• Dre Pauline Eymard : L’option contactologie pour les personnes presbytes

Pauline Eymard

Discipline : Ophtalmologie

Date : 08/10/2024


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Bien qu’il existe plusieurs méthodes pour corriger la presbytie, l’objectif est toujours de rétablir la profondeur de champ qui diminue avec l’âge.

Parmi les nombreuses solutions, certains privilégieront les lentilles de contact.

Entretien avec la Dre Pauline Eymard, ophtalmologue spécialisée en Contactologie à l’hôpital Cochin (Paris).

 

TLM : Qu’est-ce que la presbytie ?

Dre Pauline Eymard : La presbytie fait partie du vieillissement physiologique naturel de l’œil. Elle correspond à la perte progressive de la capacité d’accommodation du cristallin qui débute généralement après 40 ans et se traduit par une difficulté à la lecture de près.

Inéluctable et irréversible, la presbytie se majore progressivement pour se stabiliser généralement vers 60-65 ans. Si le diagnostic nécessite un simple examen clinique par un ophtalmologiste, opticiens et orthoptistes peuvent aussi détecter une presbytie en réalisant des tests. L’acuité visuelle de près est généralement mesurée avec l’échelle de Parinaud, Parinaud 2 (P2) étant considérée comme une acuité visuelle de près normale.

 

TLM : La presbytie se corrige-t-elle avec des lentilles de contact ?

Dre Pauline Eymard : Quel que soit son état d’avancement, la presbytie se corrige effectivement très bien avec des lentilles de contact. Aujourd’hui, nous disposons d’un très grand nombre de ces équipements optiques et le panel s’enrichit chaque année de nouveaux matériaux, et de gammes de correction de plus en plus étendues. Il est donc possible d’adapter la quasi-totalité des patients presbytes, à condition qu’ils ne présentent pas de contre-indications au port de lentilles de contact. Parmi elles, on retrouve notamment une sécheresse oculaire sévère, des problèmes de paupière (malposition, séquelles chirurgicales…), la prise de certains médicaments, des inflammations ou des antécédents d’infections oculaires graves.

 

TLM : Comment fonctionnent les lentilles de contact pour les presbytes ?

Dre Pauline Eymard : La grande majorité des lentilles prescrites pour corriger la presbytie sont des lentilles souples multifocales qui fonctionnent sur le principe de vision simultanée, offrant ainsi une bonne vision à toutes les distances. La méthode est fondée sur l’ajout d’aberration optiques permettant ainsi de créer une augmentation de la profondeur de champ. Les lentilles rigides, qui peuvent être également multifocales ou bifocales fonctionnant sur le principe de vision alternée, sont moins prescrites car bien qu’elles offrent une excellente qualité visuelle de loin et de près, elles ne permettent pas de vision intermédiaire.

 

TLM : Les nombreux produits disponibles présentent-ils des différences majeures ?

Dre Pauline Eymard : Il faut bien avouer qu’entre les différents types de lentilles existants, les systèmes optiques (symétriques ou asymétriques) et les divers matériaux utilisés par les fabricants, le catalogue des solutions proposées est particulièrement riche. Et on voit bien pourquoi une adaptation est nécessaire.

 

TLM : Alors quels sont les clés pour adapter simplement ?

Dre Pauline Eymard : Le choix de la lentille de première intention doit être orienté selon l’amétropie, les habitudes de port antérieures, et le désir d’indépendance aux lunettes dans le quotidien ou occasionnellement. Les lentilles multifocales constituent un équilibre visuel car si elles permettent de voir net à toutes les distances, la présence d’aberrations optiques peut diminuer la sensibilité aux contrastes chez le porteur. Le patient doit en être conscient, c’est un compromis visuel. En cas de première prescription de lentilles multifocales, il est essentiel de revoir le patient en consultation pour faire un point et procéder à des ajustements si nécessaire. En tout état de cause, les laboratoires spécialisés diffusent le protocole à respecter suivant chaque modèle de lentilles, pour obtenir le résultat escompté.

 

TLM : Quels sont les incontournables de l’adaptation ?

Dre Pauline Eymard : Ce qui distingue l’adaptation du presbyte, c’est le choix de la première lentille en fonction de la réfraction. En lentilles, il faudra essayer d’être le plus convexe possible (c’est-à-dire bien saturer l’hypermétropie et ne pas surcorriger la myopie). Et lorsque l’on mesure la correction de la presbytie en dioptries, on essaiera de trouver l’addition minimale la plus faible pour que le patient puisse déchiffrer P2 en vision de près, pour lui donner ensuite une addition confortable pour la lecture.

 

TLM : Quels atouts pour les nouvelles lentilles ?

Dre Pauline Eymard : Elles sont composées de matériaux très perméables à l’oxygène, ce qui engendre un meilleur respect de la physiologie oculaire et une meilleure tolérance des lentilles au long cours. Les patients peuvent ainsi porter des lentilles pendant des années sans que cela ne pose de problème de souffrance cornéenne par manque d’oxygène. Les fabricants proposent aussi des gammes très larges au niveau des puissances. Il en résulte que même les astigmates presbytes peuvent être adaptés avec des lentilles.

 

TLM : Quelles sont les mentions devant figurer sur l’ordonnance ?

Dre Pauline Eymard : L’ordonnance médicale ou orthoptique doit faire figurer les caractéristiques essentielles des lentilles de contact oculaire correctrices : coordonnées du prescripteur, marque commerciale, nom du modèle de lentille et référence dans le catalogue du fabricant ou du fournisseur, type de lentilles (souples ou rigides), rayon et diamètre, fréquence du renouvellement et type de port, type d’entretien et nom de la solution d’entretien.

Il faut également y faire figurer la mention d’essai, le cas échéant, pour que le patient puisse procéder à un changement si la prescription ne convient pas.

 

TLM : Si un médecin souhaite se former à l’adaptation de lentilles de contact multifocales, comment doit-il s’y prendre ?

Dre Pauline Eymard : Je recommande le DU de contactologie pour les médecins qui souhaitent se former. Ils peuvent également prendre attache auprès de la Société française des ophtalmologistes adapteurs de lentilles de contact (SFOALC) qui est la société savante de référence pour l’adaptation et y adhérer pour bénéficier de formations, de conseils et d’informations. Les congrès sont une ressource importante à disposition des médecins pour s’initier ou développer son expertise lors des différentes communications et symposiums. Enfin, les laboratoires sont un précieux soutien et proposent des formations variées.

Propos recueillis

par Marie Ruelleux

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