• Dr Stéphane Koch : Pour atteindre à une endoscopie écoresponsable…

Stéphane Koch

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 18/04/2023


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Au palmarès des disciplines médicales les plus polluantes, l’endoscopie et l’anesthésie pointent en tête. Les experts travaillent de conserve pour réduire leur empreinte carbone.

Le Dr Stéphane Koch, secrétaire général de la SFED (Société française d’endoscopie digestive), chef du service de Gastroentérologie de l’hôpital Minjoz à Besançon, explique comment.

 

TLM : Réduire, réutiliser, recycler, c’est le triptyque des recommandations européennes visant à diminuer le poids écologique des plateaux techniques, et notamment du bloc opératoire qui génère 30 % des déchets hospitaliers.

Ces recommandations sont-elles si faciles à appliquer ?

Dr Stéphane Koch : Précisément non, et c’est la raison pour laquelle les gastroentérologues ont créé une commission « Ecoresponsabilité » dirigée par le Dr Ariane Vienne (Antony) et adhéré en octobre 2020 (Sociétés associées - CERES [ceres-sante.fr]) à une association commune pour réfléchir à l’impact environnemental de l’endoscopie, de l’anesthésie et de la chirurgie digestive.

Car, pour agir de manière efficace, il faut également agir de manière concertée. Si l’endoscopiste est vertueux mais pas l’anesthésiste, à quoi cela rime-t-il ?

Comme toujours en médecine, la première étape consiste à poser un diagnostic : le secteur de la santé c’est 33 millions de tonnes de CO2 ! Et l’endoscopie est une des activités les plus génératrices de déchets. Si je compare à la chirurgie par exemple, pendant une vacation opératoire je vais prendre en charge 10 malades environ ; pour chacun je vais utiliser un endoscope, qui sera retraité pour être réutilisé ; ce traitement nécessite du nettoyage manuel (par brossette et écouvillon jetable), de l’eau, de la chimie, de l’électricité… L’alternative, c’est l’endoscope à usage unique. Mais lui aussi pose problème. Pour rendre notre secteur vertueux il faut donc analyser nos pratiques et évaluer leur impact environnemental. C’est loin d’être simple. A titre d’exemple, il y a une vingtaine d’années, nous avions voulu estimer le meilleur choix entre la pince à biopsie à usage unique et la pince à usage multiple. En cas d’usage multiple la pince doit être nettoyée, passée dans la soniqueuse (ultrasons pour enlever les particules), puis elle est emballée dans un sachet propre et transportée vers la stérilisation centrale de l’hôpital. Une fois stérilisée il faut la renvoyer vers le bon service. La logistique est complexe. Cette étude ne prenait en compte que la dimension financière et humaine. Elle a abouti à la conclusion que le bénéfice de l’usage multiple dépendait de l’organisation de chaque hôpital. Si on ajoute la dimension écologique, il est encore plus difficile de conclure. Et si on tient compte du fait que dans les déchets du bloc il y a peut-être 100 ou 200 petits matériels et que chacun est différent en matière de désinfection, de recyclage, on comprend que la mise en place d’un bloc « green » est pour le moins complexe.

 

TLM : Quels paramètres prendre en compte ?

Dr Stéphane Koch : Ils sont nombreux mais on peut les regrouper en catégories. Les processus de décontamination, bien sûr, mais aussi les déchets et le transport. On sort d’une période où, suite à la crise de la vache folle, l’hygiène est devenue centrale, ce qui a contribué à privilégier l’usage unique.

Mais cela augmente de façon considérable les déchets hospitaliers. Certains sont contaminés et doivent être jetés dans les poubelles jaunes (DASRI, incinérés à très haute température), d’autres dans la poubelle standard. Une grande partie du personnel jette tout dans les DASRI.

Un peu de formation et d’information serait utile… Nous avons commencé en apposant des autocollants sur les poubelles ; nous allons créer des tutoriels filmés. Nous installons une troisième poubelle pour tout ce qui est recyclable (plastique, carton…). Nous travaillons aussi à prolonger les dates de péremption car c’est autant de déchets en moins.

Quant au transport, il faut le réduire au maximum. Cela vaut pour le matériel mais aussi pour les hommes. Nos équipes interviennent dans les petits hôpitaux. Déplacer un expert est plus écologique que déplacer 10 malades !

Pour l’endoscopie s’ajoute la dimension de l’anesthésie, fortement génératrice de déchets. Dans notre région on en revient à la pratique d’endoscopie sans anesthésie en recourant au midazolam, au protoxyde d’azote ou à l’hypnose. Rendre nos spécialités écoresponsables est un long chemin. Nous devons appliquer des choses simples pour commencer : le tri des déchets et les changements de consommation d’eau.

L’action est d’ores et déjà en cours dans tous les blocs !

 

TLM : Et pour les endoscopes ?

Dr Stéphane Koch : Récemment s’est posée la question de l’usage unique. Des industriels ont développé des endoscopes à usage unique au motif que la décontamination d’un endoscope et de ses multiples canaux est une opération complexe (on ne peut pas stériliser à haute température). Mais en gastroentérologie nous réalisons des millions d’actes. Passer à l’usage unique serait un désastre écologique : des tonnes de plastiques, des caméras avec des métaux lourds et des terres rares partiraient dans les DASRI. Un peu comme si vous jetiez votre iPhone à la poubelle pour l’incinérer après chaque coup de fil ! Et puis il faut stocker ces endoscopes jetables. Ils sont fragiles, emballés dans du carton et du plastique…

Une solution extrêmement intéressante vient d’être apportée par PENTAX Medical (filiale du groupe Hoya). Après avoir inventé la solution PlasmaTYPHOON, basée sur la technologie plasma et destinée au séchage et stockage d’endoscopes, les ingénieurs français du groupe ont mis au point l’AquaTYPHOON pour le nettoyage des canaux d’endoscopes en utilisant uniquement de l’air et de l’eau sous pression. Ce système utilise de l’eau en moindre quantité (rapport 1 à 10 environ) et économise du temps humain (plus de brossage manuel des canaux). Actuellement en phase de test à Besançon et à l’HEGP (Hôpital européen Georges-Pompidou) à Paris, c’est une des innovations-clefs présentées aux Journées françaises d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive (JFHOD) de mars 2023. Pour moi, c’est une révolution.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer-Latimier

En chiffres…

• Si le secteur sanitaire était un État il serait le cinquième pollueur de la planète.

• Incinérer 1 tonne de déchets médicaux DASRI dégage 934 kg de CO2 ; 1 tonne de déchets ménagers en émet près de trois fois moins.

• L’endoscopie est la troisième activité médicale la plus polluante (2,1 kg de déchets par acte).

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