLM : Quelle est la douleur la plus fréquente traitée par le paracétamol ?


Pr Jean-François Bergmann : Le paracétamol est particulièrement adapté au traitement des douleurs viscérales. C’est notamment une option de choix pour soulager les douleurs liées à un problème infectieux ou à la traumatologie, les douleurs au dos, aux pieds, aux dents, aux oreilles... Il est moins indiqué dans le traitement des douleurs neurologiques comme la migraine, les névralgies périphériques, les crampes...

 

TLM : Quelles sont les règles de bon usage du paracétamol ?


Pr Jean-François Bergmann : Le paracétamol relève des règles standards, qui s’appliquent à tous les antalgiques : choisir la dose efficace la plus faible, et prendre le traitement pendant la durée la plus courte possible et à la fréquence la plus réduite possible. Il relève aussi de règles qui lui sont propres : limiter la dose quotidienne à 3 g en automédication et 4 g sur prescription.

 

TLM : Pourquoi de telles limites ?


Pr Jean-François Bergmann : Le paracétamol est le médicament de choix, la référence absolue pour soulager les douleurs légères à modérées. Il ne présente aucune toxicité gastrique, cutanée ou rénale ; le seul risque potentiel auquel il expose est celui d’une toxicité hépatique, et uniquement en cas de surdosage. Un risque considéré comme extrêmement faible rapporté au nombre de boîtes vendues. D’ailleurs, le taux d’hospitalisation pour intoxication hépatique grave atteint à peine 1 cas par million de patients prenant du paracétamol tous les jours pendant 1 an** ! Mais aux doses normales, le paracétamol est absolument sans danger.

 


TLM : Le maintien du paracétamol en vente libre est-il une bonne chose ?


Pr Jean-François Bergmann : J’y suis foncièrement favorable car c’est l’antalgique de palier I qui présente le meilleur ratio bénéfices/risques. Il ne faudrait surtout pas qu’il ne soit accessible que sur prescription. En revanche, il faut responsabiliser les gens par rapport aux règles de bon usage. C’est aussi le rôle des pharmaciens, renforcé depuis que le paracétamol n’est plus en libreservice dans les officines.

 


TLM : A-t-on observé une hausse de sa consommation pendant la pandémie ?


Pr Jean-François Bergmann : Les recommandations des autorités sanitaires de ne pas recourir aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pendant l’épidémie liée au SARS-COv-2 ont entraîné un report sur le paracétamol ; ce qui a conduit l’ANSM à en rappeler les règles de bon usage.

 

Propos recueillis par Amélie Pelletier & Elvis Journo

* Étude Ipsos réalisée pour Sanofi en 2018.
** Régis Lassalle, Séverine Lignot-Maleyran, Sophie Micon et al. Exposition médicamenteuse et risque d’Insuffisance Hépatique Aiguë conduisant à l’inscription sur liste de Transplantation (IHAT) : Résultats de l’étude SALT-III chez des adultes en France. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique. Volume 66, Supplement 4, June 2018, Pages S219-S220.

 

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