• Dr. ZYSMAN : La nouvelle physionomie de la BPCO

Maeva ZYSMAN

Discipline : Cardiologie

Date : 24/07/2020


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LE PROFIL DU PATIENT BPCO TOUT COMME LA PRISE EN CHARGE ONT FORTEMENT ÉVOLUÉ. « LA POPULATION SE FÉMINISE ET RAJEUNIT », CONSTATE LE DR MAEVA ZYSMAN, PNEUMOLOGUE AU CHRU DE BORDEAUX,

QUI PRÉCONISE EN OUTRE UNE PRESCRIPTION PLUS MASSIVE
DE LA RÉHABILITATION RESPIRATOIRE

 

TLM : Que peut-on dire des patients touchés par la BPCO ? La population change-t-elle ?
Dr Maeva Zysman :
S’il est une donnée qui évolue peu, c’est bien l’ampleur du problème : la BPCO affecte près de 10 % de la population mais 50 à 75 % de sujets touchés s’ignorent faute d’être diagnostiqués. Le dépistage constitue donc le premier enjeu de cette maladie. Dans ce cadre, il faut avoir à l’esprit que l’image stéréotypée de l’homme de 60 ans, fumeur et toussotant reflète de moins en moins la réalité. La population se féminise et rajeunit.

 

TLM : Quelles sont les raisons de cette évolution ?
Dr Maeva Zysman :
On distingue trois grands facteurs explicatifs. Le premier tient au fait que la BPCO se développe plus précocement chez les femmes. Le second est lié à des facteurs de risque multiples : tabac croissant chez les femmes, exposition professionnelle mais aussi pollution, et parfois déterminants précoces.

 

TLM : Que sait-on du lien entre pollution et BPCO ?
Dr Maeva Zysman :
Même si le tabac reste responsable de 80 % des BPCO, on commence à mieux cerner les effets de la pollution urbaine ; bien que les études sur le sujet soient particulièrement difficiles à mener. Dans des pays où les niveaux de pollution sont très élevés le lien entre pollution et BPCO a bien été établi. Des études menées aux Etats-Unis, en Californie notamment, ont montré le net retentissement de la pollution urbaine sur la fonction respiratoire des enfants. La diminution de la pollution liée à des mesures drastiques a permis une

amélioration significative de leur fonction respiratoire. Ces données viennent confirmer d’autres études sur des données, plus fondamentales, sur l’impact des polluants urbains sur des modèles cellulaires ou animaux. Plus pragmatiquement, on a mis en évidence depuis longtemps en France la corrélation entre le niveau de pollution et la survenue d’exacerbations de BPCO.

 

TLM : Quels sont ces déterminants précoces dont on commence à parler ?
Dr Maeva Zysman :
Des études de cohortes montrent que, pour près de 20 % des patients, leur maladie est d’origine pédiatrique, liée à des maladies infantiles ou un asthme mal traités ou une conséquence d’une grande prématurité. Cette altération précoce de la fonction respiratoire peut être conservée chez le jeune adulte. Avec le déclin physiologique de la fonction pulmonaire, il développe donc plus rapidement une BPCO.

 

TLM : La prise en charge évolue-t-elle aussi ?
Dr Maeva Zysman :
On distingue la prise en charge non médicamenteuse des traitements à proprement parler. La première repose d’abord sur le sevrage tabagique. Les autres mesures non médicamenteuses, comme la réhabilitation respiratoire ou le sport santé, qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité, sont toutefois largement sous-prescrites. Des études de cohortes issues d’hôpitaux universitaires, jouissant d’un accès privilégié à ce type de soin, montrent que seuls 40 % des patients bénéficient d’une réhabilitation. Ce chiffre tombe à 10 % si l’on s’intéresse à l’ensemble des patients atteint de BPCO. Il est essentiel de prescrire plus largement ce mode de prise

en charge. Concernant les traitements médicamenteux, l’objectif a longtemps été l’arrêt du déclin de la fonction respiratoire avec, pour marqueur, le VEMS (Volume expiratoire maximal par seconde). Les études visent désormais la diminution du nombre d’exacerbations, surtout modérées à sévères, du fait de leur impact sur le pronostic.

TLM : Quel rôle peuvent jouer les médecins généralistes dans le dépistage et la prise en charge de la BPCO ? Dr Maeva Zysman : Le diagnostic repose sur la clinique mais doit être confirmé par la spirométrie. Elle s’est développée en médecine générale sous l’impulsion de la CNAM. Son utilisation reste toutefois encore modeste et les médecins généralistes doivent continuer à se former pour parvenir à faire un examen qui reste délicat à réaliser.

La prise en charge de cette maladie dont l’évolution est parfois jugée inéluctable peut s’avérer par moments sous-optimale. Si cette posture pouvait s’entendre il y a quelques années, elle n’a plus lieu d’être aujourd’hui. La réhabilitation, bien menée, change réellement la vie des patients. Le défaut de prise en charge et la poursuite du déclin de la fonction respiratoire peut être une perte de chance, notamment dans le cas d’un cancer bronchique qui ne pourra être opéré du fait d’une fonction respiratoire dégradée. Enfin, de récents progrès techniques changent la donne. Les valves endobronchiques, notamment, permettent d’améliorer sensiblement la qualité de vie des patients les plus sévères.

En résumé, il paraît donc essentiel que les médecins généralistes s’impliquent plus largement dans le dépistage de la BPCO, et plus particulièrement chez les femmes ou des sujets plus jeunes ayant des antécédents respiratoires. Il est important de bien contrôler les enfants présentant des affections respiratoires pour préserver leur fonction pulmonaire à l’âge adulte. Il convient enfin de faire rentrer davantage la réhabilitation dans l’arsenal thérapeutique quotidien contre la BPCO.

 

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