• Pr BENAMOUZIG : Conduite à tenir face à un reflux gastro-œsophagien

Robert BENAMOUZIG

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 10/10/2021


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Tour d’horizon de la symptomatologie, du diagnostic, de la prise en charge et des options thérapeutiques du reflux gastro-œsophagien avec le Pr Robert Benamouzig, chef du service de Gastro-entérologie de l’hôpital Avicenne à Bobigny.

 

TLM : Comment diagnostique-t-on le reflux gastro-œsophagien ?

Pr Robert Benamouzig : Beaucoup de gens ont un reflux de temps en temps, sans que cela soit associé à une gêne ou à des complications. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) devient pathologique lorsqu’il est fréquent et pénible dans la vie quotidienne ou s’il existe une œsophagite caractérisée endoscopiquement. Il est en général diagnostiqué lors d’une consultation médicale, sur l’association de signes cliniques typiques (brûlures de l’œsophage, remontées acides...). Il existe aussi des situations moins évidentes où il faut savoir évoquer un RGO face à des symptômes atypiques, comme par exemple une gêne ORL, une sensation de « chat » ou des picotements dans la gorge, une toux inexpliquée. Plus rarement, le RGO peut se traduire par des douleurs thoraciques. Lorsque le diagnostic est incertain, plutôt que de prescrire à l’aveugle un traitement à long terme, il vaut mieux faire réaliser quelques explorations.

 

TLM : L’endoscopie s’avère-t-elle nécessaire ?

Pr Robert Benamouzig : L’endoscopie est utile, si malgré ces explorations, un doute persiste sur le diagnostic. L’endoscopie permet aussi de rechercher une éventuelle œsophagite associée au reflux. Cette œsophagite, principale complication du RGO est présente chez 40% des patients. Elle est bénigne dans 80% des cas, mais on recense tout de même 20% de formes sévères.

 

TLM : Quels examens faut-il réaliser pour confirmer le diagnostic dans les formes atypiques ?

Pr Robert Benamouzig : La pH-métrie est un examen simple. Effectué le plus souvent dans un service spécialisé, le pH est mesuré en continu pendant 24 heures, par le biais d’un petit cathéter dans l’œsophage pour évaluer le niveau d’acidité. La sonde est introduite par le nez. L’anesthésie locale n’est pas nécessaire du fait de la miniaturisation de la sonde. Celle-ci est placée dans l’œsophage, quelques centimètres au-dessus du sphincter œsophagien inférieur. Cette sonde est reliée à un petit boîtier extérieur, placé au niveau de la taille du patient, boîtier qui enregistre le pH. Un second examen, l’impédancemétrie endoluminale œsophagienne (IMP) est une technique récente qui permet de mesurer les remontées liquidiennes acides ou gazeuses.

 

TLM : Quelles sont les modalités de prise en charge du reflux gastro-œsophagien ?

Pr Robert Benamouzig : La prise en charge dépend bien sûr de la gravité des symptômes et d’une éventuelle œsophagite sévère associée. En cas de reflux faible, peu fréquent, sans complication, la prescription d’alginates à prendre au coup par coup, en cas de pyrosis est en général suffisante. Si le reflux est fréquent, gênant, avec des brûlures œsophagiennes douloureuses, les médicaments anti-sécrétoires, en particulier les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), peuvent être prescrits pendant 7 à 14 jours. Ils peuvent ensuite être pris à la demande en cas de récidive. Dans certains cas, face à des symptômes persistants, un traitement au long cours peut être nécessaire, en prescrivant éventuellement des demi-doses, suffisantes pour certains patients.

 

TLM : Et en cas d’œsophagite associée ?

Pr Robert Benamouzig : Le diagnostic de l’œsophagite sera porté sur l’endoscopie. Dans ce cas, le traitement vise à prescrire des inhibiteurs de la pompe à protons, pendant quatre à huit semaines pour obtenir la cicatrisation des lésions. Une fois cette cure d’IPP terminée, ces médicaments pourront être à nouveau utilisés au cas par cas, en fonction des symptômes.

 

TLM : Ce schéma thérapeutique parvient-il à guérir tous les patients ?

Pr Robert Benamouzig : Entre 10 et 30 % des personnes atteintes de reflux restent symptomatiques, malgré un traitement bien conduit. Dans ces situations, la prescription de médicaments prokinétiques (comme la dompéridone) qui augmentent la motricité du bas œsophage et la vidange gastrique peut s’avérer utile. Ils ne peuvent cependant être utilisés que sur des courtes périodes (au maximum 15 jours) du fait de leurs effets cardiaques potentiels. Si cela n’est toujours pas suffisant, des mesures hygiéno-diététiques doivent être associées aux médicaments : dormir la tête surélevée, supprimer les repas copieux et gras, le tabac, les boissons alcoolisées, gazeuses... L’association des anti-IPP avec des anti-H2 peut être une solution dans les cas rares résistants aux autres traitements. Mais il faut savoir que cette association est non recommandée par l’ANSM.

 

TLM : Quelle est la conduite à tenir en cas d’œsophagite sévère ?

Pr Robert Benamouzig : En cas d’œsophagite sévère, un médicament récent, Esoxx, à base d’acide hyaluronique, utilisé par voie orale, sous forme de topique, facilite la cicatrisation. Ce produit, considéré comme un dispositif médical, est utilisé sur une période de deux semaines. De manière générale, il est aujourd’hui possible de soulager certains cas résistants aux traitements classiques, grâce à d’autres thérapeutiques ou parfois à des régimes.

 

TLM : Quels sont les risques de complications pour les reflux non traités ?

Pr Robert Benamouzig : Lorsqu’il existe un reflux important associé à une œsophagite, le risque est le développement d’un endo-brachy-œsophage. Il s’agit de la transformation progressive de la muqueuse de l’œsophage par de la muqueuse intestinale. C’est une lésion au départ bénigne, mais qui peut évoluer vers le cancer. L’endo-brachy-œsophage ou œsophage de Barett résulte de l’exposition répétée de la muqueuse du bas œsophage à du liquide gastrique. Le diagnostic se fait par l’endoscopie. Enfin, il faut savoir que 80% des patients ayant subi une sleeve gastroplastie pour obésité morbide ont un risque élevé de souffrir d’un reflux gastro-œsophagien associé à un endo-brachy-œsophage. Ils doivent bénéficier dans ces conditions d’une surveillance endoscopique régulière.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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