• Pr Aleth Perdriger : Diagnostic et traitement précoces gages de succès dans la PR

Aleth Perdriger

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 13/10/2022


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Aujourd’hui, 90% des malades atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) de l’adulte peuvent travailler, voyager, s’occuper de leurs enfants… Ces résultats ont été obtenus grâce à un diagnostic et un traitement précoces, se félicite le Pr Aleth Perdriger, chef du service de Rhumatologie au CHU de Rennes.

 

TLM : L’enjeu de la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde est la mise en place d’un traitement efficace le plus tôt possible. Mais à quel moment exactement ?

Pr Aleth Perdriger : Les facteurs qui contribuent à la survenue d’une polyarthrite rhumatoïde (PR) commencent à être mieux connus. Il s’agit d’une maladie auto-immune survenant sur un terrain génétique, dans un contexte environnemental particulier, avec des facteurs déclenchants. La découverte d’auto-anticorps de la polyarthrite rhumatoïde 5 à 10 ans avant les premiers symptômes typiques a permis de comprendre que l’apparition de cette maladie était progressive. On sait aujourd’hui qu’il existe, avant les manifestations de la polyarthrite, une phase de latence que l’on appelle pré-polyarthrite. Celle-ci va être dans un premier temps asymptomatique. Puis apparaissent les premières douleurs, qui vont devenir plus importantes au fil du temps, avec au final l’apparition d’une synovite inflammatoire, c’est-à-dire un gonflement des articulations, signant le début de la polyarthrite.

 

TLM : Peut-on débuter un traitement au stade de pré-PR pour empêcher la maladie d’apparaître ?

Pr Aleth Perdriger : Nos traitements ne sont pas anodins.

Il faut qu’il y ait des symptômes pour mettre en place une thérapeutique.

La pré-polyarthrite rhumatoïde est caractérisée par des douleurs inflammatoires, avec raideur matinale articulaire, au niveau des mains et/ou des pieds, plutôt bilatérales. Cette raideur matinale peut se traduire par des difficultés à fermer les mains le matin. Il n’y a pas à ce stade de gonflement articulaire. Les radiographies sont normales, même si parfois l’échographie ou l’IRM peuvent mettre en évidence une inflammation articulaire. Face à ces douleurs de pré-PR, un traitement précoce par le méthotrexate permet-il de retarder l’apparition de la maladie ? C’est la question posée par une étude récente, Treat Earlier, présentée récemment au Congrès européen de Rhumatologie. Environ 200 patients présentant des signes de pré-PR ont été inclus. La moitié ont été traités avec du méthotrexate pendant un an, l’autre moitié avec un placebo. Tous ont été suivis pendant deux ans. Les résultats sont mitigés car, à 24 mois, le nombre de patients souffrant de polyarthrite est similaire dans les deux groupes. En revanche, le méthotrexate a retardé l’apparition de la polyarthrite chez ceux présentant des anticorps anti-CCP. De surcroît, les patients sous méthotrexate ont présenté moins de douleurs au cours des 24 mois de suivi. La place de ce traitement dans la pré-PR reste à préciser par d’autres essais.

 

TLM : Et comment traiter le plus tôt possible une polyarthrite rhumatoïde avérée ?

Pr Aleth Perdriger : L’intérêt du méthotrexate est, par contre, parfaitement reconnu dès que le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde est posé. Ce diagnostic doit être évoqué en cas de gonflements articulaires, douleurs de type inflammatoire, au niveau des mains et/ou des pieds pendant une durée d’au moins six semaines, en présence du facteur rhumatoïde ou d’anticorps antiCCP et de signes biologiques d’inflammation, vitesse de sédimentation et protéine C réactive (CRP) élevées. A partir du moment où ces critères sont présents, une prise en charge est nécessaire. A ce stade, la radiographie ne met pas en évidence de signes d’érosion osseuse. L’échographie peut voir déjà l’inflammation. Avant tout traitement, il faut bien sûr éliminer une autre pathologie rhumatismale qui pourrait expliquer les symptômes, comme un rhumatisme psoriasique (concomitant de signes cutanés) ou un lupus (associé à une atteinte du rein).

 

TLM : Et comment prendre en charge ces formes précoces de polyarthrite rhumatoïde ?

Pr Aleth Perdriger : Le traitement de première intention de la polyarthrite c’est le plus souvent le méthotrexate. Il est prescrit initialement à la dose de 10 à 15 milligrammes par semaine, en association avec de l’acide folique. Les doses peuvent être ensuite progressivement augmentées pour aboutir à 20-25 mg de méthotrexate, en fonction du poids et des symptômes. Au début une surveillance clinique rapprochée, tous les 15 jours, est nécessaire, avec NFS, bilans hépatique et rénal, puis une fois par mois et enfin tous les trois mois. L’objectif est d’obtenir le plus rapidement possible une rémission de l’inflammation articulaire. Cela nécessite des adaptations rapides du traitement. A ce stade, le risque d’érosion articulaire est faible. Lorsque l’on adapte bien le traitement, 80% des malades ne présentent pas d’érosion articulaire. Mais les équipes n’ont pas toujours le temps ni les moyens de surveiller tous les patients de façon rapprochée.

 

TLM : Comment faire alors pour identifier les patients nécessitant une surveillance resserrée ?

Pr Aleth Perdriger : Certains critères permettent de déceler les patients menacés par une évolution plus sévère. Il s’agit de ceux présentant un plus grand nombre d’articulations concernées, un syndrome inflammatoire biologique plus important, un taux d’auto-anticorps plus élevé. Pour ceux-là, une intensification rapide du traitement peut être nécessaire. Il faut augmenter les doses, modifier le traitement, y ajouter une biothérapie si nécessaire, jusqu’à ce que les patients soient en rémission complète. Entre 60 et 80 % des patients traités dès les premiers symptômes vont répondre au méthotrexate. Néanmoins, seuls 40 % d’entre eux seront en rémission complète. Pour les autres une biothérapie sera prescrite, souvent en association avec le méthotrexate. Une fois la rémission obtenue, il est possible d’envisager une désescalade thérapeutique.

 

TLM : Cette stratégie de diagnostic précoce a-t-elle modifié significativement la vie des patients ?

Pr Aleth Perdriger : Bien sûr. Les plus jeunes rhumatologues ne voient plus de polyarthrite rhumatoïde destructrice qui rendait les patients totalement handicapés comme il y a 30 ans. Aujourd’hui 90% des malades atteints de PR peuvent travailler, voyager, s’occuper de leurs enfants… Ces résultats ont été obtenus grâce à un diagnostic et un traitement précoces.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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