• Dr. THIEBAULT : Le calendrier vaccinal

Georges THIEBAULT

Discipline : Epidémiologie

Date : 01/02/2021


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TLM : L’épidémie actuelle justifie-telle d’ajourner certaines vaccinations ? Dr Georges Thiebault : Les chiffres publiés montrent qu’avec le confinement un retard a été pris sur un certain nombre de vaccinations : l’étude EPIPHARE met ainsi en évidence une baisse de couverture des vaccins hexavalents, ROR, HPV. Or ni l’épidémie actuelle pas plus qu’un épisode de rhinopharyngite saisonnière, un état fébrile d’allure grippale, rhume, toux ou mal de gorge ne justifient de différer un vaccin, sauf à mettre en retard le patient vis-à-vis d’une maladie à prévention vaccinale. Seule une maladie infectieuse aiguë évolutive légitime un report vaccinal. Mais dès que celle-ci est terminée il convient de vacciner. Certes, on peut comprendre les parents souhaitant un report de vaccination quand leur enfant n’est pas bien et que l’on ne souhaite pas aggraver son inconfort, mais on vaccinera la semaine suivante. La seule raison de report d’un vaccin est qu’en cas d’épisode fébrile dans les suites d’une vaccination il serait difficile de déterminer si les signes généraux doivent être attribués à la maladie ou au vaccin.

u Je rappellerai qu’à 6 ans le rappel DT-Polio-coqueluche doit être pratiqué avec un vaccin normalement dosé ; à 11 et 13 ans avec un vaccin faiblement dosé. Les adultes doivent penser à leur propre calendrier vaccinal surtout s’ils sont en contact avec des enfants en bas âge ou avec des personnes fragiles (vaccination cocooning). Chez l’adolescent, il faut vérifier que la vaccination hépatite B a bien été faite dans l’enfance sinon il faudra pratiquer un schéma vaccinal en 2 doses à six mois d’écart. Deux autres points à vérifier chez les adolescents : d’une part la vaccination méningocoque C, car nombre d’entre eux ont échappé à cette vaccination dans leur enfance ; et, d’autre part, la vaccination papillomavirus préconisée chez les filles âgées de 11 à 14 ans avec un rattrapage jusqu’à 19 ans inclus. La vaccination des garçons aux mêmes âges, incluse dans le calendrier vaccinal 2019, bénéficiera d’un remboursement début 2021. Toujours chez l’adolescent il faudra veiller à ce qu’il ait eu ses deux doses de vaccin rougeole.

Quels sont les points saillants du nouveau calendrier vaccinal ?
u Il ne faut jamais repartir à zéro, chaque dose reçue compte. La règle est de compléter la(es) dose(s) manquante(s) ou de reprendre le schéma vaccinal là où il s’est arrêté. Le schéma de rattrapage tiendra donc compte du nombre de doses nécessaires selon l’âge du patient. A l’adolescence le système de défense répond de façon excellente, si bien que toute dose vaccinale donnée à cet âge est efficace, et cela quel que soit le vaccin. Lors du rattrapage il est nécessaire de respecter les intervalles entre les doses comme en primovaccination. Par exemple, un enfant de 11 ans qui aura eu son vaccin DT-Polio-coqueluche dans sa première enfance sans avoir eu de rappel recevra une dose, celle des 6 ans, et une autre dose six mois après, celle des 11 ans. Une jeune fille ayant reçu à 12-13 ans la première dose de son vaccin papillomavirus sans avoir eu la seconde, la recevra même à l’âge de 16 ans : le schéma deux doses est valide dès lors que la première a été administrée dans l’intervalle de temps défini par le calendrier vaccinal, c’est l’âge de la première dose qui compte. Tout au plus en cas de « sur-vaccination » le risque pourrait être celui des effets locaux — réaction inflammatoire locale. Ce risque n’existe que pour les vaccinations avec des vaccins inactivés, comme la diphtérie, le tétanos ou la coqueluche et ne concerne pas les vaccins vivants atténués comme le ROR.

Que faire en l’absence de carnet de santé, face à un adulte venant d’un pays étranger, par exemple ?
u Concernant le DT-Polio-coqueluche on administrera une dose vaccinale contenant la valence tétanos, et un mois après on pratiquera une sérologie : si la valence tétanos est supérieure à 1 UI/ml, on considère que la personne a reçu son vaccin, non seulement avec la valence tétanos mais aussi avec les autres, puisque dans tous les pays les vaccins contiennent des valences combinées. On pratiquera aussi une sérologie hépatite B (Ag et Ac): un taux d’Ac anti HBs 10UI/l indique une vaccination antérieure. Concernant le Méningocoque C conjugué, une dose de vaccin doit être administrée car cette vaccination n’est pratiquée que dans un nombre limité de pays ; cette dose est aussi indiquée pour les enfants qui auraient reçu un vaccin anti-méningococcique non conjugué, mais en respectant un intervalle minimal de trois ans entre les deux vaccins. Concernant la vaccination rougeole, inutile de faire une sérologie car il n’y a aucun inconvénient à faire la dose vaccinale complémentaire éventuelle, même si deux doses ont déjà été pratiquées. Les enfants en provenance des pays du tiers-monde ont souvent été vaccinés contre la rougeole mais à une dose, plus rarement contre la rubéole et jamais contre les oreillons. Il est donc recommandé de leur administrer au moins une dose de ROR et idéalement deux. La vaccination contre l’Haemophilus influenzae b n’est pas universellement appliquée dans les pays défavorisés : on vaccinera donc les enfants de moins de 5 ans*.

Quelles sont les contre-indications à la vaccination ?
u Il en existe effectivement : allergie anaphylactique ou effets indésirables graves survenus dans les sept jours après l’administration d’un vaccin, et rapportés à l’un des composants du vaccin, par exemple contre-indication à la valence coquelucheuse en raison d’une encéphalopathie d’origine indéterminée survenue dans les sept jours après vaccination. Un médecin ne peut faire un certificat de contre-indication sans en indiquer la durée et la valence concernée —d’un à trois mois selon le cas. Cela dit, la survenue d’effets indésirables est très rare.

Propos recueillis par Daniel Paré

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