• Pr Arnaud Constantin : De la bonne prescription des biosimilaires dans la PR

Arnaud Constantin

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 18/04/2023


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Bien acceptés par les médecins et les patients dans la polyarthrite rhumatoïde, les biosimilaires ne sont plus un sujet de débat, estime le Pr Arnaud Constantin*, chef du service deRhumatologie à l’hôpital Pierre-Paul-Riquet de Toulouse.

Il faut expliquer au patient qu’ils sont comparables en efficacité et en tolérance au médicament de référence…

 

TLM : Dans quel contexte le rhumatologue est-il amené à prescrire des biosimilaires à un patient souffrant d’une polyarthrite rhumatoïde ?

Pr Arnaud Constantin : Il faut remettre cette prescription dans le contexte de la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde par le rhumatologue, le médecin généraliste, l’infirmière, le kinésithérapeute… L’objectif est d’abord de diagnostiquer et de traiter la polyarthrite le plus tôt possible pour réduire le risque de séquelles. Ce diagnostic repose sur l’inflammation des articulations périphériques, sur des signes biologiques d’inflammation et sur la présence —chez 8 patients sur 10 — de facteurs rhumatoïdes et/ou d’anticorps anti-peptides citrullinés. Une échographie des articulations par le rhumatologue complète souvent ce bilan initial. A partir du moment où le diagnostic est confirmé, le traitement de fond doit être débuté le plus rapidement possible. Il est impératif d’annoncer au patient qu’il souffre d’une polyarthrite rhumatoïde, que ce n’est pas grave car il existe des traitements efficaces dans 90 % des cas. Il faut lui dire aussi que l’objectif thérapeutique recherché est qu’il ait une vie normale, sans douleur, sans retentissement professionnel ou personnel. Ensuite nous discutons des options thérapeutiques pour contrôler la maladie.

 

TLM : Avec quelle molécule initier le traitement ?

Pr Arnaud Constantin : Le premier médicament dans la polyarthrite rhumatoïde, c’est le méthotrexate. Par voie orale ou par voie sous-cutanée selon le souhait du patient.

En sachant que la voie sous-cutanée permet d’en optimiser l’efficacité et d’éduquer les patients à l’auto-injection, car la deuxième ligne de traitement contre la polyarthrite rhumatoïde, lorsqu’elle est nécessaire, implique le plus souvent une biothérapie par voie sous-cutanée. Les doses de méthotrexate sont augmentées progressivement pour atteindre 15 à 20 milligrammes par semaine. L’efficacité du traitement est évaluée au bout de trois mois. La moitié des patients répondent bien au méthotrexate. L’objectif demeure la rémission de l’inflammation clinique et biologique, l’absence de douleurs, de gonflements articulaires et une CRP normale. Si ces objectifs ne sont pas atteints, si le patient n’est pas en rémission, les traitements biologiques seront le plus souvent la deuxième ligne de traitement.

 

TLM : Comment initier ces traitements biologiques ?

Pr Arnaud Constantin : Les anti-TNF alpha sont le plus souvent prescrits pour commencer en raison de leur antériorité et de l’existence de biosimilaires, parfois aussi les anti-IL6R, le tocilizumab et le sarilumab, ou encore d’autres traitements ciblés dirigés contre les lymphocytes T comme l’abatacept. Les biothérapies se prescrivent habituellement en association avec le méthotrexate. Il existe encore d’autres traitements ciblés comme le rituximab dirigés contre les lymphocytes B ou les inhibiteurs de JAK, ces derniers ayant récemment fait l’objet de recommandations de l’Agence européenne du médicament qui restreignent leur utilisation chez certains patients. Le traitement est choisi en fonction des habitudes du rhumatologue et en fonction du patient, de son terrain, de ses comorbidités. À partir du moment où l’on prescrit une biothérapie à base d’anti-TNF alpha, un biosimilaire peut être utilisé —notamment l’infliximab, l’étanercept ou l’adalimumab. Des biosimilaires d’un des anti-IL6R, le tocilizumab, sont en cours de développement.

 

TLM : Comment prescrire un biosimilaire ?

Pr Arnaud Constantin : Pour un patient n’ayant encore reçu aucun traitement de fond ciblé pour sa PR, et pour lequel nous décidons de prescrire une biothérapie à base d’antiTNF alpha, le biosimilaire est le premier choix. Nous expliquons au patient qu’il s’agit de biomédicaments dont l’efficacité, la qualité et la sécurité sont comparables au biomédicament de référence.

Avec un avantage important : il coûte 20 à 30% de moins. Nous échangeons avec le patient sur les bénéfices et les risques des anti-TNF alpha. Les risques sont faibles, les bénéfices importants. Il faut, avant la prescription, s’assurer que le patient est à jour de ses vaccins, faire un test de dépistage de la tuberculose latente.

Pour les patients naïfs, la prescription d’un biosimilaire n’est pas un problème.

Il n’est même pas nécessaire de rentrer dans un long débat sur ce sujet.

 

TLM : Et comment faire le switch biothérapie/biosimilaire ?

Pr Arnaud Constantin : Lorsqu’un patient est déjà sous biothérapie, en particulier sous anti-TNF alpha, avec un biomédicament de référence, nous pouvons lui proposer un switch, c’est-à-dire le remplacement par son biosimilaire, en lui expliquant que l’objectif de ce changement est avant tout économique. Mais cela doit être effectué dans le cadre d’une décision partagée. Nous expliquons que nous allons remplacer l’anti-TNF alpha par un biosimilaire, que le profil d’efficacité et de tolérance des deux médicaments est comparable, que cela n’aura pas d’impact pour lui. Et qu’il sera toujours possible de revenir en arrière, s’il le souhaite. Que la fréquence des injections reste la même, la dose également et qu’il n’y a que le matériel d’injection et le nom du médicament qui changent. En général, 9 patients sur 10 acceptent ce switch. Pour les réticents, nous proposons de garder le médicament de référence jusqu’à la consultation suivante et leur demandons en attendant d’y réfléchir.

 

TLM : Comment expliquer au patient la similarité entre le médicament de référence et son biosimilaire ?

Pr Arnaud Constantin : En pointant le fait que si le plan de développement des biosimilaires est un peu allégé par rapport à celui des médicaments de référence, les laboratoires ont mené des études d’équivalence de qualité, d’efficacité clinique et de tolérance. Il faut leur dire que la plupart des essais avec les biosimilaires ont été faits dans le cadre de la polyarthrite rhumatoïde. Nous disposons donc de beaucoup d’études montrant l’équivalence des biosimilaires et des médicaments de référence dans cette maladie. Il y a même eu des études à l’échelon d’un pays entier : pour des raisons d’économies, les pouvoirs publics au Danemark ont décidé, pour tous les patients traités par anti-TNF, de les faire tous switcher vers le biosimilaire de leur anti-TNF lorsqu’il existait.

Le registre DANBIO a ainsi permis de montrer que, à long terme, 85% des patients ont gardé le biosimilaire, 15% ayant préféré revenir au biomédicament de référence. Aujourd’hui, les biosimilaires sont bien acceptés, par les médecins et les patients. Ce n’est plus un sujet de débat.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

* Liens d’intérêt Pr Arnaud Constantin : Activités de conseil ou invitations en qualité d’intervenant : Abbvie, Amgen, Biogen, BMS, Boehringer, Celltrion, Fresenius Kabi, Galapagos, Janssen, Lilly, Medac, MSD, Novartis, Pfizer, Roche, Sanofi, Sandoz, UCB, Viatris.

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