• Pr Anne Vambergue : Quelle insulinothérapie dans le diabète de type1 ?

Anne Vambergue

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 23/10/2023


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« Le schéma thérapeutique et la durée d’action de l’insuline basale doivent être discutés avec le patient », préconise le Pr Anne Vambergue, service Endocrinologie, Diabétologie, Maladies métaboliques et Nutrition, au CHU de Lille.

 

TLM : En France, le DT1 est-il en progression ?

Pr Anne Vambergue : La moitié des cas se déclarent chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte jeune. Les dernières données de Santé publique France ont montré une augmentation d’environ 4% par an du DT1 chez le sujet jeune. Le taux d’incidence national était de 18 % pour 100 000 sur la période 2013-2015. Il est actuellement de 19,5 %. En la matière il existe des variations régionales : l’Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Martinique présentent les taux d’incidence les plus élevés ; les Pays de la Loire, la Normandie, la Nouvelle Aquitaine, la Guyane, la Guadeloupe et la Réunion ont les taux les plus faibles.

 

TLM : Comment s’expliquent ces disparités ?

Pr Anne Vambergue : En Europe, un gradient nord-sud théorique est caractérisé par une prévalence plus élevée au nord mais nous n’en avons pas vraiment l’explication. En effet, nous savons qu’il existe une hérédité génétique avec des allèles à risque de susceptibilité pour le DT1. Cependant, nous ne connaissons pas exactement le facteur de l’environnement déclenchant le processus de maladies auto-immunes.

Certaines études évoquent des facteurs tels que le lait de vache mais les dernières données les plus sérieuses incriminent les virus Coxsackie B4.

Existe-t-il un retard au diagnostic u C’est un point effectivement très important. Il faut vraiment penser au DT1, notamment chez l’adolescent ou le sujet jeune, en cas d’asthénie, de syndrome polyuropolydipsique, de polyphagie et d’amaigrissement. Ce sont les signes cardinaux. Il faut y penser également chez l’enfant faisant pipi au lit et chez le bébé ayant des couches toujours pleines. Or, pour 30 à 40% des patients, le diagnostic inaugural est posé au stade de l’acidocétose. Cette complication peut conduire au coma acidocétosique. C’est une urgence diagnostique ! La glycémie veineuse (ou capillaire, si le médecin est à son cabinet) confirme le diagnostic. Le DT1 survient chez l’adolescent, principalement autour de 12 à 14 ans. L’annonce du diagnostic peut être compliquée chez ces jeunes patients car souvent aucune autre personne de la famille n’est DT1. Nous savons que moins de 20% d’entre eux atteignent l’objectif glycémique et près d’un tiers font des hypoglycémies sévères.

 

TLM : Quel schéma d’insulinothérapie mettre en place ?

Pr Anne Vambergue : Au moment de la découverte d’un DT1, la stratégie thérapeutique consiste à commencer par les injections. Ce n’est que plus tard, au moins six mois après la découverte de la maladie, qu’un traitement par pompe souscutanée d’insuline peut être envisagé. L’insulinothérapie imite la sécrétion physiologique d’insuline. Elle est définitive. Globalement, le schéma comporte une insuline basale et des insulines rapides, voire ultra-rapides. L’insuline basale peut être soit (ultra) prolongée (durée d’action de 24 heures ou un peu plus) avec une injection quotidienne pouvant s’effectuer le plus souvent le soir avant le coucher mais aussi le matin, soit à action intermédiaire (durée de 12 heures) avec une injection biquotidienne le matin et le soir.

Pour contrôler l’hyperglycémie postprandiale s’ajoutent des insulines rapides ou ultra-rapides pour une prise avant chaque repas (matin, midi et soir).

 

TLM : Quelle insuline basale choisir en fonction du profil du patient ?

Pr Anne Vambergue : Le schéma thérapeutique et la durée d’action de l’insuline basale doivent être discutés avec le patient. Pour limiter le nombre d’injections, l’insuline basale de longue durée d’action est privilégiée. Son profil est plus proche de l’insuline humaine et des conditions physiologiques normales en mimant la sécrétion continue d’insuline par les cellules β du pancréas endocrine au cours des périodes interprandiales et nocturnes. Il s’agit également de choisir des insulines avec le moins de risques d’hypoglycémie.

 

TLM : Quelle est la prise en charge préconisée pour les patients obèses ou en surcharge pondérale ?

Pr Anne Vambergue : Avant, le sujet « mince » était classé DT1 et le sujet avec surcharge pondérale ou obèse DT2. Actuellement, ce n’est plus le cas car la prévalence du surpoids et de l’obésité augmente également de plus en plus dans les populations DT1. Pour ces patients, l’insulinothérapie reste le traitement de référence mais nous sommes parfois amenés à proposer, en association, des traitements agissant contre la résistance à l’insuline (comme la metformine).

 

TLM : Quelles sont les dernières actualités dans le DT1 ?

Pr Anne Vambergue : Nous souhaiterions pouvoir prévenir le DT1 car, très souvent, le patient est diagnostiqué au stade de diabète avéré. Dans l’histoire naturelle du DT1, le stade antérieur, le prédiabète, présente une auto-immunité asymptomatique. Ces patients ont une susceptibilité génétique et le pré-diagnostic du diabète peut être établi. Il comporte deux stades. Le stade 1 correspond à la présence d’allèles de susceptibilité et à la sécrétion d’auto-anticorps dirigés contre les cellules β des îlots de Langerhans. Au moins deux anticorps (anti-GAD, anti-IA-2, anti-îlots de Langerhans et anti-insuline) doivent être détectés. Le stade 2 se définit par l’ajout d’une dysglycémie.

Enfin, le stade 3 se caractérise par l’hyperglycémie. Aux États-Unis, une étude clinique publiée récemment dans le New England Journal of Medicine a montré que l’apparition du diabète pouvait être retardée grâce à des anticorps monoclonaux humanisés anti-CD3 (teplizumab). Ces traitements, testés chez des adultes et des enfants (> 8 ans) atteints de DT1 au stade 2, a été approuvé par la FDA (Food & Drug Administration) en novembre 2022. C’est une piste extrêmement intéressante. À Lille, nous avons un centre de dépistage du prédiabète et suivons, depuis plus de 20 ans, des cohortes prospectives d’enfants d’apparentés de DT1. Peut-être pourrons-nous bientôt proposer ce programme de recherche à ces familles qui ont un enfant ayant ces anticorps afin de retarder l’apparition du diabète.

Propos recueillis

par Alexandra Van der Borgh

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