• Pr Alain Saraux : Les actualités thérapeutiques en Rhumatologie

Alain Saraux

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 17/01/2023


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« Place des anti-JAK en rhumatologie en 2022 », « Hypophosphorémie », « Rhumatologie et immunothérapie » sont quelques-uns des « sujets brûlants » abordés lors du 35e congrès de la Société française de rhumatologie (11-13 décembre à Paris).

Le Pr Alain Saraux, chef du service de Rhumatologie du CHU de Brest, décrypte les débats qui s’y sont fait jour.

 

TLM : Quels sont les principaux points qui ont émergé lors du 35e congrès de la Société française de rhumatologie que vous avez présidé cette année ?

Pr Alain Saraux : Cette réunion a attiré plus de 3000 participants présents sur place et plusieurs centaines d’autres connectés à distance. Au total 195 orateurs ont présenté études, analyses, résultats, et 10 pays ont été représentés. Tous les sujets brûlants de l’actualité thérapeutique ont été abordés : Place en rhumatologie pour les anti-JAK en 2022, Hypophosphorémie et burosumab, Supplémentation vitamino-calcique, Rhumatologie et immunothérapie…

 

TLM : Y a-t-il eu de nouvelles données concernant plus particulièrement la polyarthrite rhumatoïde ?

Pr Alain Saraux : Une étude intéressante a mis en évidence que les patients atteints de rhumatisme inflammatoire, essentiellement des polyarthrites rhumatoïdes, vont beaucoup mieux lorsqu’ils sont les pris en charge de manière globale. Un travail mené à Montpellier a ainsi évalué l’impact d’une consultation systématique de prévention une fois par an chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde traités par méthotrexate et biothérapie.

L’objectif de cette consultation était de vérifier les vaccinations, l’absence d’infection, de faire un bilan lipidique, de proposer des conseils concernant l’hygiène alimentaire, l’exercice physique, le dépistage des cancers et d’aider à la mise en place d’un sevrage tabagique… Ce travail a montré que les patients atteints de polyarthrite et bénéficiant de cette consultation annuelle avaient deux fois moins de risque d’être hospitalisés pour toute cause que ceux qui n’en bénéficiaient pas. Cette consultation est une piste importante pour améliorer la santé des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde.

 

TLM : On a vu également émerger de nouvelles recommandations pour la prescription des anti-JAK…

Pr Alain Saraux : Effectivement. La place des anti-JAK, ce traitement d’immunothérapie prescrit en rhumatologie dans la polyarthrite et la spondylarthrite, a été longuement débattue, en raison d’inquiétudes concernant ses effets secondaires. Une étude publiée il y a un an a en effet mis en évidence, avec le tofacitimib, un risque accru de maladies cardiovasculaires. Ces effets secondaires concernaient essentiellement les patients traités à fortes doses et à haut risque cardiovasculaire (obèses, diabétiques, hypertendus, fumeurs, ou encore ayant plus de 65 ans…). Les nouvelles recommandations préconisent de choisir une alternative aux anti-JAK, pour les patients présentant des facteurs de risque cardiaque. Il est désormais préconisé pour ces patients de privilégier un traitement par anti-TNF alpha plutôt que par anti-JAK. La recommandation concerne l’ensemble des médicaments de la famille des anti-JAK.

 

TLM : Des nouveaux médicaments permettent désormais de traiter des maladies rares comme l’hypophosphorémie liée à l’X…

Pr Alain Saraux : Cette maladie rare concerne plusieurs centaines de personnes en France. Mais jusqu’à présent nous manquions de molécules efficaces.

Cette hypophosphorémie liée à l’X se traduit par une ostéomalacie, des os de mauvaise qualité et des fractures fréquentes. Le diagnostic est porté en particulier chez l’enfant du fait de fractures à répétition. Un nouveau traitement, le burosumab, s’est avéré efficace chez les adultes et les enfants pour améliorer la qualité des os et réduire le risque de fracture.

C’est une avancée importante.

 

TLM : Les associations d’immunothérapies en rhumatologie ont souvent été à l’ordre du jour…

Pr Alain Saraux : Les immunothérapies sont de plus en plus souvent prescrites dans un nombre croissant de maladies, en cancérologie, en dermatologie, en pneumologie… En rhumatologie nous utilisons aussi beaucoup d’immunothérapies. Mais que se passe-t-il si un patient traité par une immunothérapie contre un cancer reçoit également une immunothérapie pour une maladie rhumatologique ? Dans les maladies auto-immunes, en rhumatologie notamment, l’immunothérapie a pour objectif d’affaiblir l’immunité alors que dans le cancer, il s’agit de renforcer le système immunitaire. Il est désormais impératif, lorsque l’on prescrit une immunothérapie en rhumatologie en particulier, de vérifier qu’il n’y a pas d’interférence avec une autre immunothérapie prescrite dans un autre cadre. Lors du congrès, une revue des risques liés à ces associations d’immunothérapie a été présentée. Une base de données a été mise en place pour colliger les associations d’immunothérapies, leurs conséquences et leurs effets secondaires.

Par exemple, l’immunothérapie dans le cancer augmente le risque de maladies auto-immunes et notamment de polyarthrite. Comment prendre en charge cette polyarthrite ? Quel est l’effet du traitement de cette polyarthrite sur le cancer ? Dans de telles circonstances, il est nécessaire que l’oncologue et le rhumatologue se concertent sur le plan thérapeutique.

 

TLM : Quoi de neuf dans la pseudo-polyarthrite rhizomélique ?

Pr Alain Saraux : Dans cette pseudo-polyarthrite rhizomélique, les corticoïdes, initiés à 12,5 à 25 mg de prednisone, sont la base du traitement. Au bout de quelques semaines, le protocole thérapeutique prévoit de les diminuer progressivement avec pour objectif de les arrêter complètement en un an environ. Cependant, certains patients récidivent lors de cette phase de diminution. Nous sommes alors contraints de ré-augmenter les doses de corticoïdes. Une nouvelle étude a montré que chez ces patients, la prescription d’anti-IL 6 (tocilizumab) permet de diminuer les corticoïdes, sans pour autant augmenter le risque de récidive.

 

TLM : De nouvelles données concernent également la prise en charge de la chondrocalcinose…

Pr Alain Saraux : Dans cette maladie assez fréquente qui évolue en général par poussées, des médecins ont comparé l’impact pendant deux jours soit de colchicine dosée à 0,5 mg deux fois par jour, soit de corticoïdes dosés à 30 mg par jour, chez des patients présentant une arthrite aiguë due à une chondrocalcinose. Les résultats montrent que les deux traitements sont très efficaces.

Comment choisir ? La colchicine augmente le risque de diarrhées, les corticoïdes font monter la tension artérielle et la glycémie. Le traitement est alors choisi au cas par cas, en fonction du contexte. Pour les patients avec des troubles digestifs et notamment des diarrhées, il vaut mieux préférer les corticoïdes. Chez ceux qui sont hypertendus ou diabétiques, une prescription pendant deux jours de colchicine sera privilégiée.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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