• Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : Bénéfices de l’activité physique dans l’asthme sévère

Anh Tuan Dinh-Xuan

Discipline : Pneumologie

Date : 08/01/2025


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De nombreuses études l’attestent : la pratique d’une activité physique chez les patients asthmatiques sévères renforce la capacité respiratoire autant que la fonction cardiovasculaire.

Et c’est la qualité de vie qui s’en trouve améliorée, note le Pr Anh Tuan Dinh-Xuan, physiologiste respiratoire, chef du service de Physiologie-Explorations fonctionnelles de l’hôpital Cochin, à Paris.

 

TLM : Comment la pratique d’une activité physique est-elle perçue par les asthmatiques sévères ?

Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : Souvent comme un défi, parfois même comme une source d’angoisse. De très nombreux patients considèrent leur maladie comme un handicap à la pratique sportive. La principale raison est d’ordre psychologique, ils se disent : « Je risque d’aggraver mon essoufflement en faisant des efforts physiques »… Lorsque l’on interroge des patients asthmatiques, 20 % éprouvent une aversion pour l’exercice physique. On passe à 40 % chez les asthmatiques sévères, qui sautent au plafond dès que l’on évoque ce sujet !

 

TLM : Quelles sont les conséquences d’une inactivité physique chez ce type de patients ?

Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : C’est un cercle vicieux. La sédentarité dégrade la fonction respiratoire, donc la condition physique, dans la mesure où l’inflammation systémique de bas grade associée à l’absence d’activités physique perdurera. A prendre en compte également le phénomène dit du déconditionnement : lorsqu’on ne fait pas ou plus d’exercice, on gère moins bien l’adéquation entre la perception de l’effort et la sensation de l’essoufflement ou dyspnée. Résultat : les patients redoutent l’effort, par peur d’aggraver leur maladie. Ils sortent moins de chez eux, s’isolent socialement et perdent confiance en eux. Leur état physique est progressivement altéré et leur qualité de vie durablement impactée.

 

TLM : Quand on parle d’exercice physique pour les asthmatiques sévères, de quel type d’activité s’agit-il ?

Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : D’abord, toute activité physique est bénéfique. La marche est la pratique la plus simple et la moins onéreuse pour une personne qui n’est pas sportive. Une étude publiée récemment, incluant plus de 400 patients souffrant d’asthme modéré à sévère et sous traitement médicamenteux, a analysé l’impact de l’activité physique et du comportement sédentaire (travail sur écran, fauteuil devant la télévision, lecture). Les résultats ont montré que les participants marchant plus de 7 500 pas par jour présentaient un meilleur contrôle de l’asthme, et cela indépendamment du nombre d’heures d’inactivité.

 

TLM : Quels sont les autres sports recommandés et à quelle dose ?

 

TLM :

Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : Il n’existe pas de consensus pour conseiller un sport plutôt qu’un autre. Faute de données précises, les experts du GINA (Global Initiative for Asthma) incitent fortement les patients à pratiquer une activité physique régulière, sans pour autant préciser ni le type ni le volume des efforts à fournir. Mais on peut supposer que tous les sports nécessitant une ventilation modérée peuvent être bénéfiques. On peut plébisciter la marche rapide, la natation, le vélo, les sports d’équipes, le sport en salle. Le plus important, c’est de pratiquer, très régulièrement, au quotidien, une activité physique ludique que l’on aime.Quels sont les bienfaits de l’activité physique sur l’asthme sévère ?

Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : Nous avons évoqué un cercle vicieux ! Parlons, à présent, de cercle vertueux. En effet, une fois que le patient entre dans un programme d’activité physique modérée et régulière, son asthme sera mieux contrôlé avec moins d’essoufflements, d’oppressions thoraciques, de recours à un aérosol et globalement moins d’exacerbations. Le fait de pratiquer une activité physique régulière améliorera également les échanges gazeux en recrutant davantage de zones alvéolaires ventilées et perfusées aboutissant ainsi à une meilleure oxygénation de tous les organes, du cerveau jusqu’aux muscles de l’appareil locomoteur. Cela est primordial pour un asthmatique dont la maladie a des répercussions sur l’ensemble de ses organes et pas uniquement sur ses poumons. Sa capacité respiratoire mais aussi sa fonction cardiovasculaire en sortiront renforcées. Et c’est toute la qualité de vie qui est améliorée (sommeil, sorties, possibilités de pratiquer des activités socio-culturelles, etc.).

 

TLM : La pratique régulière de l’exercice physique pourrait-elle permettre une réduction des traitements médicamenteux ?

Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : On ne le sait pas car nous ne disposons pas d’études pour l’instant. Idéalement il faudrait que l’exercice physique fasse partie de la stratégie non pharmacologique de la prise en charge. Si l’on considère l’inactivité comme un facteur aggravant, l’exercice physique devient alors une approche thérapeutique proactive de la part du patient et c’est probablement l’un des leviers sur lesquels nous autres médecins avons la plus grande chance de réussite.

Mon point de vue est le suivant : lorsque l’on prescrit une biothérapie à un patient asthmatique sévère, cela fonctionne heureusement très souvent, mais nous sommes incapables de dire à l’avance chez tel ou tel patient si cela va marcher à coup sûr et pendant combien de temps. Concernant l’exercice physique, toutes les études s’accordent pour dire que cela marchera toujours, même si l’efficacité peut être plus ou moins importante selon le profil du patient, qui dépend du stade et de la sévérité de l’asthme ainsi que l’existence ou non de comorbidités. Quoi qu’il en soit, l’exercice physique est un outil thérapeutique à notre disposition, professionnels de santé comme malades, qui a démontré son efficacité. On attend maintenant des études cliniques à plus grande échelle qui nous permettront d’affiner nos préconisations.

 

TLM : Qui peut prescrire ce sport sur ordonnance ?

Pr Anh Tuan Dinh-Xuan : Il y a plusieurs types d’exercices : lors d’une activité physique volontaire, nul besoin d’une prescription pour marcher, à son rythme, ses 7 500 pas quotidiens. Pour une activité physique supervisée, le patient peut faire appel à un coach sportif qui bâtit avec lui un programme. Pour une activité physique adaptée, il y a nécessité d’avoir recours à un kinésithérapeute, à un ergothérapeute ou à un psychomotricien. Autre outil à notre disposition, la réhabilitation pulmonaire (RP). Il s’agit d’un programme de prise en charge globale incluant l’exercice physique, l’éducation thérapeutique et un soutien psychosocial. Cette réadaptation respiratoire ne peut être prescrite que par un médecin, généraliste ou spécialiste.

Propos recueillis

par Odile Pouget

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