• Pr Ahmed Idbaih : Traitements actuels et à venir des patients atteints d’un glioblastome

Ahmed Idbaih

Discipline : Oncologie, Dépistage

Date : 10/01/2024


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Souvent de pronostic réservé, les glioblastomes restent des tumeurs cérébrales pour lesquelles les traitements actuels n’offrent qu’une efficacité limitée.

Heureusement, les pistes de recherche sont multiples et laissent espérer des traitements plus efficaces dans les prochaines années.

Les explications du Pr Ahmed Idbaih, neurologue à l’AP-HP - Sorbonne-Université - Pitié-Salpêtrière.

 

TLM : Qu’est-ce que le glioblastome ?

Pr Ahmed Idbaih : Le glioblastome (GBM) constitue le cancer cérébral le plus fréquent chez l’adulte. On estime entre 2000 et 2500 le nombre de nouveaux cas en France chaque année, avec un âge médian de 64 ans au moment du diagnostic. Si la cellule d’origine est encore un peu débattue aujourd’hui, le GBM est causé par une division anarchique de cellules gliales qui contribuent au développement tumoral. Une localisation supratentorielle semble constituer un siège de prédilection, probablement à proximité du système ventriculaire, même si tout cela n’est pas encore parfaitement établi aujourd’hui. S’il est vrai que certaines études constatent une augmentation de l’incidence des GBM depuis plusieurs années, des données scientifiques robustes et de grande envergure manquent encore pour le démontrer et s’assurer que cela ne s’explique pas par le vieillissement de la population et par de meilleures techniques diagnostiques. Ce point de vigilance fait actuellement l’objet d’études. Enfin, on constate une prédominance masculine du GBM avec un ratio de 1.6 sans qu’on en connaisse encore les raisons précises.

 

TLM : Quels en sont les symptômes ?

Pr Ahmed Idbaih : Cliniquement, le GBM se manifeste souvent par un syndrome d’hypertension intracrânienne, un déficit neurologique focal comme une paralysie, par exemple, des troubles cognitifs, des troubles du langage, des troubles de la mémoire ou encore des crises d’épilepsie. Ce cancer cérébral peut également être découvert de manière fortuite lors d’un examen d’imagerie (scanner ou IRM) en vue d’explorer des vertiges d’origine ORL, par exemple.

 

TLM : Des facteurs de risque susceptibles d’augmenter la survenue d’un GBM ont-ils été identifiés ?

Pr Ahmed Idbaih : Les facteurs de risque des GBM sont en grande partie méconnus. Pour autant, certains d’entre eux ont été démontrés, comme les syndromes de prédisposition génétique héréditaires aux cancers comme, par exemple, le syndrome de Li-Fraumeni avec les mutations germinales de p53 et le syndrome de Lynch, lié à une mutation d’un des gènes composant le système MMR (MisMatch Repair). Parmi les autres facteurs de risques identifiés, l’exposition aux radiations ionisantes ; des patients exposés à la radiothérapie dans l’enfance pour prévenir des rechutes d’hémopathie au niveau du système nerveux peuvent développer un GBM qu’on qualifiera de « radio-induit » à l’âge adulte. Cependant, ces facteurs cumulés n’expliquent qu’une faible proportion des GBM, moins de 5 % des cas.

La grande majorité des GBM est dite sporadique. Des facteurs physiopathologiques comme les radiations non ionisantes des téléphones portables ou les champs électromagnétiques ont été discutés. Idem pour certains facteurs environnementaux comme les expositions aux pesticides.

Beaucoup de pistes restent donc à explorer, mais rien n’est formellement démontré à l’heure actuelle.

 

TLM : Comment se pose le diagnostic ?

Pr Ahmed Idbaih : Le diagnostic mais aussi le traitement des GBM obéissent à une relative urgence car l’évolution peut être rapide et les déficits acquis ne sont pas toujours réversibles. Un tableau clinique présentant les symptômes évoqués plus tôt doit conduire à la réalisation d’une IRM, examen radiologique de référence. L’analyse histo-moléculaire, qui se pratique sur prélèvement après biopsie ou résection chirurgicale, permet de poser le diagnostic final de certitude.

 

TLM : Quel est le traitement de première ligne du GBM ?

Pr Ahmed Idbaih : La stratégie thérapeutique repose sur la résection chirurgicale lorsque cela est possible, mais les cellules cancéreuses infiltrées dans le tissu cérébral sain sont impossibles à retirer complètement. Il faut donc compléter le traitement. Les patients sont ensuite traités par radiothérapie encéphalique combinée au témozolomide (TMZ) suivi d’un traitement d’entretien par TMZ seul. Aujourd’hui, nous bénéficions, et ce depuis mars 2023, pour un sous-groupe de patients, du dispositif médical Optune®, un traitement anticancéreux non invasif et antimitotique du GBM. Le dispositif délivre des Tumor Treating Fields (TTFields, champs électriques qui perturbent la division cellulaire) dans la région tumorale. Nous pouvons également ajouter une autre chimiothérapie, la lomustine, pour un sous-groupe de patients.

 

TLM : Quelles sont les principales pistes de recherche actuellement ?

Pr Ahmed Idbaih : Nos collègues neurochirurgiens tentent d’optimiser les techniques chirurgicales en développant de nouveaux outils qui devraient permettre une résection la plus large possible, sans déficit. D’autres travaux sur les différentes techniques de radiothérapie sont en cours, comme la radiothérapie par modulation d’intensité (IMRT) ou encore les protons ou la radiothérapie flash qui prennent de plus en plus de place. Les thérapies moléculaires ciblées ne sont pas en reste non plus dans le domaine du GBM.

Par ailleurs, le grand champ de l’immunothérapie comporte des vaccins (dont le vaccin anti-télomérase), les CAR-T cells et les inhibiteurs des checkpoints immunitaires. Enfin, des dispositifs médicaux permettant d’ouvrir la barrière hémato-encéphalique pour favoriser la pénétration des médicaments sont étudiés. Voilà ce qu’il en est du panorama non exhaustif des pistes de recherche pour les soins spécifiques.

A cela s’ajoutent des études pour tenter d’améliorer les soins de confort et, notamment, la prévention de la toxicité des traitements.

L’amélioration de la qualité de vie des patients reste un point d’intérêt très fort. Dans le GBM, nous espérons suivre le sillon créé par les autres types de cancer comme celui du sein, et plus récemment celui du mélanome pour lequel l’immunothérapie et les thérapies moléculaires ciblées ont été une véritable révolution !

Propos recueillis

par Romy Dagorne

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