• Pr Auvin : Le traitement n’empêche pas les crises chez tous les patients avec épilepsie

Stéphane Auvin

Discipline : Neurologie

Date : 13/10/2022


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Malgré un traitement, 20 à 30 % des patients avec épilepsie continuent à faire des crises, prévient le Pr Stéphane Auvin, neuropédiatre, responsable de l’équipe d’épilepsie de l’hôpital Robert-Debré à Paris, coauteur du Livre blanc de l’épilepsie publié fin novembre et qui remet en lumière cette maladie méconnue, tant du grand public que des soignants. Focus sur les épilepsies pharmaco-résistantes.

 

TLM : Vous avez contribué au Livre blanc de l’épilepsie qui sera présenté le 25 novembre prochain aux pouvoirs publics. Dans quel contexte ce livre blanc a-t-il été réalisé ?

Pr Stéphane Auvin : Bien qu’elle soit la seconde maladie neurologique en fréquence, l’épilepsie est extrêmement mal connue non seulement dans le grand public mais également chez les soignants.

La publication du Livre blanc vise à sensibiliser à cette pathologie sur laquelle de nombreuses idées fausses persistent. Il est vrai qu’il n’y a pas une forme d’épilepsie mais de très nombreuses formes et qu’il est difficile de communiquer sur cette maladie. Il y a quelques années un sondage Odoxa révélait que 9 % des Français pensaient que la maladie avait des origines surnaturelles !

 

TLM : Quelle a été votre contribution à ce travail ?

Pr Stéphane Auvin : Je suis intervenu sur la thématique « Épilepsie et scolarité ». Dans plus d’un cas sur deux l’épilepsie a des répercussions sur la scolarité. Soit du fait de l’absentéisme lié à la maladie, soit parce que l’épilepsie s’accompagne de troubles attentionnels ou de troubles spécifiques des apprentissages. Sans compter les restrictions injustifiées dans le quotidien de l’enfant (interdiction de sortie scolaire, de piscine, d’ordinateur…) qui peuvent l’isoler de ses camarades.

 

TLM : Certaines épilepsies sont dites « pharmaco-résistantes »…

Pr Stéphane Auvin : En effet, il existe des épilepsies qui persistent malgré la prise des traitements. Nous n’avons pas pour le moment de traitements qui soignent la maladie, mais la bonne prise des traitements peut contrôler la répétition des crises. D’ailleurs en anglais on ne parle plus de médicaments contre l’épilepsie (antiepileptic drugs) mais d’ anti-seizure medication. Cette notion est essentielle car elle nous rappelle l’importance d’une bonne observance : si on arrête le traitement ou si on ne le prend pas correctement, les crises réapparaîtront. En ce qui concerne les épilepsies pharmaco-résistantes, la ligne internationale contre l’épilepsie (ILAE, International League Against Epilepsy) les définit comme des épilepsies dans lesquelles les crises se poursuivent malgré deux traitements, adaptés, bien tolérés et utilisés à la bonne posologie. Environ 20 à 30% des épilepsies sont pharmaco-résistantes.

 

TLM : Sait-on pourquoi ?

Pr Stéphane Auvin : Quand un patient continue à faire des crises, il faut tout d’abord chercher à savoir si le traitement est adapté (il y a même des traitements qui aggravent certaines formes d’épilepsie !). Et, le cas échéant, changer de traitement. Si malgré tout les crises persistent, l’épilepsie est pharmacorésistante. Cela peut être dû à différents mécanismes. Tous ne sont pas élucidés. On sait notamment que beaucoup d’épilepsies génétiques le sont plus volontiers. De même, si des anomalies sont visibles à l’IRM du fait d’un défaut congénital ou d’un accident (cicatrice d’AVC…), la probabilité que l’épilepsie soit pharmaco-résistante est plus élevée.

 

TLM : Quelle est la place du généraliste dans la mise en place des traitements ?

Pr Stéphane Auvin : Une étude française montre que l’immense majorité des traitements sont initiés par le spécialiste (neurologue ou neuropédiatre). Le généraliste peut bien entendu renouveler les traitements. Il peut jouer un rôle essentiel en s’assurant de l’absence d’effets secondaires et en renforçant l’observance au traitement.

 

TLM : Comment accompagner les enfants avec une épilepsie pharmaco-résistante ?

Pr Stéphane Auvin : Il existe différentes approches de traitement pour les épilepsies pharmaco-résistantes. Si on est capable d’identifier le foyer épileptogène, le recours à la chirurgie, peut être une solution. C’est un des rares cas où l’on parvient véritablement à « guérir » l’épilepsie. Il existe également des techniques de neurostimulation (stimulation du nerf vague ou stimulation cérébrale centrale) qui peuvent améliorer un patient sur deux. Sans oublier le régime cétogène. Ce régime est issu de travaux montrant que le jeûne avait un impact positif sur la survenue des crises. Dès juillet 1921, Wilder publie une première étude sur trois patients. La moitié des patients sous régime cétogène voient la fréquence des crises réduite d’au moins 50%, ce qui est un résultat très intéressant pour des patients en échec de traitement ! Certains patients sont de très bons répondeurs, c’est le cas du syndrome des spasmes infantiles (anciennement syndrome de West), le syndrome de Dravet ou les épilepsies myoclonoatoniques.

 

TLM : Ce régime peut-il être mis en place en médecine de ville ?

Pr Stéphane Auvin : Le régime est instauré en hospitalisation sous contrôle médical et diététique. Il est indispensable qu’une équipe spécialisée et avec l’expérience de ce régime assure le suivi des patients. Si le régime est mal conduit, il peut être dangereux avec notamment un risque de dénutrition, des hypoglycémies, des troubles digestifs… Le régime cétogène est efficace mais contraignant dans le quotidien du patient et de sa famille. Il ne saurait être une « alternative bio pour soigner l’épilepsie ». Le généraliste peut avoir un rôle important de dépistage des conséquences nutritionnelles en cas de régime mal équilibré. Il a un rôle important de lien avec la famille, y compris quand des effets secondaires sont observés.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer-Latimier

L’épilepsie en chiffres

• 600 000 personnes sont touchées par une épilepsie en France, cela représente 1% de la population).

• La moitié sont des enfants.

• Seconde maladie neurologique en fréquence.

• Au moins 50 syndromes épileptiques recensés.

• Une épilepsie sur 3 est résistante aux médicaments.

Source : INSERM

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