• Pr Aurel Messas : Cancer de la prostate : Les espoirs du traitement par HIFU

Aurel Messas

Discipline : Uro-Néphrologie

Date : 10/01/2024


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Evalué actuellement dans des essais cliniques et des études, le traitement du cancer de la prostate par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) devrait fournir des résultats prometteurs.

Le Pr Aurel Messas, chirurgien urologue à Paris et pionnier européen de la chirurgie mini-invasive dans le traitement de divers cancers, présente cette technique.

 

TLM : A quel âge doit-on proposer un dépistage du cancer de la prostate ?

Pr Aurel Messas : Il est important d’en parler entre 50 et 75 ans. Il n’est pas utile de le faire auparavant car le principal facteur de risque de ce cancer est l’âge — 65 ans en moyenne au diagnostic. Il est également inutile de le faire après car, le cancer de la prostate évoluant lentement, il ne risque pas d’abréger la vie des patients s’il est découvert après 75 ans. En outre, traiter cette tumeur à un âge avancé ne va pas rallonger la durée de vie des malades mais risque, en revanche, d’altérer considérablement leur qualité de vie.

Toutefois il faut débuter le dépistage à 45 ans pour les patients ayant un facteur de risque familial ou ethnique (africains et antillais).

 

TLM : Le dépistage de ce cancer repose-t-il toujours sur le dosage du taux de PSA associé à un toucher rectal ?

Pr Aurel Messas : Oui, même si le dosage du taux de PSA a un temps été décrié et remis en cause. Les connaissances ont beaucoup progressé depuis ; les médecins ont appris que les cancers de la prostate sont très hétérogènes, avec des formes latentes et d’autres très agressives, et les pratiques ont évolué en parallèle. Grâce aux progrès réalisés dans l’IRM, on dispose d’outils qui permettent d’identifier avec précision les patients qui doivent être traités et ceux pour lesquels ce n’est pas utile — environ 30 % des patients.

 

TLM : Quels sont les traitements de référence pour ce cancer ?

Pr Aurel Messas : Les gold standards restent la prostatectomie totale par chirurgie et la radiothérapie. Mais de plus en plus d’études sur le traitement par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) font état de résultats prometteurs.

 

TLM : En quoi consiste ce traitement ?

Pr Aurel Messas : Il s’agit d’une technique innovante mini-invasive qui consiste à détruire les cellules tumorales de la prostate par effet thermique à l’aide d’un faisceau d’ultrasons de haute intensité. Ces derniers sont focalisés sur la tumeur maligne de la prostate, ils se concentrent exclusivement sur la zone de la glande affectée. Le traitement par HIFU nécessite un guidage par imagerie comme l’IRM pour localiser la tumeur de manière précise et évaluer l’efficacité du traitement.

 

TLM : Pouvez-vous expliquer son principe ?

Pr Aurel Messas : Les ultrasons d’énergie élevée sont émis par une sonde d’échographie introduite dans le rectum du patient. Les ultrasons se focalisent à travers la paroi du rectum vers la zone à traiter. Le faisceau d’ultrasons est émis sous forme d’impulsions (ou tirs). Chaque impulsion ultrasonore détruit sélectivement une petite zone de tissu de la prostate. Cette destruction se fait grâce à une élévation brutale de la température dans la zone traitée, provoquant une destruction définitive des tissus visés.

 

TLM : Concrètement, comment se déroule l’intervention ?

Pr Aurel Messas : L’intervention est réalisée sous anesthésie générale au cours d’une hospitalisation de courte durée, le plus souvent en ambulatoire. Le patient endormi est allongé sur le côté et le praticien lui introduit la sonde endorectale. Celle-ci va permettre de déterminer le volume de la prostate et de préciser sa position. Grâce aux techniques de fusion d’images, les clichés obtenus préalablement à l’IRM (qui permettent de voir l’intérieur de la prostate), ainsi que les images de biopsie, sont fusionnés avec les images obtenues par échographie, ce qui permet d’obtenir une carte d’identité en 3D de la prostate et de visualiser l’emplacement exact des zones malades.

 

TLM : À quels patients s’adresse cette approche ?

Pr Aurel Messas : Contrairement aux Etats-Unis où elle a été approuvée en 2015, elle n’est pas encore recommandée en France par manque de recul sur ses effets à long terme ; elle est donc uniquement proposée dans le cadre d’essais cliniques ou dans le cadre d’études prospectives dont les données sont partagées dans un registre centralisé coordonné par l’Association française d’urologie. Seuls les hommes atteints d’un cancer de la prostate de faible risque ou de risque intermédiaire sont éligibles à ce traitement, dont le choix repose, selon la Haute Autorité de santé, sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et les patients.

 

TLM : Quels avantages présente ce traitement ?

Pr Aurel Messas : Cette approche est particulièrement intéressante pour les hommes âgés qui nécessitent un traitement et qui, compte tenu de leur âge, ne sont pas concernés par d’éventuels effets à long terme ; et pour les plus jeunes qui redoutent les effets indésirables des autres traitements — en particulier les risques d’incontinence urinaire et de dysfonction érectile. Comparée à la chirurgie, le traitement par HIFU réduit le risque d’incontinence (40 % des patients opérés par chirurgie sont continents après l’intervention, contre 82 % après le traitement par HIFU) et offre la possibilité de prendre en charge des patients plus lourds car les risques opératoires sont moins importants ; et c’est un traitement beaucoup plus court et confortable que la radiothérapie puisqu’il ne nécessite qu’une session d’une à deux heures maximum, contre cinq séances de radiothérapie par semaine pendant sept semaines. Enfin, le traitement par HIFU n’entraîne aucune perte de chance puisque, si la surveillance est bien faite, elle ne barre pas la route aux autres traitements qui peuvent être réalisés si nécessaire.

 

TLM : Et quels sont ses inconvénients ?

Pr Aurel Messas : Il n’est pas indiqué pour les formes agressives. Par ailleurs, il est moins performant pour traiter les lésions situées dans la zone antérieure de la prostate et déconseillé pour traiter celles à proximité de l’apex prostatique, trop proches du sphincter.

 

TLM : Quel est le suivi après un traitement par HIFU ?

Pr Aurel Messas : Après un traitement par HIFU, les patients bénéficient d’un suivi régulier pendant dix ans pour évaluer l’efficacité du traitement et repérer au plus vite le moindre signe de récidive. Ce suivi implique des bilans sanguins avec un dosage du PSA à trois mois puis tous les six mois à un an, des examens d’imagerie médicale : l’IRM, et des biopsies de la prostate.

On réalise habituellement des biopsies de contrôle à un an du traitement. En cas de récidive, une seconde séance peut être réalisée ou un traitement par radiothérapie.

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

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