• Pr. BELTRAND : Diabète de l’enfant et de l’adolescent : agir tôt et vite !

Jacques BELTRAND

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 25/04/2021


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TLM : Quels sont les signes d’alerte qui permettent de poser le diagnostic de diabète chez l’enfant ?
Pr Jacques Beltrand :
Il existe quatre signes « cardinaux » à repérer chez l’enfant. Les deux principaux sont la polyurie et la polydipsie. Certains enfants boivent trois à six litres par jour et urinent toutes les demi-heures ! Les deux autres signes sont la polyphagie (faim excessive) et l’amaigrissement. Ces symptômes mettent en général plusieurs semaines à s’installer. En revanche chez les moins de trois ans, ils évoluent très vite, en quelques jours.

Quand ces signes d’alerte ne sont pas détectés, quels sont les risques ?

Le risque est que l’enfant évolue vers une acidocétose liée à une carence pro- fonde en insuline : une complication qui peut aller du malaise au coma, voire au décès. En France, 40 à 50 % des enfants sont encore diagnostiqués au stade de l’acidocétose, particulièrement chez les moins de six ans. Une dizaine d’enfants décèdent encore chaque année en France d’une acidocétose, en raison d’une prise en charge trop tardive...

Y a-t-il des pièges à éviter pour le médecin qui examine l’enfant ?

Les médecins généralistes ont surtout l’habitude de diagnostiquer des diabètes de type 2 dans lesquels la génétique est un facteur de risque. Ils peuvent passer à côté du diagnostic car, chez l’enfant qui développe un diabète de type 1, il n’y a pas d’histoire familiale de diabète dans la grande majorité des cas.

Quels sont les examens qui permettent de confirmer le diagnostic ?

Les signes d’alerte sont suffisamment spécifiques pour que le médecin généraliste envoie directement l’enfant aux urgences. Il peut s’aider, à son cabinet, d’une bandelette urinaire ou d’une glycémie capillaire pour vérifier la présence d’une hypoglycémie. Mais il ne doit pas demander une glycémie à jeun. Il faut vite aller aux urgences. C’est aussi un conseil à donner aux parents : en présence des quatre signes cardinaux, ils doivent courir aux urgences pour éviter les complications de l’acidocétose.

Qu’est-ce qui explique l’augmentation du diabète de type 1 en France depuis une vingtaine d’années ?

Environ 25 000 enfants vivent avec un diabète de type 1 en France. On ne sait pas très bien pourquoi mais on constate une augmentation constante depuis une vingtaine d’années. Il y a peut-être en jeu une cause environnementale car, plus on s’éloigne de l’équateur, plus la fréquence de cette maladie augmente, surtout dans les pays économiquement aisés. Cette maladie est peut-être aussi favorisée par la rencontre d’un environnement et d’un terrain génétique à risque. Ce sont des pistes de recherche.

A quel âge un diabète de type 1 peut-il se déclarer ?

Pour que le diabète de type 1 apparaisse, il faut que le système immunitaire soit mature : donc pas avant l’âge de six mois en principe, sauf des diabètes très rares d’origine génétique. Le pic d’apparition de cette maladie se situe aux alentours de l’âge de huit ans en France mais c’est une maladie qui peut apparaître à tous les âges.

Quels sont les protocoles de prise en charge ?

En pédiatrie, la gestion de cette maladie est très lourde au quotidien et nécessite une prise en charge hospitalière pluridisciplinaire avec des pédiatres, des diététiciennes, des assistantes sociales... L’enfant continue à être suivi par son pédiatre ou son généraliste pour le reste. Le traitement unique est l’insuline, pour compenser l’absence des cellules qui fabriquent cette hormone dans les îlots de Langherans. L’insuline doit être injectée en sous-cutanée : 50% des enfants sont traités avec des stylos à insuline, développés spécifiquement pour eux, avec des petites doses et des pistons souples. 50 % bénéficient de pompes à insuline.

Quels sont leurs avantages et inconvénients ?

La pompe distille en permanence de l’insuline, à toutes petites doses, sous la peau pour couvrir les besoins de l’enfant. Pendant les repas, l’enfant augmente sa dose. Le reste du temps, il n’y touche pas. Pour les moins de cinq ans, nous n’avons pas d’autre choix : cela évite de les piquer cinq fois par jour. Pour les plus grands, on commence par les stylos puis, en fonction de leur ressenti, ils peuvent passer à la pompe. L’inconvénient de cette dernière, c’est de porter une machine sur soi en permanence. Le choix dépend du vécu de chaque patient.

Quels sont les objectifs thérapeutiques ?

L’objectif global c’est que le corps reçoive en permanence de l’insuline : une glycémie qui reste dans une plage cible, dans laquelle l’enfant n’est ni en hypoglycémie ni en hyperglycémie. On ne peut pas viser la guérison, mais l’objectif, c’est que les enfants ne développent pas de complications et qu’ils aient une bonne qualité de vie.

Quelles sont les complications qui peuvent survenir chez l’enfant et l’adolescent ?
Elles apparaissent rarement en pédiatrie car il faut 10 à 15 ans de mauvais équilibre du diabète pour développer des complications. Elles peuvent néanmoins survenir à la fin de l’adolescence, mais rarement : rétinopathie ou insuffisance rénale par exemple. Tout l’enjeu en pédiatrie c’est d’apprendre à l’enfant à bien prendre en charge son diabète pour arriver à l’âge adulte sans complications. On est dans une médecine préventive, avec une large place laissée à l’éducation thérapeutique.

Quelle est la place du médecin généraliste dans la prise en charge du diabète de l’enfant et l’adolescent ?
Très peu de médecins généralistes suivent les enfants et adolescents avec un diabète de type 1. Son rôle est essentiellement de poser le diagnostic.

Est-ce que la crise sanitaire a un impact sur la prise en charge de ces jeunes patients ?
Il y a eu un impact sur le nombre d’acidocétoses sévères, en hausse, pendant le premier confinement car les parents ont hésité à se déplacer chez le généraliste ou aux urgences. Nous n’avons pas noté de décès mais des situations de réanimation très lourdes. Pendant le second confinement, nous avons vu des adolescents diabétiques faire des crises d’angoisse. Car beaucoup de messages sont passés dans les médias affirmant que le diabète était un facteur aggravant de Covid : c’est faux ! Ce sont les complications du diabète qui sont des facteurs aggravants. En France, aucun enfant ni adolescent diabétique n’a présenté un Covid sévère.

Propos recueillis par Brigitte-Fanny Cohen

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