• Pr. BERENBAUM : Prise en charge et traitement symptomatique de l’arthrose

Philippe BERENBAUM

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 01/02/2021


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TLM : Quel est le diagnostic de l’arthrose ?
Pr Francis Berenbaum :
Les deux mots clés de l’arthrose sont « douleur » et « enraidissement » de l’articulation, lesquels conduisent à consulter son généraliste. Leur localisation aux genoux, hanches et mains sont les plus fréquentes. L’examen clinique permettra de constater une amplitude anormale de l’articulation, dans un contexte de douleur mécanique, à l’effort. La certitude diagnostique sera confirmée par une radio simple. Le patient devra consulter un spécialiste quand le traitement médical simple ne suffira pas, c’est-à-dire quand il aura besoin d’infiltrations et de gestes techniques. Le rhumatologue pourra aussi intervenir dans le cas où le médecin généraliste est amené à s’interroger sur une éventuelle indication chirurgicale ou dans le but de rechercher une amélioration médicale. Autre motif : en cas de doute sur le diagnostic.

u Les recommandations nationales et internationales, édictées notamment par la Société française de rhumatologie, viennent tout juste d’être dévoilées. Elles donnent des standards de prise en charge de l’arthrose. Les recommandations insistent sur la prise en charge non pharmacologique, indissociable de celle pharmacologique.

uIl s’agit essentiellement de l’activité physique, alors même que les personnes souffrant d’arthrose ont des difficultés à bouger, avec parfois de fortes douleurs. Bouger va toutefois les aider. Un kinésithérapeute peut encadrer cette activité ou le médecin encourager son patient à exercer seul une activité physique comme la marche à pied, le vélo et la natation. Ces conseils sont à personnaliser en fonction des comorbidités. Quant à la perte de poids, elle aura un effet bénéfique démontré en cas de surpoids, en particulier pour l’arthrose du genou et dans une moindre mesure de la hanche. Par ailleurs, des corrections biomécaniques avec des orthèses plantaires, voire des genouillères plus ou moins articulées en cas d’arthrose du genou et déformation (avec genu varum ou genu valgum) peuvent être préconisées. Dans cette prise en charge, la prévention des traumatismes, tant dans la vie privée que professionnelle, ne doit pas être occultée. Les cures thermales font aussi partie de cette prise en charge non pharmacologique car elles placent les patients dans un environnement favorable pendant trois semaines : kinésithérapie, gymnastique et éducation thérapeutique. Cette dernière peut être prodiguée aussi à l’hôpital. Elle est cruciale car elle aide le patient à prendre lui-même en charge sa maladie. Quels sont les traitements pharmacologiques ?

En quoi consiste cette prise en charge non pharmacologique ?

uLes anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) par voie orale ou locale sont privilégiés. Pour l’arthrose du genou, les traitements peuvent commencer par des topiques (gels appliqués plusieurs fois par jour) puis, si cela ne suffit pas, il faudra prescrire des AINS par voie orale s’il n’y a pas de contre-indications digestives et cardiovasculaires. Le paracétamol, qui a longtemps été donné en première intention, n’est plus privilégié en raison de sa très faible efficacité dans cette indication.

D’où le recours d’emblée aux anti-inflammatoires pour une question d’efficacité. De son côté, le tramadol peut parfois être proposé mais il est souvent mal toléré. Enfin, les opioïdes, associés ou pas au paracétamol, sont à éviter en raison de leurs effets indésirables et des risques de dépendance et de mésusage. Les traitements locaux par infiltration de corticoïdes (efficaces pour un épanchement afin de soulager une poussée pendant quelques semaines) et injection d’acide hyaluronique représentent aussi des alternatives. Si ce dernier est déremboursé par manque de preuve formelle d’efficacité selon les critères règlementaires, les rhumatologues continuent bien souvent à en prescrire constatant chez certains patients un effet bénéfique.

Les médicaments peuvent-ils être administrés au long cours ?
uLes AINS doivent être prescrits à la dose efficace pour la durée la plus courte possible et à la posologie la plus faible. Nous préférons éviter de les prescrire sur une longue période.

Quels liens entre les troubles métaboliques et l’arthrose ?
u Nous avons constaté que les personnes obèses avaient deux fois plus de risques de faire de l’arthrose des mains.

La cause n’est pas leur surpoids. Très certainement, le syndrome métabolique représenterait un facteur de risque de l’arthrose, peut-être par l’intermédiaire du diabète et de l’hypertension artérielle. De nombreuses recherches sont menées actuellement dans ce domaine. Nous, médecins, avons donc tout intérêt à prendre en charge ces facteurs métaboliques dans la prise en charge globale. Nous suivons actuellement dans l’étude DIGICOD plus de 400 patients souffrant d’une arthrose des mains. Cette pathologie très inflammatoire est aussi très fréquente et peut être très invalidante. Pour autant, nous ne disposons pas de beaucoup d’informations sur les facteurs pronostiques. Cette cohorte va donc être suivie pendant au moins six ans en vue de définir des facteurs pronostiques de cette maladie. Nous nous intéresserons tout particulièrement à ces facteurs métaboliques, entre autres.

uSuivre un régime équilibré permet de revenir à un poids correspondant à un IMC inférieur ou égal à 25. Les régimes méditerranéens auraient des propriétés anti-inflammatoires, sans preuve scientifique formelle toutefois. Il n’a pas été prouvé, en revanche, que les régimes d’exclusion (sans lait, viande, gluten...) avaient un effet sur l’arthrose. L’arthrose n’est pas bénigne. Lorsqu’elle touche le genou et la hanche, elle augmente le risque de mortalité de plus de 50 % car c’est un facteur de risque de sédentarité et donc de problèmes cardiovasculaires. On a donc besoin d’une recherche dynamique en France dans ce domaine pour trouver des solutions plus spécifiques, aussi bien fondamentales que cliniques. Le soutien pour cette recherche, comme le fait la Société française de rhumatologie, l’INSERM et la Fondation Arthritis, doit donc être fortement encouragé.

Propos recueillis par Marie Beaurenaud

 

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