• Drs Brancato et Guillaume : Plaidoyer pour un suivi périnatal qui mérite mieux…

Drs Brancato et Guillaume : Plaidoyer pour un suivi périnatal qui mérite mieux…
Drs Brancato et Guillaume

Discipline : Pédiatrie

Date : 05/07/2024


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La France se place en queue de peloton en matière de mortalité infantile et de mortinatalité en Europe. Les professionnels de santé impliqués dans le suivi du nouveau-né appellent à une restructuration de l’offre de soins, comme le révèle une enquête de pratique menée auprès de 628 d’entre eux.

Rencontre avec la Dre Sandra Brancato, pédiatre (Brignon) et Sophie Guillaume, sage-femme coordinatrice en maïeutique (Bastia), membres du comité d’experts qui a diligenté cette enquête en partenariat avec les Laboratoires Guigoz.

 

Occupant désormais le 20e rang mondial, la France est devenue la lanterne rouge des pays européens en matière de mortalité infantile et mortinatalité. Ce à quoi s’ajoutent des prévalences élevées de dépression post-partum (16,7 %) et d’anxiété maternelle (27,6 %), comme l’indique l’Enquête nationale périnatale de 2021. Des chiffres « honteux » pour la Dre Sandra Brancato, qui explique « que de telles problématiques dans le fondement même de notre système de santé ne sont que la partie immergée de l’iceberg ! ». Le suivi du couple mère-enfant à la sortie de la maternité est donc un enjeu majeur de santé publique.

Identifier les axes d’amélioration.

Bien que plusieurs dispositifs nationaux aient été instaurés ces dernières années pour améliorer et renforcer le suivi périnatal, de nombreux leviers peuvent encore être activés pour garantir la sécurité et la continuité des soins du nourrisson.

C’est pour cette raison qu’une enquête a été réalisée par un comité d’experts de la périnatalité auprès de 628 professionnels impliqués dans ce parcours : 199 sages-femmes (SF) exerçant dans 120 maternités, 274 SF exerçant en libéral et 155 médecins (48 % de pédiatres et 52% de médecins généralistes à compétences périnatales).

Fédérer et valoriser les compétences de chacun pour repenser le parcours physiologique du nouveau-né sain. « La démographie en berne des pédiatres nous a obligé à repenser le parcours de soin du nourrisson en optimisant au maximum le “temps pédiatre” sur des problématiques d’enfants malades ou dépistés à risque et repenser le parcours physiologique du nouveau-né sain avec une prise en charge assurée par les SF, un peu à l’image de l’obstétrique finalement. En effet, les gynécologues-obstétriciens et les SF travaillent naturellement de concert depuis des décennies et cela fonctionne très bien. Et notre profession est d’ores et déjà relayée avec l’exercice d’autres spécialistes le cas échéant. La pédiatrie reste donc la spécialité à connecter davantage avec les soins propres à la maïeutique pour améliorer la prise en charge et le suivi du nourrisson », commente Sophie Guillaume, sage-femme coordinatrice en maïeutique. « D’autant plus que prévention et dépistage sont les maîtres mots qui structurent notre profession », complète-t-elle.

Revoir la politique de l’allaitement de A à Z. L’allaitement maternel au retour à domicile est suivi par les SF (91 % des cas), des consultantes en lactation (68 %) ou les centres de PMI (66 %). Mais si pédiatres et médecins généralistes se sentent compétents pour soutenir les mères dans cette démarche (72 %), Sophie Guillaume précise que « l’allaitement s’inscrit dans le parcours anténatal. C’est une pratique qui se prépare, il faut en parler, éduquer, accompagner et soutenir les mères. Face au manque de médecins, le sujet de l’allaitement ne devrait pas engorger les consultations en pédiatrie ».

Un manque d’information sur les 1000 premiers jours. Moment clef pour le développement de l’enfant sur sa santé, son bien-être et celui de ses parents, la période des 1 000 premiers jours est cruciale pour répondre aux besoins essentiels de l’enfant et prévenir des inégalités qui peuvent se former dès le plus jeune âge. Toutefois, l’enquête révèle que seulement 57 % des SF en maternité déclarent l’aborder avec les parents.

« Cela signifie aussi que près de la moitié de ces SF n’abordent pas cette thématique qui est pourtant essentielle ! Si on a l’impression que tout le monde en parle, il y a encore aujourd’hui un grand nombre de décès inopinés du nourrisson imputables aux conditions de couchage, par exemple.

Et les parents concernés assurent ne pas avoir été informés », déplore la Dre Brancato. « Avec un séjour en maternité qui se fait de plus en plus court et durant lequel on doit instiller un maximum d’informations auprès de jeunes parents, la délivrance de messages clés concernant les 1 000 jours est largement compromise », conclut-elle. Les professionnels de santé réalisant cette information sont en majorité les SF (84 %), les auxiliaires de puériculture (55 %), les pédiatres (49 %) et les infirmières (44 %).

Un entretien prénatal précoce (EPP) qui fait défaut. Prévu entre la 14 e et la 20e semaine de grossesse, il constitue le premier moment clé du parcours des 1 000 premiers jours de l’enfant puisqu’il vise à dédier un temps de consultation aux questions éventuelles du couple et à repérer d’éventuels facteurs de vulnérabilités pour proposer le cas échéant une aide appropriée. Toutefois, en dépit de son importance et de son caractère obligatoire, 43 % des SF en maternité déclarent ne pas connaître le pourcentage de couples bénéficiant d’un EPP dans leur structure. « Le fait qu’il ait eu lieu ou non devrait être consigné quelque part. S’il est vrai que nous sommes tous inégaux face au recueil d’informations, un temps consacré à chacun et un accompagnement personnalisés en fonction du profil patient pourraient être imaginés » détaille la pédiatre. L’objectif national à atteindre d’ici 2026 est un taux à 80 %.

Des besoins de formation fortement exprimés. Plus de 80 % des SF de maternité souhaitent être formées sur la dépression du post-partum et 50 % sur l’allaitement maternel. Un besoin de formation également exprimé concernant l’examen clinique du nouveau-né. « La mise en place de formations communes et de concertations pluridisciplinaires permettrait d’apporter des solutions parce qu’il est essentiel de s’interroger ensemble sur ces problématiques. Il existe déjà beaucoup de supports et d’outils de formation qui ne sont pas assez largement diffusés. Et c’est bien la collaboration entre pédiatres, SF et médecins généralistes à compétences périnatales qui est au cœur d’une prise en charge de qualité », concluent les deux spécialistes.

Propos recueillis

par Romy Dagorne

AVEC LE SOUTIEN INSTITUTIONNEL DES LABORATOIRES GUIGOZ

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