• Pr ASSELAH : Le médecin généraliste est au centre du dépistage de l’hépatite C

Tarik ASSELAH

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 10/01/2022


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Au nombre d’environ 100 000 en France, les personnes porteuses du virus de l’hépatite C et non dépistées placent le médecin traitant au centre du dispositif, croit le Pr Tarik Asselah, professeur en Médecine et chef d’équipe Inserm (service d’Hépatologie de l’hôpital Beaujon, Clichy). C’est le médecin généraliste qui initie la prise en charge et propose le traitement par des antiviraux d’action directe pour les patients testés positifs.

 

TLM : Comment améliorer le dépistage de l’hépatite C en France ?

Pr Tarik Asselah : L’épidémie de Covid 19 a perturbé sans aucun doute le dépistage de l’hépatite C. Mais si nous y mettons les moyens, nous pouvons rattraper ce retard. Des campagnes dynamiques de dépistage de l’hépatite C, mais aussi de l’hépatite B et du VIH, doivent être relancées. Certaines avaient été prévues mais ont été interrompues en raison de l’épidémie. Elles ont pourtant le soutien des centres de référence, des experts, des médecins, pour faire connaître l’importance du dépistage, pour repérer, traiter et guérir les personnes porteuses de ce virus. Nous avons besoin de campagnes médiatiques dirigées vers le grand public, les professionnels de santé et les généralistes. Je rappelle que les objectifs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2025 sont une diminution de 65 % du taux de mortalité lié à l’hépatite C dans le monde et une diminution de 80 % du nombre de nouvelles contaminations. La France n’était pas loin d’atteindre ces objectifs avant l’émergence de la pandémie liée au Covid-19. Nous faisons partie des pays qui sont en bonne voie pour parvenir à réduire considérablement le nombre de décès liés au virus de l’hépatite C (VHC), ainsi que le nombre de nouvelles contaminations. L’élimination de l’hépatite C en France pourrait être envisagée pour 2030.

 

TLM : Quelle est la place du médecin généraliste dans ce dépistage ?

Pr Tarik Asselah : Elle est très importante. Le médecin généraliste est proche de ses patients. Il les connaît bien et sait identifier ceux qui sont à risque. Il est donc au centre de ce dépistage. Il peut aussi initier le traitement par des antiviraux d’action directe pour les patients testés positifs pour l’hépatite C. Aujourd’hui le dépistage cible les personnes les plus à risque, en particulier les usagers de drogues par voie intraveineuse, les personnes ayant été transfusées avant 1992, celles ayant été sous hémodialyse, ayant eu une intervention chirurgicale avant 1992, ou encore les patients ayant des tatouages ou des piercings. Enfin, les personnes ayant des rapports sexuels non protégés avec de multiples partenaires sont également à risque. Certaines sociétés savantes ont recommandé de pratiquer systématiquement, pour tous, un dépistage universel de l’hépatite C, de l’hépatite B, et du VIH, au moins une fois dans la vie.

 

TLM : En pratique, comment réaliser le dépistage de l’hépatite C ?

Pr Tarik Asselah : C’est très simple. Il suffit de prescrire une sérologie de l’hépatite C (recherche des anticorps dirigée contre le VHC). Si la sérologie est positive, une PCR à la recherche de l’ARN viral est effectuée pour savoir si le virus est toujours actif ou si les anticorps détectés ne sont que le signe d’une infection ancienne. Dans deux tiers des cas, cette PCR est positive et un traitement doit être mis en œuvre. Dans un tiers des cas, la PCR est négative. La présence d’anticorps signifie alors que le patient a eu une infection dans le passé, guérie spontanément. L’infection par le VHC est en général asymptomatique. D’où l’importance d’un dépistage systématique ciblé. Les quelques symptômes que l’on pourrait attribuer à ce virus, en particulier fatigue et douleurs articulaires, ne sont absolument pas spécifiques et ne permettent pas de guider le dépistage.

 

TLM : Le médecin généraliste peut-il mettre en route le traitement ?

Pr Tarik Asselah : Les traitements se sont beaucoup simplifiés. Et les médecins formés à la prise en charge de l’hépatite C peuvent très bien traiter et suivre les patients. Mais le patient atteint d’hépatite C peut aussi être adressé à un hépato-gastroentérologue, à un infectiologue ou à un interniste. Une fois le diagnostic posé, le traitement peut être institué immédiatement avec les antiviraux d’action directe, en particulier pour les malades en situation de précarité qui risquent de sortir du parcours de soin. Cependant, il est recommandé, avant de débuter le traitement, d’évaluer le degré de fibrose hépatique par des tests sanguins : Fibrotest, Fibromètre, FIB-4, APRI, ou par la réalisation d’un Fibroscan, appareil qui mesure l’élasticité du foie en KPa. Le schéma thérapeutique est simple, soit un comprimé par jour pendant 12 semaines, soit trois comprimés par jour pendant huit semaines. Avant la mise en route du traitement, il faut vérifier l’absence d’interactions médicamenteuses, en particulier avec l’Amiodarone et les médicaments anti-épileptiques. Des sites internet spécialisés (www.hep-druginteractions.org, par exemple) offrent la liste de toutes les interactions médicamenteuses à risque. En cas de doute, il est toujours possible de solliciter l’avis d’un collègue pharmacien. Ces médicaments sont très bien tolérés et les effets secondaires rares.

 

TLM : Ces traitements sont-ils vraiment très efficaces ?

Pr Tarik Asselah : Un test PCR 12 semaines après la fin du traitement permet de vérifier la disparition du virus. Plus de 98 % des patients traités sont totalement guéris. Près de 2 % des patients restent encore porteurs du virus. Pour la moitié d’entre eux, les enquêtes ont montré qu’ils n’avaient pas suivi leur traitement correctement (défaut d’observance). Pour l’autre moitié, il s’agit de cas rares de résistance aux médicaments. Une deuxième ligne de traitement est disponible, efficace là encore dans 90 % des cas. Nous avons aujourd’hui toutes les solutions thérapeutiques pour guérir les patients atteints d’hépatite C. Une fois les patients traités, le risque de développer une cirrhose ou un cancer du foie décroît rapidement. Il reste donc juste à faire un grand effort dans le dépistage. Il y aurait en France environ 100 000 personnes porteuses du virus de l’hépatite C ; 75 000 d’entre elles l’ignorent et 25 000 le savent mais ne sont pas rentrées dans la filière de soin. D’où l’importance d’un dépistage massif. Plus de 100 000 personnes souffrant d’hépatite C ont été traitées et guéries au cours des dix dernières années. Avec des effets positifs nettement perceptibles, et notamment une diminution très nette des transplantations hépatiques pour cirrhose décompensée et/ou carcinome hépato-cellulaire compliquant une hépatite C en France. Nous sommes sur la bonne voie, même s’il reste encore beaucoup à faire en matière de dépistage.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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