• Isabelle Fromantin : Le chemin le plus sûr pour aller vers la cicatrisation d’une plaie…

Isabelle Fromantin

Discipline : Dermatologie

Date : 06/07/2023


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Les progrès sont permanents dans les pansements —pansements aux hydrofibres, pansements antimicrobiens et antibiofilm, voire des nouvelles thérapies par pression négative… Une offre de plus en plus large et technique qui impose de se former afin d’utiliser le bon produit au bon moment. Isabelle Fromantin, infirmière/ chercheuse à l’institut Curie à Paris, passe en revue ces nouveautés et leurs modalités d’utilisation.

 

TLM : Quels sont les principes de base qui doivent guider la prise en charge d’une plaie ?

Isabelle Fromantin : Le premier principe consiste à faire le bon diagnostic de la plaie. Dans la majorité des cas, face à une plaie, quelle qu’en soit la cause, l’objectif c’est d’aller vers la cicatrisation. Il faut alors mettre la plaie dans un milieu humide contrôlé. Parfois, il s’agit cependant d’une plaie tumorale, c’est-à-dire d’une tumeur ulcérée, dont la prise en charge est totalement différente. Si le patient ne répond pas à la chimiothérapie, cette plaie ne va pas cicatriser et il s’agit alors d’éviter les complications ; de même pour les radionécroses consécutives à une radiothérapie ancienne au cobalt. Attention, la radionécrose n’est pas une radiodermite, l’érythème qui survient au décours d’une radiothérapie et disparaît à la fin du traitement. Ces radionécroses qui apparaissent tardivement sont des séquelles d’une radiothérapie au cobalt effectuée avant les années 90. Les tissus se sont fibrosés, avec une atteinte cutanée et une plaie peut apparaître 20 à 30 ans après le traitement. Ces radionécroses sont de moins en moins fréquentes, car cela fait plus de 30 ans que l’on ne fait plus de radiothérapies au cobalt. Dans ces situations, l’objectif de la prise en charge des plaies vise à éviter les complications, à savoir les infections, les écoulements, les mauvaises odeurs. Et ce n’est pas simple.

Cela demande beaucoup de soins à l’hôpital ou dans le cadre d’une hospitalisation à domicile. Mais lorsque vous êtes face à une plaie aiguë, simple, suturée, sans infection au niveau du site opératoire, chez une personne sans déficit immunitaire, la cicatrisation, pour ainsi dire, se fera quasiment toute seule.

 

TLM : Quelles sont les nouveautés dans le traitement des plaies ?

Isabelle Fromantin : Sans un soin efficace —nettoyage, détersion et prise en charge des facteurs de retard de cicatrisation du patient—, la plaie ne peut pas évoluer positivement, quelle que soit la qualité du pansement qui la recouvre. Il faut donc corriger d’abord tous les facteurs qui empêchent la plaie de cicatriser. Par exemple, si vous êtes face à un ulcère de jambe, le pansement seul n’est pas suffisant, il faudra prendre en charge l’insuffisance veineuse, avec en particulier des stratégies de contention. Si vous avez une escarre dans le bas du dos, il faut arrêter tout ce qui fait pression sur l’escarre, pour que le traitement soit correct. Pour les plaies tumorales, si la tumeur est sensible aux anticancéreux, le traitement du cancer facilitera la cicatrisation de la plaie. Ainsi, lorsque l’on constate un retard de cicatrisation, c’est dans la cause de la plaie qu’il faut trouver la solution ainsi que la stratégie de prise en charge. Sinon, le pansement seul sera insuffisant pour arrêter l’évolution de la plaie et contribuer à sa cicatrisation.

 

TLM : Néanmoins, il existe de nombreuses innovations concernant les pansements…

Isabelle Fromantin : Bien entendu ! Les progrès sont permanents dans les pansements et il est important de les connaître. Il existe de nouveaux pansements qui apportent des améliorations par rapport aux anciens, avec des nouveaux pansements aux hydrofibres, des nouveaux pansements antimicrobiens et antibiofilm, d’autres qui apportent de l’oxygène au niveau de la plaie, des nouvelles thérapies par pression négative… Il s’agit d’opportunités pour mieux traiter les patients. Pour autant, cette offre de plus en plus large et technique, impose de se former afin d’utiliser le bon produit au bon moment, sans augmenter de façon déraisonnable les dépenses de santé par des mésusages.

 

TLM : Comment fonctionnent les thérapies par pression négative ?

Isabelle Fromantin : Les thérapies par pression par pression négative (TPN) ne sont pas nouvelles. Je les utilise depuis plus de vingt ans ! Cette forme de pansement s’est beaucoup développée au cours des dix dernières années. Le principe de la thérapie à pression négative est de mettre la plaie à une pression inférieure à la pression atmosphérique grâce à un dispositif particulier, pour accélérer le bourgeonnement homogène de la plaie, limiter les forces de traction, réduire l’œdème et drainer les exsudats.

Ces TPN peuvent être utilisées notamment en phase aiguë pour des plaies traumatiques non suturables ou en post-opératoire après une perte de substance importante… Concrètement, il s’agit de mettre au niveau de la plaie une mousse, une compresse, un pansement, en fonction de l’étendue de la plaie. Celle-ci est ensuite mise en pression négative grâce à un moteur. Il existe des gros appareils avec un moteur fonctionnant avec une batterie et un réservoir destiné au recueil des exsudats, pour les grandes plaies très exsudatives. Il existe des thérapies par pression négative plus petites qui fonctionnent avec un boitier dotés de piles, avec un plus petit réservoir pour les plaies plus petites, moins exsudatives. Si, par exemple, la plaie est infectée, il existe des appareils à double tubulure, l’une qui instille du sérum physiologique pour nettoyer la plaie et l’autre pour aspirer les liquides. Il existe une grande diversité d’appareils disponibles sur le marché. Le choix dépend du type de plaie à prendre en charge.

 

TLM : Quelle différence avec les thérapies à pression négative à usage unique ?

Isabelle Fromantin : Le principe est celui des autres thérapies à pression négative. La différence est que dans ces nouveaux dispositifs, il n’y a pas de moteur. Ces thérapies par pression négative à usage unique fonctionnent avec un pansement doté d’une pompe et d’un réservoir accolé à la pompe qui permet de drainer les exsudats et éviter la saturation du pansement. Au lieu donc d’avoir des moteurs, ces dispositifs fonctionnent avec des pompes enclenchées manuellement et qui induisent une dépression au niveau de la plaie. Ce dispositif fonctionne pendant 14 jours et il est à usage unique. Les dispositifs de thérapies à pression négative sont maintenant nombreux sur le marché. Mais la formation des soignants est indispensable afin de bien en comprendre les indications, de connaître les contre-indications et de savoir les poser correctement.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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