• Pr Alfred Penfornis : De l’initiation d’une insulinothérapie à l’autosurveillance glycémiq

Alfred Penfornis

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 10/01/2024


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Maladie complexe et évolutive, le diabète de type 2 (DT2) exige des ajustements thérapeutiques progressifs qui aboutissent, dans bien des cas, à une insulinothérapie. Son instauration est souvent mal vécue et source de réticence de la part du patient. Les explications du Pr Alfred Penfornis, diabétologue au Centre hospitalier Sud Francilien de Corbeil-Essonnes.

 

TLM : En quoi l’initiation d’un traitement par insuline est-elle complexe ?

Pr Alfred Penfornis : Comme je le dis très souvent, l’initiation d’une insulinothérapie n’a pas d’équivalent thérapeutique qui engage autant de croyances et de représentations autour d’un traitement. Et ce tant de la part des professionnels de santé que des patients. C’est la raison pour laquelle elle appelle une préparation minutieuse. Enseigner le geste de se piquer soi-même nécessite rigueur et pédagogie. Il s’agit d’une étape cruciale pour les patients. On leur demande non seulement de pratiquer eux-mêmes les injections, mais de surcroît d’adapter leur traitement au gré de leurs résultats. On ne voit cela que dans l’insulinothérapie !

Même si on assiste peu à peu à une démocratisation de la pratique dans le temps, elle reste complexe. L’expérience de terrain révèle qu’il existe une grande inertie clinique et que le passage à l’insuline est très souvent retardé pour de multiples raisons inhérentes au patient, mais aussi au médecin. Trop de patients DT2 débutent une insulinothérapie alors qu’ils ont un taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) déjà bien élevé (en moyenne aux alentours de 9 % au lieu de 7 % ).

 

TLM : Selon vous, quelle est la marche à suivre pour débuter et mener à bien une insulinothérapie ?

Pr Alfred Penfornis : Le passage à un traitement avec insuline pour les DT2 reste une épreuve assez bouleversante. Il faut donc en parler tôt avec le patient dans l’histoire naturelle de la maladie et présenter l’insuline comme une étape ultime du traitement car elle n’est pas dénuée de contrainte. La mise en exergue du côté positif de ce traitement est à mon sens essentielle ; heureusement que ce traitement existe, il représente une solution et constitue finalement une grande chance. De manière générale, lorsqu’un patient présente un diabète déséquilibré malgré la mise en place des règles hygiéno-diététiques communes (alimentation, perte de poids, activité physique, etc.), il faudra commencer à le préparer. Les patients ont généralement besoin de temps pour maturer les choses. On peut également leur proposer de rencontrer d’autres patients qui en sont passés par là. D’expérience, ces derniers font état de retours très positifs et sont très convaincants.

 

TLM : Quelles sont les recommandations actuelles pour la mise sous insuline ?

Pr Alfred Penfornis : La Société francophone du diabète (SFD) préconise le passage à l’insuline lorsque le taux d’HbA1c est globalement supérieur à 7 %, mais il peut différer au cas par cas. En effet, le choix entre les différents types d’insulines et les différents schémas de traitement doit tenir compte du profil glycémique du patient mais aussi de son mode de vie et de ses préférences en termes de capacité d’adhérence au traitement et de flexibilité, notamment. Par ailleurs, le dosage de la glycémie ne présente plus aucun intérêt une fois que le diagnostic a été posé, sauf cas très particuliers. Pourtant, on voit encore beaucoup de médecins généralistes prescrire des glycémies à jeun à leurs patients diabétiques. En pratique, ces patients doivent recourir à l’autosurveillance glycémique.

 

TLM : En quoi consiste cette autosurveillance glycémique et quels en sont les bénéfices ?

Pr Alfred Penfornis : Chez des patients traités par insulinothérapie intensifiée et réalisée par le patient lui-même, l’autosurveillance glycémique consistait à vérifier, quatre à six fois par jour, le taux de glucose capillaire : avant les trois repas quotidiens, entre deux repas et au moment du coucher. Aujourd’hui, tout patient qui doit s’injecter de l’insuline plus de deux fois par jour peut bénéficier du remboursement d’un système de mesure du glucose en continu, ce qui facilite énormément les choses. Outre d’éviter cette piqûre au bout des doigts, souvent douloureuse, plusieurs fois par jour, ces systèmes permettent aussi au patient de faire le lien entre le fonctionnement de son diabète et différentes situations de la vie courante : selon les aliments consommés, avant et après une activité physique, en lien avec la prise de certains médicaments, dans une situation de stress… Cette autosurveillance glycémique constitue un des principaux éléments de contrôle de l’équilibre glycémique car elle permet de vérifier l’impact des différents éléments du traitement sur la glycémie et de procéder aux ajustements nécessaires, mais aussi de détecter et de traiter sans délai toute variation de ce paramètre et d’agir en prévention. Toutefois, il s’agit d’une démarche active qui nécessite l’implication du patient.

 

TLM : Est-elle indiquée pour tous les patients diabétiques ?

Pr Alfred Penfornis : Si elle est indispensable pour les diabétiques de type 1, elle reste fortement recommandée chez de nombreux diabétiques de type 2, mais avec des modalités différentes selon la situation. Pour ces derniers, l’autosurveillance glycémique sera proposée aux patients déjà traités par insuline, ceux pour lesquels un tel traitement est prévu à court terme, ceux traités par insulinosécréteurs, ceux dont l’HbA1c n’est pas à l’objectif individualisé et pour les femmes enceintes atteintes d’un diabète gestationnel.

 

TLM : Quels sont les dispositifs disponibles pour réaliser une autosurveillance glycémique ?

Pr Alfred Penfornis : L’autosurveillance à partir d’une goutte de sang capillaire prélevée à l’extrémité d’un doigt via un autopiqueur ou l’autosurveillance par mesure du glucose interstitiel en continu. Ce dernier système permet de connaître la tendance d’évolution ainsi que l’historique sur une durée de huit heures. Ces données permettent donc de réagir en temps réel et de pouvoir corriger une hyperglycémie ou prévenir une hypoglycémie. Selon plusieurs travaux, les diabétiques qui pratiquent une autosurveillance glycémique par mesure en continu du glucose interstitiel passent beaucoup moins de temps en hypoglycémie et en hyperglycémie que ceux qui se piquent le bout du doigt. Le médecin généraliste peut prescrire le matériel d’autosurveillance de la glycémie par prélèvement d’une goutte de sang et peut aussi, depuis peu, prescrire le système d’automesure continue du glucose par système flash aux patients traités par une seule injection d’insuline par jour si leur HbA1c est ≥ 8 %. En revanche, c’est toujours au diabétologue qu’incombe la prescription initiale pour trois mois, ainsi que le premier renouvellement du système d’automesure continue du glucose pour les patients traités par multi-injections s’ils n’en sont pas encore équipés. Les renouvellements suivants peuvent être assurés par le médecin généraliste.

Propos recueillis

par Elvis Journo

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