• Pr BAUDOUIN : Glaucome et cataracte : La chirurgie à bon escient

Christophe BAUDOUIN

Discipline : Ophtalmologie

Date : 11/07/2022


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Si la cataracte et le glaucome peuvent mener à la cécité, des traitements efficaces existent, notamment chirurgicaux.

Sans en arriver jusque-là, une prise en charge précoce du glaucome permet d’améliorer la qualité de vie des patients.

Entretien avec le Pr Christophe Baudouin, chef de service d’Ophtalmologie au Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts à Paris.

 

TLM : La cataracte est-elle toujours liée à l’âge ?

Pr Christophe Baudouin : Rappelons que la cataracte, contrairement au glaucome, n’est pas une maladie mais consécutive à un processus de vieillissement entraînant l’opacification du cristallin. Si elle est, effectivement, très fréquente chez les personnes de plus de 75 ans, il existe aussi des formes précoces, liées à un diabète ou à des malformations congénitales.

 

TLM : Sous quels différents aspects la cataracte affecte-t-elle la qualité de vie des patients ?

Pr Christophe Baudouin : Lorsque le cristallin s’opacifie, les rayons lumineux parviennent moins bien à la rétine. La vision se brouille, l’acuité visuelle diminue et les patients souffrent d’une sensibilité accrue à la lumière, d’éblouissements. Non traitée, la cataracte constitue ainsi la première cause de cécité dans le monde. Sans en arriver jusque-là, elle a un impact sur la qualité de vie du patient. Concernant, par exemple, les patients qui conduisent, on considère qu’un seuil minimal de 5/10 es d’acuité visuelle est requis.

Certaines personnes qui ont une forte activité à l’extérieur du domicile sont gênées par une cataracte modérée ; d’autres, plutôt tournées vers des activités d’intérieur, lecture, couture, ne ressentent pas de problème, même avec une cataracte plus prononcée. La décision d’opérer doit prendre en compte l’équation individuelle de chaque patient. Il est essentiel que la gêne ressentie soit plus importante que celle liée à l’intervention.

 

TLM : Comment se déroule l’opération ?

Pr Christophe Baudouin : La chirurgie se pratique habituellement sous anesthésie locale et dure de 15 à 30 minutes. Un seul œil est généralement opéré à la fois. L’intervention consiste en une ablation chirurgicale du contenu du cristallin grâce à des ultrasons et à son remplacement par une lentille malléable synthétique. À cette occasion, il est possible de corriger différentes anomalies de la vue comme la myopie ou l’astigmatisme. L’opération est fiable, mais, comme pour toute chirurgie, le risque zéro n’existe pas. Dans les jours qui suivent l’intervention, l’œil est fragilisé. Il convient alors d’éviter les chocs, voire de simplement se frotter les yeux, ce qui pourrait créer une porte d’entrée microbienne. Le médecin généraliste a un rôle à jouer pour informer le patient, répondre à ses questions, mais également pour informer l’ophtalmologiste des médicaments susceptibles de poser problème lors de l’intervention, comme les traitements pour une hypertrophie bénigne de la prostate.

 

TLM : Qu’en est-il du glaucome ? Est-il également lié à l’âge ?

Pr Christophe Baudouin : Non. Le glaucome est une maladie chronique de l’œil due à des lésions du nerf optique. Dans 90% des cas, il est lié à une élévation de la pression interne de l’œil. Il s’agit d’une pathologie sournoise qui, non traitée, peut engendrer une déficience visuelle par diminution du champ visuel. Au départ, la vision devient floue sur le côté puis la perte de vision se rapproche du centre, avec un risque de cécité totale irréversible. Il peut y avoir un facteur génétique : il existe ainsi des « familles à glaucome ». Mais les problèmes vasculaires, les sténoses carotidiennes, l’apnée du sommeil ou la prise de certains médicaments peuvent favoriser l’apparition de la pathologie.

 

TLM : Existe-t-il des traitements efficaces ?

Pr Christophe Baudouin : Le traitement de première intention vise à abaisser la pression oculaire grâce à des collyres. Dans 50% des cas, un seul collyre suffit ; parfois il faut en combiner deux, voire trois. Si ce traitement est insuffisant, l’ophtalmologiste peut pratiquer une trabéculoplastie au laser qui consiste à réaliser une photocoagulation sélective de l’angle irido-cornéen, ce qui entraîne un meilleur écoulement de l’humeur aqueuse au niveau du trabéculum. Les résultats ne sont généralement pas définitifs. L’efficacité étant temporaire, un suivi ophtalmologique est indispensable. Le traitement chirurgical est le traitement de dernier recours. L’intervention consiste à créer une nouvelle voie d’évacuation de l’humeur aqueuse pour maintenir une pression normale dans l’œil. Elle stoppe la progression du glaucome, mais ne permet pas de récupérer les capacités visuelles perdues. C’est la raison pour laquelle un dépistage précoce est essentiel.

 

TLM : Comment alors améliorer la qualité de vie des patients ?

Pr Christophe Baudouin : Chez 50 % des patients de plus de 60 ans, le glaucome est associé à une sécheresse des yeux, en grande partie due aux traitements chroniques. Humidifier l’œil en instillant des larmes artificielles sous forme de collyre ou appliquer des gels lubrifiants procure un vrai soulagement. Une grande avancée a été réalisée avec la suppression des conservateurs dans les collyres qui généraient de tels effets néfastes. Un combat à mon initiative qui a pris du temps, mais qui donne de vrais résultats. Les patients qui cherchent à en savoir plus sur leurs pathologies peuvent se rapprocher de l’Association France Glaucome ou de l’Association française du Gougerot Sjögren et des Syndromes secs (AFGS). Persuadé de l’intérêt de l’éducation thérapeutique et du partage de connaissances, j’ai initié, avec Sorbonne Université, une université du patient qui ouvrira ses portes en septembre. Elle permettra de former des patients experts qui pourront apporter soutien et conseils à leurs pairs.

Propos recueillis

par Solène Penhoat

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