• Pr AUVIN : Les signes évocateurs du syndrome des spasmes infantiles

Stéphane AUVIN

Discipline : Pédiatrie

Date : 11/04/2022


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Maladie rare et méconnue, le Syndrome de West, ou syndrome des spasmes infantiles, est une forme particulière de l’épilepsie du nourrisson, qu’il faut savoir reconnaître pour en accélérer la prise en charge, affirme le Pr Stéphane Auvin, du service de Neurologie pédiatrique de l’hopital Robert-Debré (Paris).

 

TLM : Qu’est-ce que le syndrome de West ?

Pr Stéphane Auvin : Le syndrome de West est une forme d’épilepsie rare qui touche le nourrisson. Ce syndrome a été décrit pour la première fois par un médecin anglais, William West, qui l’a observé chez son propre fils avant d’en faire une publication en 1841 dans la revue The Lancet. Le syndrome de West est décrit comme une triade associant des spasmes épileptiques, une régression psychomotrice et un électro-encéphalogramme très altéré, avec une hypsarythmie, c’est-à-dire anormal et complétement désorganisé. En réalité, cette triade n’est pas retrouvée chez tous les enfants atteints.

C’est pour cette raison que le nom a évolué récemment. On parle désormais de « syndrome des spasmes infantiles » (SSI), pour mieux rendre compte de ses caractéristiques car tous les patients n’ont pas de régression psychomotrice, tous ne présentent pas d’hypsarythmie à l’EEG. Ce sont les spasmes épileptiques survenant chez un nourrisson qui sont constants. Ce syndrome commence en moyenne vers l’âge de six mois, avec un début entre deux mois et deux ans. Les manifestations cliniques sont caractérisées par des spasmes, à savoir des contractions musculaires involontaires responsables d’une flexion ou d’une extension du corps et des bras pendant quelques secondes. Ces crises surviennent par salves, au moment du réveil ou lors de l’endormissement, plusieurs fois par jour. La maladie concerne entre 1/20 000 à 1/30 000 naissances.

 

TLM : Le diagnostic est-il difficile à effectuer ?

Pr Stéphane Auvin : Le diagnostic doit être posé le plus rapidement possible, dès la détection de signes évocateurs. Il est important d’avoir vu une vidéo de ces manifestations caractéristiques pour savoir faire le diagnostic. En effet, des traitements existent pour arrêter ou diminuer les spasmes, mais ils doivent être mis en place le plus rapidement possible pour réduire leur impact sur le développement de l’enfant. Il s’agit donc d’une urgence. Malheureusement, le syndrome des spasmes infantiles reste une maladie méconnue. Et cette méconnaissance entraîne souvent un retard de diagnostic et de traitement car il n’y a ni convulsion, ni « absence », qui sont pour beaucoup de soignants les éléments clés faisant évoquer une épilepsie. Pour lutter contre l’errance diagnostique, pour informer les médecins et les parents, le Centre de référence épilepsies rares de l’hôpital Robert-Debré a mis sur son site une vidéo pour illustrer les manifestations de cette maladie. Les enfants concernés consultent en moyenne trois médecins avant que le diagnostic soit fait. Les parents comprennent rapidement que les spasmes de leurs enfants ne sont pas normaux, mais les soignants, eux, ne connaissent pas cette maladie rare. Il arrive parfois d’ailleurs que des familles fassent elles-mêmes le diagnostic, à partir de recherches sur Internet.

 

TLM : Qui pose aujourd’hui le diagnostic ?

Pr Stéphane Auvin : Tout soignant qui constate des spasmes doit soulever la question de ce diagnostic. Une évaluation complète sera faite par un neuropédiatre qui pourra confirmer le diagnostic avec l’enregistrement des spasmes épileptiques à l’EEG. L’EEG pourra également mettre en évidence un tracé anormal comme une hypsarythmie. Une fois le diagnostic posé, des examens complémentaires, comme l’IRM ou des tests génétiques, doivent être réalisés pour identifier l’origine de la maladie.

 

TLM : Quelles en sont les causes ?

Pr Stéphane Auvin : Les causes du syndrome des spasmes infantiles sont multiples. Il peut s’agir d’une anomalie de structure du cerveau, en particulier d’une malformation plus ou moins importante. Ce syndrome peut aussi être la conséquence d’une complication périnatale, comme des lésions cérébrales liées à la prématurité ou encore à un accident vasculaire cérébral néonatal. Il peut aussi être dû à une anomalie chromosomique comme la trisomie 21 ou plus rarement à un gène d’épilepsie précoce. Il ne s’agit pas d’une maladie héréditaire. Parfois la cause est génétique tout en étant responsable d’anomalie du cortex, comme c’est le cas dans la sclérose tubéreuse de Bourneville.

Dans la moitié des cas cependant, aucune étiologie n’est retrouvée.

 

TLM : Quelle est la prise en charge thérapeutique ?

Pr Stéphane Auvin : Dès le diagnostic, ces enfants doivent bénéficier d’un traitement, le plus tôt possible. Le vigabatrin et les corticoïdes sont les deux médicaments à administrer rapidement, soit en même temps, soit l’un après l’autre. Dans la moitié des cas, l’association vigabatrin et corticoïdes parvient à contrôler l’épilepsie. Le régime cétogène fait partie des stratégies ayant montré une efficacité en cas de résistance aux deux premiers médicaments. Mais les spasmes infantiles peuvent parfois être résistants à cette prise en charge. En cas de persistance des spasmes après la première ligne de traitement, il est nécessaire que l’enfant soit pris en charge dans un Centre de référence épilepsies rares et qu’il bénéficie au plus vite d’aides pour accompagner son développement psychomoteur.

 

TLM : Quel est le pronostic ?

Pr Stéphane Auvin : Plus le traitement est mis en place rapidement, moins les enfants risquent de présenter un retard de développement. Deux facteurs peuvent rendre le pronostic plus péjoratif : le retard dans la prise en charge et la cause de la maladie. Si le syndrome des spasmes infantiles est la conséquence d’une anomalie chromosomique ou génétique ou encore d’une malformation cérébrale, il n’est pas possible de les corriger. Mais la prise en charge précoce réduit l’impact de la maladie sur le plan cognitif et sur le risque d’épilepsie pharmaco-résistante. Si certains enfants guérissent, l’épilepsie peut parfois persister. De nombreux enfants présentent néanmoins des séquelles neurologiques (retard moteur, intellectuel, troubles du comportement), plus ou moins graves. Beaucoup risquent de développer une autre forme d’épilepsie en grandissant. Il est impossible de connaître à l’avance l’impact qu’aura la maladie sur chaque enfant. Certains pourront être scolarisés normalement ou avec une aide ponctuelle, tandis que d’autres devront bénéficier de prises en charge pluridisciplinaires en raison d’une atteinte cognitive et/ou motrice plus importante.

 

TLM : Comment améliorer le diagnostic précoce ?

Pr Stéphane Auvin : En pratique, quand des nourrissons présentent des mouvements anormaux en salves, à type de contractions/décontractions, le médecin doit demander aux parents de tourner une vidéo qu’il montrera au spécialiste. Actuellement une campagne présente sur Internet et intitulée « Stop aux spasmes infantiles » vise à apprendre aux parents à identifier ce syndrome.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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