• Dr. VERMESSE/BRICAIRE : Vaccination pneumococcique: encore beaucoup d’efforts à faire...

François / Bruno VERMESSE / BRICAIRE

Discipline : Infectiologie

Date : 20/01/2021


  • 88_photoParole_122PE_Vermesse.jpg

TLM : Quelles maladies les infections à pneumocoques recouvrent-elles ?
Pr François Bricaire :
Les pneumocoques peuvent être responsables d’infections de la sphère ORL comme les otites et les sinusites, mais aussi d’infections invasives plus graves comme les méningites, les pneumonies ou les bactériémies. S’agit-il de maladies fréquentes et graves ?

Dr Bruno Vermesse : Les pneumocoques sont la première cause de méningite bactérienne chez les enfants de moins d’1 an et chez l’adulte, et d’infections pulmonaires par surinfection de viroses chez les personnes âgées et/ou fragiles.

Pr François Bricaire : Compte tenu de la sévérité de ces germes, le risque d’hospitalisation en service de maladies infectieuses, de pneumologie ou de soins intensifs est élevé. Et le taux de mortalité après 65 ans serait compris entre 10 et 30 % : c’est énorme pour des maladies infectieuses contre lesquelles nous disposons d’un outil de prévention ! Comment sont transmis ces germes ? Pr François Bricaire : Les pneumocoques sont des germes opportunistes qui peuvent devenir pathogènes dans des organismes fragiles ou fragilisés. Or, ce sont des bactéries très présentes dans l’environnement ; nous en sommes d’ailleurs tous porteurs au niveau de la sphère oropharyngée. Elles se transmettent entre personnes, par contact direct et étroit avec la personne infectée ou porteuse, en particulier lors de baisers, de toux ou d’éternuements. Le risque de contamination est donc très important. Les mesures barrières, en particulier le lavage des mains, sont un moyen de s’en prémunir. Mais le plus efficace reste la vaccination. Qui est concerné par cette vaccination ?

Pr François Bricaire : Cette vaccination s’adresse aux populations des âges extrêmes de la vie : les nourrissons dès l’âge de 2 mois (chez qui le vaccin est obligatoire pour ceux nés à partir de 2018), et les personnes âgées de 65 ans et plus (chez qui il est simplement recommandé). Les individus immunodéprimés ou fragilisés par une pathologie sous-jacente prédisposant à la survenue d’une infection invasive à pneumocoque comme une hypertension artérielle, une insuffisance respiratoire chronique ou un diabète non équilibré par exemple ont également intérêt à se faire vacciner.
Pourtant, selon une enquête Ifop*, seuls 8 % des adultes à risque sont vaccinés. Comment l’expliquez-vous ?
Dr Bruno Vermesse :
Il existe un véritable déficit de connaissances associé à un excès de méconnaissance au sujet de la vaccination, tant de la part de la population française que du corps médical. Les vaccins sont en quelque sorte victimes de leur succès : beaucoup de gens ont oublié les maladies contre lesquelles ils les protègent car la plupart de ces maladies ont disparu — du moins sur notre territoire. C’est le cas, par exemple, de la variole ou de la rougeole, que la plupart des médecins n’ont jamais vues. Par conséquent, ils ne réalisent pas forcément l’apport de la vaccination à l’échelle d’une population. En outre, le vaccin pneumococcique n’est pas obligatoire mais simplement recommandé chez l’adulte, ce qui n’est guère incitatif. La durée des consultations étant de plus en plus courte, les médecins n’ont que peu de temps pour expliquer les bénéfices des vaccins à des patients de plus en plus méfiants à l’égard de ces produits de santé.

Pr François Bricaire : Le schéma vaccinal du vaccin pneumococcique est en outre légèrement plus complexe que celui d’autres maladies comme la grippe. Chez les personnes à risque (>5 ans), il comprend une première injection du vaccin conjugué 13-valent qui va conférer une immunité de qualité, suivie d’une dose du vaccin conjugué 23-valent au bout d’au moins 2 mois —il est important de respecter ce délai car il améliore la tolérance ; un rappel est ensuite réalisé à distance d’au moins 5 ans après avec le 23-valent.

Comment peut-on améliorer la couverture vaccinale de la population française des infections à pneumocoques ?

Dr Bruno Vermesse : Je crois profondément au travail d’équipe et donc en une action concertée des sociétés savantes, des caisses d’Assurance maladie et du corps médical : les premières devraient informer des dangers des pneumocoques et expliquer l’intérêt du vaccin ; les deuxièmes pourraient envoyer un coupon de vaccination aux populations concernées comme elles le font pour la grippe ; et les derniers, au premier rang desquels les médecins généralistes, devraient s’appuyer sur la confiance dont ils bénéficient et sur leurs connaissances pour convaincre leurs patients et lever leurs réticences à l’égard de la vaccination.
Pr François Bricaire : Les médecins généralistes jouent en effet un rôle pivot : premiers acteurs de la prévention, ce sont les mieux placés pour sensibiliser leurs patients à l’intérêt de la vaccination contre le pneumocoque. Mais si l’on veut créer un climat propice à la vaccination, il faudrait intervenir beaucoup plus tôt en enseignant, à l’école, l’Histoire des maladies et le rôle qu’ont eu les vaccins sur leur contrôle.

Propos recueillis par Amélie Pelletier

* Étude online réalisée du 21 au 27 juillet 2020 par l’institut IFOP pour MSD auprès d’un échantillon de 1001 personnes âgées de 60 à 75 ans (échantillon national représentatif de la population française âgée de 60 ans et +)

 

  • Scoop.it