• Pr. BELLAICHE : Le lait infantile indiqué jusqu’à l’âge de trois ans

Marc BELLAICHE

Discipline : Pédiatrie

Date : 01/02/2021


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TLM : L’allaitement maternel est-il en passe d’être détrôné par les laits infantiles ?
Pr Marc Bellaïche :
Non, il reste le « gold standard » de l’alimentation infantile jusqu’aux 6 mois de l’enfant, conformément aux recommandations de l’OMS. La Société européenne de Pédiatrie limite néanmoins cette recommandation à 4 mois, de façon à débuter la diversification alimentaire au cinquième mois du bébé et répondre aussi à la demande de certaines mères. Car si 60 à 80 % des femmes allaitent leur bébé à la sortie de la maternité, seules 15 à 20 % donnent encore le sein à 2-3 mois.

En quoi le lait maternel est-il idéal pour un bébé ?
uSa composition et sa qualité se modifient dans le temps pour s’adapter aux besoins spécifiques de l’enfant au regard de son âge : le colostrum, produit dès les premières heures qui suivent l’accouchement et pendant les cinq premiers jours de vie de l’enfant, est très riche en protéines, particulièrement en immunoglobulines ; son rôle n’est pas tant de faire grandir ou grossir le nouveau-né que de le protéger contre d’éventuelles infections. Vers le cinquième jour, un lait de transition prend le relais avant que ne soit produit le lait mature, qui va rester le même pendant toute la durée de l’allaitement. Moins riche en protéines et en cellules immunocompétentes, il contient davantage de lipides, en particulier d’acides gras essentiels qui jouent un rôle majeur dans le développement neurologique de l’enfant. La nature du lait maternel varie également au cours de la tétée : les calories et les micronutriments sont essentiellement concentrés dans les premières gorgées, de sorte que si le bébé cale avant la fin, il aura quand même ingéré les éléments qui lui sont indispensables.

Les laits infantiles représentent-ils une alternative sûre et efficace ?
uLes femmes qui n’allaitent pas peuvent se tourner vers les laits infantiles sans aucune inquiétude. Si l’on exclut les laits spéciaux, destinés aux enfants qui présentent des troubles digestifs, on distingue trois grandes familles de laits infantiles standards : les préparations pour nourrissons (anciennement laits 1er âge), conçus pour les bébés de 0 à 4 mois, les préparations de suite (anciennement laits 2e âge), pour ceux qui ont entre 5 et 12 mois, et les préparations pour enfants en bas âge (anciennement laits de croissance), entre 1 et 3 ans. Ces laits sont soumis à une réglementation et des contrôles extrêmement drastiques, et leur composition est parfaitement adaptée aux besoins nutritionnels de l’enfant, qui évoluent avec l’âge. La différence va surtout porter sur la teneur en fer, dont les besoins sont croissants. Entre 1 et 3 ans, les préparations pour enfant en bas âge constituent la principale source de fer : elles en contiennent 25 fois plus que le lait de vache classique et, surtout, ce fer est 5 fois mieux absorbé ! Selon une étude des Prs Patrick Tounian et Jean-Pierre Chouraqui*, il faudrait que les enfants consomment 1,3 kilo d’épinards pour avoir la même quantité que dans 500 ml de lait de croissance !

Depuis le 22 février 2020, une nouvelle réglementation européenne a été mise en place. Que change-t-elle ?
u Elle rend obligatoire l’introduction d’acide docosahexaénoïque (DHA) dans les préparations pour nourrissons et préparations de suite. C’est un acide gras essentiel, indispensable à la maturation cérébrale et visuelle du nouveau-né. Cette réglementation n’impose pas l’ajout d’acide arachidonique (ARA), un autre acide gras tout aussi indispensable au développement du cerveau du nourrisson, mais certains industriels le font afin de prévenir d’éventuelles carences. En respectant un rapport DHA/ARA conforme aux préconisations de l’OMS, ces laits infantiles sont extrêmement proches du lait maternel. La limitation de la teneur en protéines, rendue obligatoire par cette nouvelle réglementation, était déjà observée depuis une dizaine d’années. Quant aux probiotiques, prébiotiques ou symbiotiques que certaines marques ajoutent à leurs préparations infantiles, le recul est insuffisant pour recommander leur prescription à tous les bébés, mais leur profil de sécurité est tout à fait satisfaisant.

Que penser des laits où l’huile de palme est remplacée par des lipides laitiers ?
uEnviron un tiers des acides gras du lait maternel existent sous forme d’acide palmitique. Pour des questions environnementales, il est possible de remplacer l’huile de palme par des lipides laitiers issus du lait de vache, qui constituent une bonne alternative puisqu’ils contiennent de l’acide myristique, un acide gras promoteur du DHA.

uActuellement, beaucoup de parents veulent arrêter l’alimentation lactée de leur enfant à six mois, c’est beaucoup trop tôt : il faut absolument les encourager à poursuivre jusqu’à trois ans. Avec 700 ml de lait infantile, tous les besoins de l’enfant sont couverts. S’il n’aime pas le lait —une raison souvent invoquée—, il est possible de l’aromatiser, ou de saupoudrer leurs purées ou compotes de poudre de lait, ou encore de leur donner des petits-suisses ou des yaourts préparés avec du lait infantile.

Propos recueillis par Amélie Pelletier

 

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