• Dr Sylvie Meaume : Inventaire des plaies et leur prise en charge

Sylvie Meaume

Discipline : Dermatologie

Date : 17/01/2023


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D’abord identifier l’origine de la lésion —ulcère de jambe, pied diabétique, escarre, plaie traumatique ; poser ensuite le diagnostic —aspect de la plaie, sa localisation et sa taille ; choisir enfin le pansement adapté : absorbant, à base de fibres, hydrocellulaire… C’est le protocole préconisé par le Dr Sylvie Meaume, chef du service de Gériatrie - Plaies et Cicatrisation de l’hôpital Rothschild (Paris).

 

TLM : Comment adapter les pansements, selon les plaies à traiter ?

Dr Sylvie Meaume : La prise en charge d’une plaie, aiguë ou chronique a pour objectif de permettre la cicatrisation, d’empêcher les infections, et bien sûr de prévenir les récidives. Le pansement est l’une des étapes du traitement, mais ce n’est pas la seule : identifier l’origine de la lésion, ulcère de jambe, pied diabétique, escarre, plaie traumatique, est fondamental. Ceci posé, le type de pansement à utiliser ne dépend pas de la cause mais des caractéristiques de la plaie. Par exemple, pour aider à la cicatrisation des ulcères de jambes, certains pansements permettent de maintenir un milieu humide propice à la cicatrisation naturelle, certains peuvent absorber les exsudats et prévenir la macération de la plaie, d’autres apportent de l’eau si la lésion est sèche. Les pansements primaires sont en contact direct avec la plaie ; les pansements secondaires les recouvrent éventuellement. Ils sont tous conçus pour ne pas adhérer à la plaie et ainsi réduire la douleur lors des changements de pansements. J’ajoute qu’il s’agit de dispositifs médicaux : les exigences en matière de fabrication et de sécurité sont à peu près identiques à celles requises pour les médicaments.

 

TLM : Comment, par exemple, prendre en charge un ulcère de jambe ?

Dr Sylvie Meaume : Une plaie sur la jambe doit évoquer un ulcère de jambe. Ce qui implique, souvent, un bilan et un traitement vasculaire et, à la fois, la prise en charge de l’ulcère lui-même. Il faut d’abord identifier s’il s’agit d’un problème veineux, artériel, ou les deux —un ulcère mixte. Dans certains cas, une biopsie peut être nécessaire, pour s’assurer que la lésion n’est pas due à un carcinome, en particulier lorsque la plaie persiste au-delà de trois mois, malgré un traitement bien conduit. Un ulcère de jambe nécessite souvent le recours à un médecin vasculaire pour la réalisation d’un doppler et le traitement des reflux veineux. En cas d’atteinte artérielle une revascularisation est nécessaire, par angioplastie ou pontage.

 

TLM : Que faire face à une plaie sur un pied diabétique ?

Dr Sylvie Meaume : Ces plaies sont souvent mixtes, avec une atteinte à la fois vasculaire et neuropathique. Le pied doit alors être mis en décharge en cas de neuropathie, et une revascularisation est envisagée en cas d’atteinte artérielle.

Ces plaies sont souvent infectées et doivent être traitées rapidement de façon médico-chirurgicale pour limiter les gestes d’amputation ou des complications infectieuses graves. L’amélioration du contrôle glycémique est importante également. Les plaies des pieds diabétiques doivent être vues dans des centres experts qui permettent une prise en charge optimale afin de limiter le nombre des amputations toujours dramatiques.

 

TLM : Comment prendre en charge les escarres ?

Dr Sylvie Meaume : Les escarres surviennent chez des personnes âgées alitées, souvent en maison de retraite, ou chez des patients plus jeunes atteints de sclérose en plaques, chez des blessés médullaires… Il faut d’abord mettre la plaie en décharge, prescrire un lit médicalisé, un matelas « anti-escarre », des changements de position et une kinésithérapie de mobilisation, si possible. Si le patient est chez lui, il faut mettre en place une hospitalisation à domicile car la prise en charge est lourde. De manière simultanée, il faut bien entendu traiter les plaies le plus rapidement et efficacement possible. L’escarre du talon nécessite une attention particulière car elle est souvent associée à une atteinte artérielle. Il faut alors vérifier les pouls distaux aux membres inférieurs.

 

TLM : Quels traitements locaux ?

Dr Sylvie Meaume : La première étape, face à une plaie, c’est de poser un diagnostic précis de la cause de la lésion, sans quoi malgré le traitement local, la plaie ne cicatrisera pas. Le traitement local dépend de l’aspect de la plaie, de sa localisation et de sa taille. Le traitement local est réalisé par une infirmière, sur une prescription médicale. L’ordonnance du médecin destinée à l’infirmière précise l’âge du patient, son poids, les caractéristiques des lésions et le schéma des soins, les types de pansement à utiliser. L’infirmière a également la possibilité de prescrire les pansements qui seront remboursés au patient. Au début ces soins locaux peuvent être nécessaires tous les jours ou tous les deux jours, après quoi ils peuvent être espacés. La première étape du soin consiste en un lavage de la plaie à l’eau et au savon acheté en pharmacie à un PH physiologique. Il est recommandé, ensuite, d’appliquer de la xylocaïne en local et en spray à 5 % pour que le soin se passe dans de bonnes conditions. Il est parfois nécessaire de retirer les tissus nécrosés, fibrineux, jaunes, noirs. Il est recommandé, enfin, d’appliquer un émollient autour de la plaie pour l’entretien de la peau périphérique qui est souvent fragilisée.

 

TLM : Comment choisir le pansement ?

Dr Sylvie Meaume : Il en existe de nombreuses catégories pour tous les types de plaie… En cas de lésions suintantes, il faut privilégier les pansements absorbants, si la plaie est à déterger il faut compléter la détersion mécanique de l’infirmière par des pansements plutôt à base de fibres. Si la plaie est sèche —ce qui est rare—, il est possible d’utiliser un hydrogel. Lorsque la plaie devient bourgeonnante, on choisit un pansement hydrocellulaire. Le pansement primaire, au moins jusqu’à l’épidermisation de la plaie, ne doit pas être adhérent à la plaie. Il est parfois nécessaire d’utiliser un pansement secondaire —pansement absorbant type « américain »—, des compresses et des bandes ou tubulaire de maintien. Pour les plaies chroniques, il existe maintenant des pansements « booster » de cicatrisation qui permettent de réduire le temps de cicatrisation de plusieurs semaines.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge des plaies ?

Dr Sylvie Meaume : Face à une plaie, quelle que soit sa cause, le médecin généraliste peut être aidé par des centres experts, disponibles en télémédecine. Il peut solliciter ces centres, en envoyant des photos par télé-expertise ou demander une téléconsultation à laquelle il participera et qui est rémunérée au médecin et à l’infirmière et remboursée au patient. Ce dispositif permet, pour les plaies complexes, une amélioration de la prise en charge. En ville comme à l’hôpital, le médecin est également prescripteur des soins, mais le rôle de l’infirmière est central.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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