• Dr Théo Pezel : Pour prévenir les récidives après un AIT, un AVC, un infarctus

Théo Pezel

Discipline : Cardiologie

Date : 23/10/2023


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L’activité physique, l’hygiène alimentaire, l’arrêt du tabac et des substances illégales, l’observance des traitements, notamment antiagrégants plaquettaires, le fait de consulter son cardiologue régulièrement, permettent d’éliminer quasiment le risque de récidive, affirme le Dr Théo Pezel, cardiologue, praticien hospitalier à l’hôpital Lariboisière (Paris).

 

TLM : Quel est le risque de récidive après un accident cardiaque ou un accident vasculaire cérébral, en l’absence de prise en charge adaptée ?

Dr Théo Pezel : De manière globale, après un accident cardiaque ou un AVC le risque de récidive est de 15% à trois ans, en l’absence de prise en charge adaptée. Plus précisément, le risque de récidive d’AVC est de l’ordre de 8 % et celui de récidive d’infarctus est de 15- 20 %, à trois ans. Pourtant les facteurs de risque de récidive sont connus et peuvent être contrôlés, comme le diabète, l’hypertension, l’hypercholestérolémie. S’agissant, par exemple, du cholestérol, les recommandations officielles spécifient qu’il faut viser, pour prévenir une récidive, un LDL cholestérol en dessous de 0,55. Mais un an après un infarctus, seulement 30% des patients sont à cet objectif. Par ailleurs, le fait de fumer et de prendre des drogues illicites comme le cannabis ou la cocaïne est associé à un risque accru de récidive. Une étude montre d’ailleurs que près de 8 % des patients de plus de 60 ans qui arrivent en urgence dans un service de cardiologie pour un infarctus sont positifs aux drogues illégales et en particulier au cannabis.

Pour les moins de 40 ans, ce chiffre est de 34 %. Alors que la question de l’usage de drogues illicites ne leur est jamais posée par le cardiologue.

 

TLM : Alors que faut-il faire exactement pour réduire les risques de récidive, en prévention secondaire ?

Dr Théo Pezel : D’abord, respecter certaines règles d’hygiène de vie, c’est très important. L’activité physique joue un rôle essentiel dans la prévention secondaire de l’infarctus, des AIT, des AVC. L’exercice physique diminue notamment le taux de LDL-cholestérol, améliore la glycémie et la tolérance cardiaque à l’effort. Il est fortement recommandé dans les suites d’un accident cardio-vasculaire, de pratiquer deux fois par semaine pendant 45 minutes, soit du vélo, soit de la natation, soit de la course à pieds. Il faut commencer 15 jours après l’infarctus. La marche est utile, mais en complément, car exercice insuffisant. Sur le plan nutritionnel, il faut éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé. Nous recommandons d’ailleurs à nos patients de passer un mois dans un service de réadaptation cardiaque, pour redémarrer le sport, suivre des cours d’éducation nutritionnelle et thérapeutique pour mieux manger et comprendre la maladie ainsi que l’impact des médicaments.

 

TLM : Quand et comment traiter l’hypertension ? Comment prendre en charge le LDL cholestérol ?

Dr Théo Pezel : Si le patient à des chiffres tensionnels hors des normes il faut bien entendu le traiter. Dans ce contexte, on préférera des inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Mais sinon, ce n’est pas systématique. En revanche, il est impératif au décours d’un accident cardiovasculaire de prescrire d’emblée une statine à forte dose pour atteindre l’objectif de LDL-cholestérol inférieur à 0,55/l. Si les statines ne sont pas suffisantes, on peut adjoindre de l’ézétimibe, un inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol. Si malgré cette association, les objectifs ne sont pas toujours atteints, il est désormais possible, dans certaines conditions, de prescrire au patient des anti-PCSK9. Sous forme injectable une fois par mois, ces médicaments font baisser le LDL-cholestérol de manière spectaculaire. Car, malgré l’association statines/ézétimibe, 70 % des patients n’’atteignent pas l’objectif fixé pour le LDL-cholestérol.

 

TLM : Comment prendre en charge les patients diabétiques, ayant présenté un infarctus, un AIT, un AVC ?

Dr Théo Pezel : Le patient doit retrouver un équilibre glycémique, en adaptant son traitement et en remettant en place des règles hygiéno-diététiques. Il existe de nouveaux traitements antidiabétiques, comme par exemple les analogues de la GLP1, très efficaces et bien tolérés pour améliorer le contrôle du diabète.

Une classe de médicaments récente, les inhibiteurs de la SGLT2, prescrite initialement dans le diabète est très intéressante pour nous cardiologues.

Elle a trois indications qui se sont imposées progressivement. Il s’agit au départ de médicaments contre le diabète. Puis on s’est rendu compte que ces médicaments étaient très efficaces chez les diabétiques souffrant d’insuffisance rénale pour améliorer les fonctions rénales et la glycémie. Cette classe thérapeutique s’est avérée très prometteuse aussi chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale, y compris non diabétiques. Un tel traitement repousserait de 11 ans le recours à la dialyse. Plus récemment, des essais cliniques ont mis en évidence également un effet important contre l’insuffisance cardiaque.

 

TLM : Les antiagrégants plaquettaires sont-ils systématiques ?

Dr Théo Pezel : Après un infarctus, en l’absence de fibrillation auriculaire, et en particulier lorsque les gens ont bénéficié d’un stent, soit 80 % des cas aujourd’hui, nous prescrivons systématiquement de l’aspirine à la dose de 75 milligrammes par jour, associée à un autre antiagrégant plaquettaire pendant un an. Ensuite seule l’aspirine est conservée à la dose de 75 milligrammes par jour, a priori pour la vie. Pour 5 % des patients, à un an, il peut y avoir des saignements digestifs, en général sans gravité.

En cas d’accident vasculaire cérébral ischémique ou d’AIT, et en l’absence de fibrillation auriculaire, l’aspirine seule sera prescrite. En revanche, si le patient souffre d’une fibrillation atriale, le traitement sera basé sur des anticoagulants, car le risque de récidive d’AVC est alors plus important.

 

TLM : Finalement, si l’on est bien pris en charge après un accident cardiovasculaire, après un AIT ou après un infarctus, le risque de récidive est très faible…

Dr Théo Pezel : Les patients qui récidivent sont ceux qui continuent à fumer, ne font pas de sport malgré les recommandations, et qui ne vont pas consulter leur cardiologue au moins une fois par an pour adapter la prise en charge. Aujourd’hui, l’activité physique, l’hygiène alimentaire, l’arrêt du tabac et des substances illégales, l’observance des traitements, le fait de consulter son cardiologue régulièrement permettent vraiment d’éliminer quasiment le risque de récidive.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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