• Dre Sandrine Beaulieu : Comment soulager ballonnements et flatulences

Sandrine Beaulieu

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 06/07/2023


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Ballonnements et flatulences, seuls ou associés à des brûlures épigastriques, peuvent considérablement altérer la qualité de vie des patients.

Pourtant, de nombreux traitements ont démontré leur efficacité.

Le point avec la Dre Sandrine Beaulieu, gastro-entérologue à Pontoise.

 

TLM : Que faire face aux troubles digestifs que sont les ballonnements, les flatulences, seuls ou associés aux brûlures épigastriques ?

Dre Sandrine Beaulieu : Ils sont souvent liés au vaste syndrome de l’intestin irritable, avec une prédominance féminine très nette puisque deux tiers des patients souffrant de ballonnements sont des femmes, sans qu’aucune justification physiologique n’ait été identifiée.

Ici, les troubles digestifs touchent tout le tube digestif, le haut comme le bas.

Certains patients ont une prédominance de symptômes bas, ballonnements abdominaux diffus ou troubles du transit (constipation, diarrhée ou alternance diarrhée/constipation), alors que d’autres présentent plutôt des symptômes hauts, comme le syndrome dyspeptique qui inclut notamment des brûlures épigastriques. Ces symptômes peuvent s’installer et engendrer un syndrome chronique qui aura un retentissement très important sur la qualité de vie des patients. Certains aliments constituent des facteurs déclenchants dans les ballonnements. Les médecins prodiguent d’ailleurs des conseils hygiéno-diététiques : prendre les repas de manière très régulière, mastiquer suffisamment, et limiter la consommation de FODMAP, dont les sucres fermentescibles génèrent des gaz et des sensations douloureuses.

 

TLM : Les patients qui souffrent de ce syndrome consultent-ils rapidement ?

Dre Sandrine Beaulieu : Alors que ballonnements et syndrome de l’intestin irritable sont une des premières causes de consultation en médecine générale, nous estimons que plus de deux tiers des patients concernés tardent à consulter de manière adaptée. Pourquoi ? Probablement parce qu’ils ne sont pas pleinement satisfaits de leur prise en charge, notamment lorsque les symptômes sont invalidants. Il faut avouer que le corps médical a longtemps été démuni pour la prise en charge de ces symptômes fonctionnels. Par ailleurs, une grande partie des patients se détournent de la médecine traditionnelle et favorisent des traitements alternatifs comme l’éviction de certains aliments ou la prise de probiotiques.

 

TLM : Comment s’effectue le diagnostic ?

Dre Sandrine Beaulieu : Les symptômes fonctionnels ne sont pas palpables et peuvent donc être difficiles à appréhender. Le diagnostic d’exclusion repose ici sur un interrogatoire rigoureux et les critères de Rome IV qui sont purement cliniques. Pour rappel, ces critères mentionnent des douleurs abdominales qui doivent survenir au moins plus d’une fois par semaine depuis au moins six mois et la présence d’au moins un trouble du transit (constipation, diarrhée ou alternance des deux). Les ballonnements ont été exclus des critères de Rome depuis 2006. La réalisation d’examens complémentaires comme la coloscopie n’est pratiquée qu’en cas de doute diagnostique ou en cas de facteurs alarmants (perte de poids, sang dans les selles, anomalies dans la prise de sang…).

 

TLM : Quels sont les traitements de première intention en cas de ballonnements, de flatulences ?

Dre Sandrine Beaulieu : En cas de ballonnements et de flatulences, les molécules agissant sur l’adsorption des gaz ont prouvé leur efficacité. Ainsi, la siméticone permet une coalition des bulles de gaz, favorisant leur évacuation.

Elle peut aussi être couplée à du charbon actif qui possède des pouvoirs élevés d’adsorption des gaz. Son innocuité parfaite autorise des cures régulières.

Ces molécules apportent un soulagement rapide au patient. Certaines galéniques associant du charbon, de la siméticone et des antiacides s’avèrent très pertinentes chez les patients présentant des symptômes dyspeptiques du tube digestif haut, en particulier lorsqu’il existe des brûlures épigastriques associées ou lorsque les ballonnements et la distension abdominale engendrent des brûlures épigastriques par reflux.

 

TLM : L’efficacité thérapeutique de ces traitements est-elle acquise ?

Dre Sandrine Beaulieu : Les études ont largement démontré l’efficacité de ces traitements qui sont très utilisés aujourd’hui. Les médecins peuvent prescrire des cures courtes (7 à 10 jours) qui sont renouvelables autant de fois que nécessaire. S’agissant de molécules naturelles, les effets indésirables sont peu nombreux. En revanche, certaines précautions d’emploi doivent être respectées avec le charbon pour éviter toute diminution d’absorption de certains nutriments ou de médicaments. Il convient donc de prendre ce traitement à distance des repas et de tout autre traitement (au moins une heure d’intervalle).

 

TLM : L’association oxyde de magnésium, charbon activé et siméticone constitue-t-elle un traitement sur le long terme ou une réponse à une crise ?

Dre Sandrine Beaulieu : Pour les patients se plaignant de manière épisodique, il faudra privilégier les traitements de courte durée qui offre un soulagement rapide sur la crise. Cette association est alors tout à fait indiquée. En revanche, pour les 20 à 30 % des patients qui présentent des formes sévères, récurrentes et invalidantes, il est préférable de proposer un arsenal thérapeutique plus vaste. Il est possible, en plus des traitements symptomatiques, d’envisager l’hypnose, la méditation ou encore les thérapies comportementales et cognitives qui ont toutes démontré un niveau de preuve suffisant dans les études. Il faut par ailleurs insister sur les règles hygiéno-diététiques, notamment avec la réduction de la consommation alimentaire de FODMAP.

 

TLM : Quelle est la place du médecin généraliste dans la prise en charge ?

Dre Sandrine Beaulieu : Le rôle du médecin généraliste est primordial puisqu’il est consulté en première intention. Il va généralement évoquer le diagnostic, proposer un traitement et éventuellement adresser au confrère gastroentérologue en cas de doute diagnostique ou en cas d’échec du traitement initial. Il revient au médecin généraliste de rassurer le patient, lui expliquer ce qu’est le syndrome de l’intestin irritable, et instaurer une prise en charge qu’elle soit hygiéno-diététique et/ou médicamenteuse.

 

TLM : Où en est-on aujourd’hui de la recherche ?

Dre Sandrine Beaulieu : Plusieurs pistes sont intéressantes comme les traitements de stimulation magnétiques transcrâniennes pour tenter de stimuler les zones du cortex cérébral impliquées, ou encore les stimulations du nerf vague.

Mais le grand espoir des cinq prochaines années est porté par l’équipe du Pr Jean-Marc Sabaté qui étudie la transplantation du microbiote fécal.

Propos recueillis

par Elvis Journo

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