• Dr Sylvie Royant-Parola : Traitement des insomnies chroniques à la cinquantaine

Sylvie Royant-Parola

Discipline : Neurologie

Date : 18/04/2023


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Difficultés d’endormissement, réveils nocturnes fréquents ou réveil matinal trop précoce : lorsqu’elle apparaît au tournant de la cinquantaine, l’insomnie chronique peut être l’expression d’une pathologie sous-jacente spécifique, relève le Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre, spécialiste des troubles du sommeil et présidente du Réseau Morphée (Paris).

 

TLM : Quels sont les signes d’une insomnie primaire après 55 ans ?

Dr Sylvie Royant-Parola : On ne parle plus d’insomnie primaire, mais d’insomnie chronique sans comorbidités.

L’insomnie chronique se caractérise par des difficultés d’endormissement ou par des réveils nocturnes fréquents ou par un réveil trop précoce le matin, et cela au moins trois fois par semaine pendant plus de trois mois. L’insomnie chronique est associée à une fatigue anormale dans la journée, à des difficultés de concentration, à un mal-être, à des dysfonctions diurnes. Une personne qui ne se plaint d’aucun trouble dans la journée mais qui dort peu, s’endort tard, se réveille tôt, ne souffre pas d’insomnie. L’insomnie chronique ce sont des troubles du sommeil, avec un retentissement le lendemain. Cela dit, si 30 à 40% de personnes en France se plaignent de troubles du sommeil, 8 ou 10 % souffrent vraiment d’insomnie chronique.

 

TLM : Existe-t-il, après 55 ans, des facteurs favorisants cette insomnie chronique ?

Dr Sylvie Royant-Parola : Aux alentours de la cinquantaine, les troubles du sommeil peuvent survenir chez les femmes au moment de la périménopause. Ces insomnies se traduisent en général par des réveils nocturnes et des modifications du rythme du sommeil. La ménopause est différemment vécue selon les femmes, mais il s’agit d’une période à risque pour le sommeil. Cette insomnie est cependant physiologique. Il ne faut pas s’en inquiéter. Ces troubles sont en général transitoires et disparaissent le plus souvent une fois la ménopause installée. Chez l’homme au même âge, des troubles du sommeil peuvent aussi apparaître, mais en général ils sont consécutifs à des difficultés professionnelles, fréquentes à cette période, changement de poste ou recherche d’emploi par exemple.

C’est aussi l’âge où le couple est confronté au départ des enfants de la maison. Globalement, le sommeil peut se détériorer aux alentours de la cinquantaine, mais pas de manière définitive.

 

TLM : Faut-il faire un bilan particulier, face à une personne se plaignant d’insomnie chronique ?

Dr Sylvie Royant-Parola : Quand une insomnie apparaît après 55 ans, on est forcément conduit à se demander s’il n’y a pas une pathologie sous-jacente spécifique, comme une apnée du sommeil ou un syndrome des jambes sans repos. Ce sont deux pathologies qui augmentent avec l’âge et qui perturbent le sommeil. Il faut les rechercher systématiquement lors d’une consultation pour insomnie. Pour ce qui est de l’apnée du sommeil, il faut rechercher, un ronflement, un sommeil fragmenté, une somnolence dans la journée, des maux de tête. Il faut aussi identifier les facteurs de risque d’apnée du sommeil, surpoids, obésité, maladies cardiovasculaires, hypertension, diabète. Quant au syndrome des jambes sans repos, il doit être envisagé chez un patient qui se plaint d’être gêné, surtout dans la soirée et la nuit, par des sensations au niveau des jambes, agacements, fourmillements, sensations de chaleur, secousses… La personne doit bouger la jambe pour arrêter ces sensations. Cela peut être très handicapant, avec impossibilité de sortir le soir, de prendre l’avion…

Ce syndrome des jambes sans repos s’accompagne de réveils nocturnes fréquents. Après 55 ans, il faut également rechercher une dépression chez une personne souffrant de troubles du sommeil, et aussi d’autres comorbidités comme le reflux gastro-œsophagien ou une maladie asthmatique.

 

TLM : Quelle prise en charge pour ces patients souffrant d’insomnie chronique ?

Dr Sylvie Royant-Parola : Une fois posé le diagnostic d’insomnie chronique, la première des choses à faire est de demander au patient de tenir un agenda de son sommeil. Il doit y noter l’heure du coucher, les éventuels réveils nocturnes, l’heure du lever… En fonction de cet agenda, la prise en charge passe par un travail de restructuration des rythmes du sommeil. Il s’agit de modifier les habitudes du patient par le biais d’une prise en charge cognitivocomportementale. Il est cependant possible de mettre en place des consignes pour restructurer le sommeil, sans pour autant mettre en œuvre une thérapie. Si l’on est à Paris, il y a beaucoup de possibilités pour organiser cette thérapie pour les patients insomniaques, en particulier grâce au Réseau Morphée (www.reseaumorphee.fr). En revanche, en province, on trouve moins de ressources médicales et il est plus difficile d’avoir recours à une équipe de thérapeutes spécialisés dans les troubles du sommeil.

 

TLM : Les somnifères s’inscrivent-ils dans cette prise en charge ?

Dr Sylvie Royant-Parola : Si les somnifères ne peuvent pas être utilisés au long cours, parce qu’ils ne traitent pas l’insomnie et qu’ils ont des effets secondaires, ils ont un intérêt pour des patients en grande souffrance psychique, pour les aider à passer un cap difficile. Il ne faut pas être chiche sur les somnifères qui permettent, à un moment donné, d’aider les patients en situation de souffrance à souffler un peu. La prescription des somnifères est limitée selon l’AMM à 28 jours. Quoi qu’il en soit les somnifères n’ont pas d’intérêt dans l’insomnie chronique. Ils aident à passer un cap.

 

TLM : Quelle est la place de la mélatonine ?

Dr Sylvie Royant-Parola : La mélatonine est intéressante pour améliorer les problèmes d’endormissement chez les patients qui présentent une altération du rythme de sommeil. Il s’agit en général de personnes retraitées, qui ne travaillent plus et dont le temps n’est plus structuré par la vie professionnelle. La mélatonine permet, chez les personnes âgées voire très âgées, de renforcer les rythmes veille/sommeil. Pour ces patients âgés présentant un fractionnement du sommeil, le fait de prendre de la mélatonine favorise la régulation de ces rythmes et améliore l’endormissement. Il n’y a pas de contre-indications. Ce médicament est à prendre le soir. Il est bien toléré, avec parfois des maux de tête et éventuellement une somnolence dans la journée. Il n’y a pas d’accoutumance et donc pas de problème à en prendre régulièrement. Il faut éviter les compléments alimentaires à base de mélatonine en vente libre, dont les dosages ne sont pas contrôlés. Il faut privilégier les médicaments contenant de la mélatonine ayant une autorisation de mise sur le marché et disponibles uniquement sur ordonnance.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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