• Dr. TUIL : Savoir diagnostiquer et traiter le RGO

Stephane TUIL

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 24/07/2020


  • 62_photoParole_118PE_RGOTuil.jpg

LE REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN (RGO) TOUCHE PRÈS DE 15% DE LA POPULATION ADULTE. COMMENT
LE DÉPISTER ET LE PRENDRE EN CHARGE ET QUAND ADRESSER AU SPÉCIALISTE. LE POINT AVEC LE DR STÉPHANE TUIL, GASTRO-ENTÉROLOGUE

 

TLM : Quelle est la prévalence du RGO ?
Dr Stéphane Tuil :
Quasiment 95% des sujets ont présenté au moins un épisode de RGO dans leur vie. En termes de symptômes récurrents le RGO touche près de 15% de la population adulte en France, ce qui est considérable. Les femmes, notamment pendant la grossesse en raison de l’hyperpression abdominale qu’elle induit, sont aussi touchées que les hommes.

 


TLM : Quelles sont les causes de cette pathologie ?
Dr Stéphane Tuil :
Au plan anatomo-physiopathologique, il s’agit d’une défaillance des mécanismes anti-reflux assurés par le sphincter inférieur de l’œsophage. Mais les facteurs favorisants occupent une place importante : prise de poids même modérée, grossesse, hernie hiatale. Certains médicaments sont répertoriés comme favorisant le reflux : la théophylline, les inhibiteurs calciques, les dérivés nitrés, la progestérone. Le stress et la consommation de tabac ou d’alcool sont d’autres facteurs favorisants.

 


TLM : Quelle en est la symptomatologie ?
Dr Stéphane Tuil :
Les symptômes sont très gênants au quotidien, notamment la nuit. Deux tiers des patients présentent ainsi des réveils avec remontées acides. La symptomatologie typique est bien connue : pyrosis et régurgitations. Plus rarement le RGO peut aussi s’exprimer de manière atypique : toux, hoquets, enrouement, pharyngite, laryngite, douleurs thoraciques.

 


TLM : Quelles sont les complications du RGO ?
Dr Stéphane Tuil :
Les complications sont rares mais peuvent être sérieuses : un ulcère gastrique ou une sténose œsophagienne mais aussi, sur l’œsophage exposé de façon chronique à l’acidité, une dégénérescence avec des risques de cancer. Tout ceci se détecte par la fibroscopie.

 


TLM : Quand le médecin traitant doit-il adresser le patient au gastroentérologue ?
 Dr Stéphane Tuil :
Il devra orienter le patient au gastroentérologue pour une fibroscopie tout d’abord s’il existe des symptômes d’alarme : survenue brutale de symptômes après 50 ans, dysphagie, anémie, hémorragie digestive, amaigrissement. Deuxièmement si les symptômes récidivent après l’arrêt du traitement. La fibroscopie s’impose alors pour vérifier qu’il n’y a pas de complication et de lésions associées.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin traitant dans la prise en charge du RGO ?
Dr Stéphane Tuil :
La prise en charge se décline selon deux axes : règles hygiéno-diététiques et médicaments. Les règles hygiénodiététiques consistent en règles de posture notamment pour ceux qui souffrent de reflux nocturne —relever la tête du lit, s’endormir plutôt sur le côté gauche. On conseillera aussi de laisser au moins 2 à 3 heures entre le dîner et le coucher, et d’éviter les repas trop gras trop sucrés, le café, les boissons gazeuses et évidemment l’alcool et le tabac.

 

TLM : Et au plan du traitement médicamenteux ?
Dr Stéphane Tuil :
Dans un premier temps il faut essayer les anti-acides. On les prendra une heure après le repas. Contrairement aux anti-sécrétoires qui mettent quelques heures à agir, ils soulagent très vite les symptômes, par un effet tampon sur l’acidité de l’œsophage. J’ajoute que les anti-acides à formule complexe associant effet neutralisant et pouvoir tampon sont particulièrement efficaces dans le RGO nocturne. Les patients sont très vite soulagés.

 

TLM : Quels sont les avantages des antiacides par rapport aux IPP ?
Dr Stéphane Tuil :
Leur action est immédiate alors que les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) mettent quelques heures avant d’agir. Le patient, calmé rapidement, va pouvoir se rendormir, ce qui est loin d’être négligeable pour son confort de vie. Les anti-acides peuvent être aussi utilisés dans les premiers jours d’un traitement par IPP en attendant que ces derniers parviennent à leur effet optimal. Les anti-acides peuvent être pris chez les patients en attente d’une fibroscopie, tandis qu’il faut arrêter les IPP quinze jours auparavant. Autre avantage : à la veille d’un test de recherche Helicobacter pylori il faut stopper les IPP quinze jours au préalable, les anti-acides peuvent alors être un appoint important en attendant le test. Leur faible coût comparé aux IPP constitue par ailleurs un avantage important. Une récente étude nationale sur les données de remboursement de 57 millions d’habitants a ainsi montré que la part des IPP s’élève à 423 millions d’euros contre 3 millions pour les anti-acides ! Je vois très souvent arriver des patients avec des prescriptions d’IPP de plusieurs années, dans des indications parfois limites. Il convient d’espacer la prise des IPP. Hormis leur coût et le débat sur les effets supposés néfastes des IPP, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de prendre des IPP tous les jours (sauf indication particulière), mais plutôt à la demande ou de façon intermittente.

 

  • Scoop.it